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Actualité : le baccalauréat (zaz)

Publie le dimanche 25 mai 2008 par Open-Publishing
3 commentaires

Sous-titre : Comment échouer avec le plus de certitude à l’épreuve de philosophie

Vous avez naturellement lu tout ce qui existait sur la question et qu’on peut acheter librement dans le commerce pour même pas cher du tout, multiples ABC du bac, Art(s) de la dissertation, etc. : eh bien ce n’est pas évident comme pertinents conseils d’échec . Le hors sujet (ou hors-sujet avec tiret) paraît de loin le plus sûr, mais comment faire un hors sujet quand on est normal ? Le hors sujet est un truc pour archi-crétins, or ce n’est pas votre cas. Si vous vous lancez dans cette voie du HS, en plus le correcteur peut vous trouver des tas d’excuses, il aura étudié ça préalablement avec ses collègues en commission préparatoire de correction. Le hors sujet volontaire peut même dans certains cas vous faire passer pour un génie, vous n’arriverez pas forcément à planquer votre talent.

Pour être efficace, il convient de mettre toutes les chances de votre côté, et d’abord les plus basiques et/ou formelles.

D’entrée, on vous le dit, choisissez le commentaire de texte. A peu près aucun élève ne sait faire un commentaire de texte philosophique. Ayant choisi cette formule, pensez aussi que les textes apparemment les plus faciles sont aussi les plus efficacement dangereux puisque par définition il y a peu à en dire. Sinon, au cas où vous ne seriez pas sûr de faire très mauvais, dissertez très longuement sur l’erreur puérile que l’auteur a faite quant à son idée centrale. A tous les coups, vous aurez à faire avec Nietzsche, Marx, Freud, Platon, Bergson qui sont des types de bonne volonté certes mais assez rudimentaires, et complètement aveuglés en général par leurs obsessions obtuses, le cul, la plus-value ou le surhomme du stade en grand slip Leni Riefenstahl.

On se demande pourquoi l’Éducation Nationale garde depuis un siècle cette possibilité du commentaire, cherchez pas, c’est l’astuce et le piège : les stériles parmi vous choisissent tête baissée la solution stérile comme les papillons choisissent la flamme de la bougie qui les brûle la nuit.

Bon mais ne nous attardons pas sur cette chose, somme toute annexe, il y a une toute aussi simple affaire ou méthode pour échouer d’un bon pied : on vous a donné 3 sujets avec ce fichu bête morceau choisi, vous n’avez supposément pas d’idées, faites donc un mix, n’est-ce pas ingénieux ? Ne traitez votre sujet qu’avec l’aide exclusive des deux autres. C’est très chic en même temps. Ca plaît toujours beaucoup, ça prouve combien vous êtes malin. Dans l’échec, là, vous êtes sauvé. L’ennui c’est que paraître tarte à ce point, faut bien sûr oser. Mais bon, faut savoir ce qu’on veut !

Les deux stratégies qu’on vient d’évoquer sont évidemment sophistiquées, mais même pour des gens de goût comme vous il y a des choses purement formelles qu’il ne faut pas négliger.

Vous avez, cela est certain, une très, très, riche personnalité qui se voit pleinement au style de votre écriture. Vos « t » se graphient comme des « d », vos « n » sont à s’y méprendre des « m » à 3 pieds, vos « a » et vos « e » se confondent, bref une très belle écriture ! Insistez ! jamais aucun de vos profs ne vous l’a dit on peut perdre commodément plusieurs points, un massacre, avec l’écriture aussitôt que le correcteur est un peu usé par tout ce qu’il a corrigé. La présentation aussi est importante. Paragraphes pas nets, n’appuyez pas sur votre crayon à bille, bleu léger, infime, à regarder de près c’est bien, vous pouvez choisir aussi la saleté, pâtés, etc. mais cela suppose d’investir dans un crayon tipex. Sabordez l’orthographe également, c’est une véritable pitrerie, mais les Français y tiennent beaucoup qui ne savent plus que ça, un peu, de leur scolarité, en plus de deux ou trois fables de La Fontaine, et des cas d’égalité des triangles à 180 degrés.

Bon, bref, malgré ce que l’on vient de vous dire et parce que vous avez de l’orgueil, vous avez pris un sujet normal faisant appel à vous qualités propres de réflexion de rédaction et construction. Comment vicier à coup sûr le coup ? Un bon artifice est le plan ternaire dans la grande tradition oui, non, oui-non mais bien thon sinon c’est franchement pas marrant et ça pourrait encore passer. D’autre part le sujet, comme on sait, ne doit jamais être une question de cours, c’est un mensonge : il en est toujours une. Poussez donc la chose jusqu’à l’absurde, apprenez votre philo à la virgule près, ça les rend très joyeux dans les jurys. Sujets idéaux dans le débile, l’art, le travail et les mathématiques (Et d’ailleurs la plupart des autres en vérité). Ok, les math. ont été retirées du programme, mais l’art c’est déjà bien, une revue de philo donnant il y a quelques jours dans la préparation du bac n’a pas manqué de signaler le bonheur qu’il y avait de voir citer rituellement Guernica dans des centaines de copies, vous savez ! l’illustre tableau de Picasso qui montre votre culture. Sur le travail, la nostalgie aujourd’hui -tout se perd- est pour le vieux, moyen et jeune prof dynamique de ne pas savoir par l’élève lui-même que travail vient de tripalium instrument de torture qui fut anciennement latin.

Ca aussi c’est le b.a.ba de l’esthète de l’échec. Faites gaffe simplement de n’être pas involontairement poète. Le singe arboricole ( ?) qui a trois cris de reconnaissance, comme j’ai rencontré récemment, ça peut tout à fait attendrir. Tout ce que vous direz aussi sur les manchots ne pourra vous rapporter que du succès, le manchot-pingoin est l’animal trognon par excellence (On le trouve même au Tadjikistan, dans les montagnes, où il sert de poubelle pour touristes trekkeurs !). Non, voilà ! ce qui est bon c’est de citer les philosophes, citer dix philosophes dans une dissert est un bon placement qui peut vous faire passer pour « grave ». Citer à tout propos quoi ! même faux ! n’importe quand à n’importe quel moment. Citer la Cripure de la raison tique, citer Martin Œil de guerre c’est tout ça théoriquement qu’est bon, mais non ! Faites gaffe de ne pas recevoir un 18. Ce fut le cas en 1946 de l’élève au premier bac qui fit sa dissert sur Vito Rugo. Il était tombé sur un fils d’émigré garibaldiste passionné. Faites gaffe, faites gaffe !

Nous nous lassons ici de vous donner des conseils d’échec. D’ailleurs, confessons-le modestement, c’est épouvantable ! ça n’a généré le plus souvent pour nos proches (approchés, approcheurs) que des succès. N’hésitez quand même pas à nous réclamer hautement dans vos prépas à bac, quelles qu’elles soient ! Déjà ça leur plaira énormément, vous verrez, ils prétendront qu’ils ont la compétence, ça les irritera.

NB : Le sujet nous paraît de circonstance doublement : Pour les petits bons courageux qui passent le bac bien sûr cette année, mais aussi pour l’interrogation politique qu’on peut pratiquer honnêtement sur le produit probablement désormais archaïque et frelaté, pour la mauvaise influence apparente aussi qu’il exerce contre toute attente encore sur nos dirigeants qui l’ont banalement passé dans le temps, à l’exception notoire de Jean-Louis Debré..

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Alain Serge Clary et les Inoxydables philosophes de l’Ocséna vous saluent bien !

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Les Pensées zaz de l’Ocséna

Ocsena, Organisation contre le système-ENA... (et pour la démocratie avancée)
 http://ocsena.ouvaton.org

Messages

  • Le bac, la nature de ses épreuves, pose pour nous radicalement un véritable problème de société. Car jamais n’est posé vraiment la question, ni répondu vraiment : à quoi sert aujourd’hui ce que nous apprenons ?

    C’est peut-être encore plus vrai d’ailleurs pour l’Université.

  • Alors chapeau bas à l’Ocsena - ça fait longtemps que je m’étais pas autant bidonnée :)

    Le coup de la vraie fausse citation c’est GENIAL (on en avait fait un sport avec mes frères et soeurs ...).Mais vu qu’on a tous fini à l’Université, ben je te confirme que ça doit pas être efficace comme méthode de ratage ("à moins qu’au fond ce soit l’averse", comme disait Elysée Reclus) !

    Bises La louve

    • Université, enseignement supérieur

      On a bien l’impression que la guerre universitaire est aujourd’hui en France entre ceux qui veulent que le savoir serve à quelque chose d’immédiatement utile à la société et ceux qui veulent un droit absolu à un savoir pour lui-même détaché de cette contingence étroitement utilitaire.

      Ce dilemme simple nous paraît très pipé et simplifié à l’extrême, même si bien sûr tout n’y est pas à mépriser.

      Le seul point sur lequel les fanas des deux camps (en même temps que les cuistres) s’accordent comme on le voit pleinement c’est sur "l’excellence" qu’il y a, qu’il y aurait, à "savoir" un max.

      Notre conviction pour ce qui nous concerne est que le savoir, au sens ordinaire du moins, est bien plutôt largement un concept qui a fait son temps. Savoir (particulièrement savoir pour savoir) nous paraît une finalité superfétatoire et fortement indigente dans son fond. Le but à chercher collectivement est assurément au-delà. Du moins on pourrait se poser la question.

      Or, nous ne voyons pas que la réflexion collective, ouverte, démocratique, libre nous engage sur cette voie prospective. Là comme ailleurs les spécialistes semblent exactement connaître les options qu’il convient de prendre et qui seraient quasiment déterminées, économiquement et "scientifiquement".

      Bref, dans la vie démocratique d’aujourdhui la réflexion démocratique paraît enfantine, a priori stérile et de mauvais goût.

      A un moindre niveau, le thème développé dans l’article supra était sans prétention et assez normal : le bac ça sert à quoi ? Il va durer tel quel encore combien de temps ? Est-il la formule indépassable ?