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16 juillet 1945 : les Etats-Unis faisaient exploser la première bombe atomique de l’histoire

Publie le dimanche 17 juillet 2005 par Open-Publishing

Il y a 60 ans, le 16 juillet 1945, les Etats-Unis faisaient exploser dans le plus grand secret dans le désert d’Alamogordo (Nouveau-Mexique, sud-ouest) la première bombe atomique de l’histoire, baptisée "Trinity". Cette première bombe, identique à celle qui devait détruire la ville japonaise de Nagasaki quelques semaines plus tard, ouvrait une ère nouvelle et terrifiante dans l’histoire de l’humanité.

Il y a 60 ans : la tragédie de Hiroshima et Nagasaki se précisait malgré l’écroulement de l’Allemagne nazie.

de Pierre Piérart

Soixantième anniversaire de la tragédie de Hiroshima et de Nagasaki.

Le projet de bombe atomique américain, connu sous le nom de "projet Manhattan", initié par les physiciens Szilard et Teller en vue de dissuader les Allemands de le faire, n’avait plus lieu d’exister.

Un projet qui a coûté 2 milliards de dollars et mobilisé 150.000 personnes a été détourné de son objectif initial (bombe de dissuasion) pour devenir une arme terroriste et offensive contre le Japon aux abois et quémandant l’arrêt des hostilités.

Les demandes du Japon resteront lettre morte et la Conférence de Yalta (du 4 au 12 février 1994) aboutira à un engagement de l’URSS contre le Japon trois mois après la capitulation de l’Allemagne.

Nous retiendrons seulement pour la période du 1er janvier au 31 mars 1945 le bombardement de Dresde les 13 et 14 février, qui est considéré comme un Hiroshima et un avertissement aux Soviétiques de la puissance militaire des Alliés, les bombardements incendiaires de Tokyo les 16 et 17 février, l’information de Stimson à Roosevelt du 15 mars, concernant le dilemme nucléaire des Américains (soit annoncer clairement aux Russes le projet Manhattan soit le cacher) et l’accord secret du Président Benes avec Moscou concernant la possibilité de livraison de l’Uranium de Joachimsthal (Tchécoslovaquie).

Nous nous limiterons dans cette note aux évènements importants qui ont caractérisé la tragédie d’Hiroshima durant la période d’avril 1945 ; d’autres notes suivront pour les périodes de mai, juin, juillet et août.

1er avril. Début de la bataille d’Okinawa qui se terminera le 26 juin. Plus de 1.500 attaques de kamikazes. Les Japonais perdent 110.000 hommes plus de 150.000 civils. Côté américain, il y a, après quarante-cinq jours de combat, 12.500 morts et 37.000 blessés. Cette bataille a servi d’argument pour justifier l’emploi de la bombe atomique.

5 avril. Suite à l’effondrement des troupes allemandes à l’Ouest, Churchill insiste auprès de Roosevelt pour que les unités américaines demeurent dans les zones prévues par l’URSS. Le gouvernement soviétique annonce qu’il ne renouvellera pas le pacte de non agression avec le Japon qui doit prendre fin en 1946.

12 avril. Mort de F.D. Roosevelt ; le vice-président Harry S. Truman devient président des Etats-Unis. La nouvelle administration remplacera progressivement les hommes du New Deal.

16 avril. Le général Arnold, chef de l’Air Force et le général Groves, chef du projet Manhattan choisissent les quatre villes cibles d’un bombardement atomique : Hiroshima, Niigata, Kokura et Nagasaki.

18 avril. Henry L. Stimson, ministre de la guerre présente la liste des Quatre villes candidates à l’holocauste nucléaire au président Truman nommé depuis six jours.

22 avril. Berlin est complètement encerclé par les Soviétiques, Bologne tombe aux mains des alliés.

24 avril. Jonction à Torgau, sur l’Elbe, des avant-gardes américains et soviétiques. Berlin investie par l’armée soviétique.

25 avril. Ouverture de la conférence de San Francisco : organisation de l’ONU. La conférence se terminera le 26 juillet. Discussion entre Truman et Stimson sur la question du secret de la bombe atomique ainsi que de son impact sur l’évolution de la guerre.

26 avril. Truman est informé que le projet Manhattan a du retard. L’uranium 235 ne sera prêt que le 1er août.

28 avril. Les premiers membres de l’unité spéciale affectée aux bombardements atomiques quittent Seattle à bord du Cape Victory qui arrivera à Tinian le 29 mai.

2 mai. Capitulation des armées allemandes dans le nord de l’Italie. Le général Weidling, chargé de la défense de Berlin se rend avec ses 70.000 hommes. La commission provisoire dirigée par Truman s’interroge sur la façon d’utiliser la bombe sur le Japon.

Concernant la capitulation des armées allemandes du Nord de l’Italie rappelons que déjà en mars 1945 des négociations secrètes avaient été entamées en Suisse entre les Américains dirigés par Allen W. Dulles, chef du bureau des services stratégiques, et Karl Wolff, chef des troupes SS d’Italie, en vue d’obtenir la capitulation du groupe d’armées allemandes C. Ces troupes, représentées par vingt-trois divisions et quatre « italiennes », reculaient face aux armées américaines, polonaises, britanniques réduites par des prélèvements effectués pour la Grèce mais renforcées par des contingents sud-africains, indiens et 70.000 Italiens. Les négociations menées en l’absence de représentant soviétique eurent pour résultat de déclencher la fureur de Staline qui enverra le 29 mars un télégramme dans lequel il estimait qu’il y avait violation des conventions passées entre alliés. Ces dernières interdisaient des accords de paix séparée. Roosevelt, fort perturbé par ces accusations, protestera de sa bonne foi et tâchera de minimiser ce grave incident considéré par certains observateurs, dont Staline, comme une tentative de la part de certains Occidentaux de récupérer des forces allemandes en vue d’un conflit avec l’URSS. Les négociations furent stoppées malgré la pression de Londres. La capitulation sans conditions, avec l’accord de Staline, eut finalement lieu le 2 mai à 12 heures malgré une intervention de dernière minute de Kesselring, le précédent chef du groupe des armées allemandes.

Après la capitulation des armées allemandes dans le Nord de l’Italie, le 2 mai 1945 , plusieurs évènements en relation avec la tragédie de Hiroshima et de Nagasaki auront lieu dans la période du mois de mai.

3 mai. Prise de Rangoon en Birmanie. James Byrne accepte de faire partie du comité intérimaire qui doit déterminer les conditions d’utilisation de la bombe.

6 mai. Churchill télégraphie à Truman pour fixer une date poour la réunion de Postdam, il insiste pour que les troupes anglaises et américaines se maintiennent sur les positions occupées (Churchill insiste auprès de Truman pour ne pas retarder la conférence de Postdam).

7 mai. Capitulation préliminaire de l’Allemagne, dans la nuit du 6 au 7 mai, signée par le général Jodl en présence des généraux Walter Bedell Smith (US), Ivan Susloparov (URSS), Robb et Strong (Grande-Bretagne) et Sevez (France) à Reims. Libération du roi Léopold III et de sa famille par l’ armée du général Patch à Strobl (Autriche). Les forteresses B-29, destinées au bombardement atomique, quittent Wendower dans l’Utah pour l’île de Tinian dans les Mariannes où elles arrivent le 14 mai.

8 mai. Véritable capitulation de l’Allemagne, dans la nuit du 8 au 9 mai, signée par le maréchal W. Von Keitel à l’état major du général Joukov près de Berlin à Karlshort en présence du général américain Spaats, du maréchal britannique Tedler et du général français de Lattre de Tassigny. Capitulation de l’armée allemande en Norvège. L’Espagne rompt ses relations diplomatiques avec l’Allemagne. Capitulation de la Wehrmacht à Prague.

10 mai. Répression des collaborateurs à Prague (200.000 civils allemands résidant à Prague). Capitulation des Allemands à Lorient et à Saint-Nazaire. Le sous-marin allemand U-234 parti de Kiel avec 560 kg d’oxyde d’uranium à son bord reçoit l’ordre de se rendre. Les 560 kg d’uranium étaient destinés à l’armée japonaise.

15 mai. L’unité spéciale de bombardement atomique reçoit 10 bombardiers B-29 neufs et allégés. W. Lippman écrit que les Etats-Unis sont en train d’adopter une position nettement anti- soviétique.

21 mai. Truman confie à Davies qu’il a retardé l’ouverture de la conférence de Potsdam jusqu’en juillet afin de pouvoir se servir de la bombe sur le plan diplomatique. Suicide de Himmler.

26 mai. Harry Hopkins arrive à Moscou pour préparer la conférence de Potsdam (la conférence de Potsdam ne se tiendra qu’ à partir du 17 juillet jusqu’au 2 août ; Truman voulait être certain de disposer de sa bombe atomique lors de cette rencontre. En effet le nouveau président américain, avec l’aide de Hopkins, non seulement retardera la conférence de Potsdam mais essayera également de neutraliser l’expansion de l’URSS en Extrême Orient).

Juin. Klaus Fuchs fournit une description détaillée de la bombe au plutonium aux Soviétiques. Togo, ministre des Affaires étrangères, interviendra auprès de l’ambassadeur soviétique, J. Malik, pour qu’il facilite les médiations entre le Japon et les Etats-Unis. Cette démarche diplomatique n’aura aucun effet. On le comprend aisément vu que les Soviétiques se sont engagés à déclarer les hostilités contre le Japon trois mois après l’écroulement du 3ème Reich. On remarquera que la première bombe atomique américaine, qui doit être testée à Alamogordo, n’est pas encore prête ce qui explique le report de l’essai au 16 juillet, veille de l’ouverture de la Conférence de Potsdam.

5 juin. D. Eisenhower, B. Montgomery et J. De Lattre de Tassigny prennent le pouvoir à Berlin.

6. juin. Stimson informe le président Truman que le projet Manhattan doit rester secret. Deux semaines plus tard, le comité conseille au président d’annoncer la bombe discrètement à Staline.

11 juin. Rapport de James Franck sur les dangers d’une course aux armements atomiques.

18 juin. Réunion des chefs militaires américains. Les pertes estimées, suite à un débarquement au Japon, ne dépasseraient pas 50.000 hommes.

21 juin. Le comité intérimaire dirigé par Stimson affirme que la bombe doit être utilisée à la toute première occasion, sans avertissement, sur une ville avec une usine d’armement.

26 juin. Fin de la conférence de San Francisco. 51 nations ratifient la charte des Nations Unies.

29 juin. Rattachement de la Ruthénie tchécoslovaque à l’Ukraine permettant le passage des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie.

30 juin. Le comité responsable de l’essai de Trinity (Alamogordo) recule la date de l’essai atomique au 16 juillet 45.

Juillet. Dans les heures qui suivirent la mort de président Franklin Roosevelt, survenu le 12 avril 1945, plusieurs responsables politiques approchèrent le nouveau président Harry Truman pour le mettre au courant du projet Manhattan dont il ignorait l’existence.

Ce projet avait été lancé en mai 1942 sous la direction de Vannevar Bush, président du Carnegie Institute, et du général Leslie Groves, chef du corps des ingénieurs de l’armée encore connu sous le nom de Manhattan Engineer District. Le programme Manhattan prévoyait, à titre préventif, la fabrication de 3 ou 4 bombes atomiques utilisant la réaction en chaîne de la fission de l’uranium et du plutonium. Cette réaction en chaîne devait libérer des quantités énormes d’énergie dans un temps très bref et sans aucune mesure avec la puissance des explosifs classiques. En principe, il s’agissait de dissuader les Allemands d’une utilisation de la bombe qu’ils auraient fabriquée dans le plus grand secret.

La décision de ne pas informer les Soviétiques du projet Manhattan sera une des causes de la rupture de l’Alliance à la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la mise en marche du processus de la guerre froide. On doit s’interroger sur l’évolution des relations diplomatiques d’après-guerre dans l’hypothèse où Roosevelt et Churchill auraient accepté les recommandations du Physicien Niels Bohr (rendre public le programme Manhattan) fortement soutenu par Kapitsa. En prévenant Staline, avant l’essai de la Bombe à Alamogordo, et en l’informant sérieusement à la conférence de Potsdam, les Alliés auraient désamorcé ce qui allait devenir une véritable bombe diplomatique. De la conférence de Potsdam nous retiendrons la volonté de plusieurs responsables américains de maintenir le plus grand secret sur les préparatifs de la nouvelle arme (et l’attitude du président Truman qui changea du tout au tout après l’explosion de la 1ère bombe atomique au Nouveau Mexique). En particulier notons que le physicien danois Niels Bohr, insistait sur la nécessité d’informer les Soviétiques sur les recherches menées dans le cadre du projet Manhattan. Churchill, contrairement à Roosevelt, s’opposa vigoureusement à la proposition du physicien danois et voulu même le faire emprisonner. Bohr, qui avait déjà rencontré les physiciens Kapitsa et Landau en URSS, ne fut plus autorisé à leur rendre visite...

4 juillet. Churchill donne son accord pour l’emploi de la bombe atomique (comité politique anglo-américain de Washington).

7 juillet. L’empereur Hiro-Hito demande aux Russes de recevoir le prince Konoye à Moscou pour négocier une reddition inconditionnelle.

10 juillet. Molotov déclare au ministre chinois des Affaires étrangères, T.V. Soong, que l’URSS pourrait déclarer la guerre au Japon à la fin du mois d’août.

15 juillet. Après la traversée de l’Atlantique Truman débarque à Anvers et arrive à Potsdam.

16 juillet. Première explosion atomique expérimentale américaine à Alamogordo, au nouveau Mexique (nom de code : Trinity). Bombe au plutonium munie d’un dispositif d’implosion (projet Manhattan dirigé par le général Groves).

17 juillet. Ouverture de la Conférence de Potsdam au palais du Kronprinz qui durera jusqu’au 2 août.

18 juillet. Staline informe Truman que le ministre japonais des Affaires étrangères Togo et l’ambassadeur à Moscou Sato sont prêts à demander l’arrêt des hostilités.

21 juillet. Truman reçoit un rapport détaillé de Groves sur l’explosion d’Alamogordo. Dès ce moment l’attitude du président américain vis-à-vis des Soviétiques changera totalement... Le président des Etats-Unis, au cours d’un aparté, annoncera à Staline qu’il détient une arme secrète révolutionnaire. Staline lui souhaita d’en faire un bon usage.

Le président durcit sa position et prend des dispositions pour mettre un terme à la conférence dès le 24 juillet.

24 juillet. Le groupe des 15 B-29 est prêt pour le bombardement atomique après un entraînement intensif et une sélection très sévère. Truman et ses collaborateurs Stimson, Marshall et Arnold fixent le début des opérations au 3 août.

26 juillet. Démission de Churchill qui est remplacé par Attlee. Déclaration de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et de la Chine demandant la reddition inconditionnelle du Japon. Menace de destruction totale du Japon. Staline n’est pas consulté parce que l’URSS n’est pas encore en guerre.

28 juillet. L’amiral Suzuki, lors d’une conférence de presse, déclare que le Japon ne répondra pas à l’ultimatum (qui avait été censuré par des militaires).

http://www.csotan.org/