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Appel pour la défense de l’école publique

Publie le dimanche 27 février 2005 par Open-Publishing

Après les retraites et l’assurance maladie, c’est au tour de l’Ecole d’être réformée. Le projet de loi Fillon sera discuté à l’Assemblée Nationale à partir du 15 février pour être voté avant le printemps 2005. L’objectif déclaré du ministre est d’« assurer la réussite de tous les élèves ». Comment ne pas y souscrire ? Si l’ambition est noble, les moyens nécessaires pour y parvenir sont pourtant loin d’être mis en œuvre. De nouvelles restrictions budgétaires sont déjà programmées : 5847 emplois d’enseignants seront supprimés à la rentrée 2005 ! On l’aura compris, l’heure est aux économies. Il s’agit pour le gouvernement de rentabiliser la fonction publique en général et le système éducatif en particulier. Le Conseil Supérieur de l’Education ne s’y est d’ailleurs pas trompé en rejetant le projet de loi.

Les personnels de l’Education Nationale sont, depuis longtemps déjà, contraints de « gérer » la pénurie de moyens, en travaillant « autrement ». A côté de l’enseignement de la discipline dans laquelle l’enseignant a été formé et recruté, se multiplient les activités annexes. Activités d’encadrement : on le sait, le nombre d’adultes non enseignants présents dans les établissements scolaires est en diminution constante, rendant l’encadrement des élèves problématique. Activités de soutien : soutien scolaire individualisé (pourquoi pas ?), soutien social et psychologique, conseil en orientation. Autant de tâches que les personnels spécialisés (infirmières, conseillers d’orientation, psychologues, assistantes sociales...), eux aussi en voie de raréfaction dans les établissements, ne peuvent plus assumer à eux seuls. Rien n’est prévu dans la réforme pour améliorer cette situation. Au contraire, une nouvelle mesure devrait dégrader un peu plus encore les conditions de travail des élèves et des professeurs : chaque enseignant sera tenu de remplacer un collègue absent ; dans sa discipline ou dans une discipline « connexe ». Un professeur de physique pourra, par exemple, remplacer un collègue enseignant les mathématiques. Qu’importe la qualité de l’enseignement puisqu’il s’agit de rentabiliser le système !

Elèves et parents doivent déjà supporter et devront bientôt accepter :

 des classes surchargées,

 la fermeture de classes ou de sections de « proximité »,

 la diminution du volume horaire d’enseignement de certaines disciplines,

 la diminution du nombre des options proposées à l’entrée au Lycée,

 la fin de certaines pratiques pédagogiques jugées dispendieuses (suppression des dédoublements de certaines classes en sureffectif, dans certaines matières, comme les langues, par exemple ; suppression des TPE (travaux personnels encadrés) au lycée, censés initialement légitimer un espace de curiosité et de recherche individuelles pour l’élève ; suppression des IDD (itinéraires de découverte) au collège ; remise en cause des moyens accordés aux zones d’éducation prioritaire),

 la mise en place d’un socle commun de connaissances utilitaires dont les élèves en difficulté devront se contenter, avant d’être placés en apprentissage, sous la tutelle d’entreprises privées, dès la fin de la 5ème,

 la simplification des épreuves du bac, c’est-à-dire la remise en cause de leur caractère national...

Dans ces conditions, la « réussite de tous les élèves » ne signifie plus un enseignement de qualité pour tous. Ce que la réforme entérine sournoisement, c’est la volonté d’en finir avec une époque, qui aura été celle d’un lent accès du plus grand nombre à une scolarité de plus en plus longue. Nous savons bien qu’un enfant de milieu modeste n’a jamais eu autant de « chances » qu’un enfant de milieu aisé d’accéder à un niveau de qualification et finalement de rémunération élevé. Mais, loin de corriger les inégalités sociales, la nouvelle Ecole les amplifiera. Ce qui est visé par la réforme, c’est une adaptation du système éducatif aux nouvelles mutations économiques. On observe l’explosion des contrats à durée déterminée ; on sait que les emplois créés, ou appelés à être créés, sont et seront, pour les deux tiers d’entre eux, des emplois précaires, peu qualifiés n’exigeant qu’une formation très courte ou une rapide adaptation « sur le tas » -petits boulots ou « hamburger jobs ». Une minorité d’emplois qualifiés et une majorité d’emplois déqualifiés, voilà, de nos jours, ce qu’exige le fonctionnement « normal » du marché du travail. Pourquoi l’Etat devrait-il alors assurer à tous un enseignement diversifié, donc coûteux ? Est-il nécessaire d’apprendre l’histoire et la géographie ou de recevoir un enseignement artistique ? Le socle commun, gage d’une adaptabilité minimale, pourra suffire au plus grand nombre. C’est du moins ce que dicte la gestion purement comptable qui préside à la réforme. Rentabilité oblige, l’égalité des chances n’est plus à l’ordre du jour !

Le printemps 2003 avait été marqué par un mouvement sans précédent dans l’Education Nationale : des semaines, parfois des mois, de grève reconductible, des manifestations répétées, ayant fait descendre dans les rues un million de personnes, pour refuser les projets de loi concernant les retraites et la décentralisation. Mais ce mouvement s’est heurté à la surdité du gouvernement, déterminé à poursuivre les réformes, fussent-elles impopulaires. Pour résister à ce que l’on nous présente, aujourd’hui encore, comme une nécessité, il convient de trouver des moyens d’action efficaces.

Nous considérons qu’une menace sur le bon déroulement des examens constitue une solution pour se faire entendre. On nous rétorquera que cette action est impopulaire, qu’elle met en péril l’avenir de nos élèves. Nous répondons que l’avenir qui se profile est le véritable péril.

Pour que l’Ecole ne devienne pas une machine à produire des inégalités sociales, nous devons nous battre ensemble, élèves, parents et enseignants, avec les armes dont nous disposons.

Nous appelons tous les enseignants à poursuivre les actions déjà engagées ou à venir, et à se mettre en grève lorsque commenceront les examens de fin d’année si le projet de loi Fillon n’est pas abandonné. Nous appelons les organisations syndicales à relayer ce mot d’ordre. Nous appelons les élèves et leurs parents à soutenir ce combat contre une réforme visant à casser le fondement de notre pacte démocratique : l’Ecole de l’égalité des chances.

Regroupons-nous et comptons-nous sur le site www.appelecole.org.

Un collectif d’enseignants du Vendômois.