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Après son score historique, le PS présidera la quasi-totalité des régions

Publie le lundi 29 mars 2004 par Open-Publishing

Le Parti socialiste et ses alliés ont recueilli, dimanche 28 mars, 12,7 millions de voix en métropole, soit 50,1 % des suffrages exprimés, loin devant les listes UMP-UDF (40,3 %). François Hollande a demandé à Jacques Chirac de "renoncer à toute remise en cause des acquis sociaux".

Le grand chelem ou presque. A une exception près, l’Alsace, la gauche a remporté, dimanche 28 mars, les élections dans toutes les régions, outre-mer compris. Le tableau est sans nuance : rien qu’en métropole, le PS et ses alliés ont recueilli 50,1 % des voix (12,7 millions), bien plus que les 40,3 % obtenus le 21 mars. Soit 3 millions de voix supplémentaires gagnées entre les deux tours ! Ensemble, les partis de l’ex-gauche plurielle ont amplifié leurs résultats et obtenu 1 079 sièges de conseillers régionaux, le double de la droite. Et les têtes de liste affichent des scores sans faille : demain, ils disposeront d’une majorité absolue. Une telle victoire est inédite depuis... 1988. Jamais la gauche n’avait, en effet, dépassé la barre des 50 % des suffrages depuis lors.

Deux ans après la défaite du printemps 2002, c’est donc une nouvelle cohabitation qui s’installe. A la droite, le pouvoir exécutif et législatif ; à la gauche, le pouvoir "d’en bas", celui des régions. Sur cette "base", le PS entend s’appuyer pour préparer l’alternance en 2007. "La France des régions, ça commence dès aujourd’hui", a lancé dimanche soir l’ancienne ministre socialiste, Ségolène Royal, victorieuse en Poitou-Charentes. Pour commencer, justement, François Hollande, premier secrétaire du PS, veut demander que soient "remises en chantier"les lois de décentralisation (l’examen du texte sur le transfert des compétences n’est pas achevé, celui sur le volet financier n’a pas encore été présenté). L’opposition bénéficiera pour cela d’un véritable réseau, qui sera, promet M. Hollande, "régulièrement réuni".

En Bretagne, Jean-Yves Le Drian - l’homme toujours en ciré jaune sur les photos -, a été élu avec 58,6 % des voix. Pour la première fois de son histoire, la région bascule donc à gauche. Dans des villes comme Rennes et Brest, des "pointes" à plus de 60 % en faveur de la gauche ont même été enregistrées.

En Poitou-Charentes, fief de Jean-Pierre Raffarin, Mme Royal a attiré 55,1 % des suffrages, près de 10 points de plus qu’au premier tour. D’autres candidats ont conquis des territoires au détriment de personnalités de droite connues : Jacques Auxiette (52,3 %) a battu le ministre des affaires sociales, François Fillon, dans les Pays de la Loire. Joël Bonté (52,6 %) a éliminé Valéry Giscard d’Estaing en Auvergne.

Dans les régions que la gauche détenait déjà, les présidents sortants ou leurs remplaçants ont, eux aussi, amélioré leurs résultats. Dans le Limousin, la liste conduite par Jean-Paul Denanot a recueilli 62 % des voix. En Midi-Pyrénées, Martin Malvy (57,5 %) a distancé ses concurrents UMP-UDF de... 27 points. Conséquence : là où la gauche dirigeait parfois la région dans des conditions difficiles, avec une majorité relative, la situation s’est inversée. Ainsi, en Ile-de-France, la gauche disposera de 130 sièges au lieu de 86. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, la proportion passe de 49 à 73. Les dix-sept triangulaires imposées par le FN n’ont pas modifié le rapport de forces en faveur de la gauche, explique-t-on au PS, où l’on met en avant les "duels" qui se sont conclus très favorablement pour la gauche (Bretagne, Auvergne, Pays de la Loire et Limousin). Les reports de voix, en revanche, paraissent incontestables. Une partie de l’électorat d’extrême gauche n’a, semble-t-il, pas boudé les urnes...

A cela, il faut ajouter le succès des élections cantonales. Rien qu’en métropole, le PS est assuré de conquérir 10 nouveaux départements, ce qui devrait porter à une cinquantaine ceux dirigés par les socialistes. Certains départements comme le Doubs, l’Ille-et-Vilaine ou la Loire-Atlantique basculent pour la première fois à gauche. "C’est historique !", ne cessait de s’émerveiller, dimanche soir, Gérard Le Gall, spécialiste des sondages au PS - celui qui avait annoncé à Lionel Jospin son élimination le 21 avril 2002. Les bonnes nouvelles, cette fois, ont provoqué des réactions inattendues. "Nous sommes dans une situation merdique, le pays est dans une belle mouise", déclarait Jack Lang en se laissant choir sur une chaise dans le bureau du premier secrétaire du PS.

Pour un peu, la victoire deviendrait presque un peu trop grande. Du moins, elle crée une "situation politique nouvelle", comme l’a souligné M. Hollande dans son intervention. "La réponse ne peut pas se trouver dans un remaniement, quelle que soit son importance, a-t-il affirmé, mais dans un changement profond de politique." "Solennellement", le premier secrétaire du PS a alors demandé à la droite de "renoncer à toute remise en cause des acquis sociaux". Dans la foulée, il a aussitôt incité la gauche à rester "lucide : elle n’a aucun droit à faire valoir, elle n’a que des devoirs à accomplir". De ce côté-ci, la prudence est toujours de mise.

Le PS a désormais dans sa ligne de mire l’ensemble du gouvernement et Jacques Chirac lui-même. Chargé de faire le tour des plateaux de télévision, Laurent Fabius a mené l’offensive : le gouvernement, a-t-il déclaré sur France 2, n’a "plus de crédibilité politique", tandis que le bilan de M. Chirac, a poursuivi le numéro deux du PS, est celui d’un "demi-quinquennat stérile". "La question qui est posée au président de la République, puisque c’est sa prérogative constitutionnelle, est de savoir si oui ou non il entend changer la politique qui est menée", a insisté M. Fabius.

"Il faudra bien qu’il tienne compte du rapport de forces dans ses projets, notamment pour la réforme de l’assurance-maladie", assure pour sa part l’ancien ministre des finances, Dominique Strauss-Kahn. Pour M. Hollande, qui se souvient d’avoir croisé durant la campagne Nicolas Sarkozy "sur des tarmacs d’aéroport, notamment en Guadeloupe", le ministre de l’intérieur "est emporté par le même mouvement, le même rejet".

Fort du "mandat"qu’ils estiment avoir reçu des Français, les dirigeants socialistes promettent de présenter une nouvelle opposition au Parlement.

Isabelle Mandraud

Ségolène Royal : "La fin d’un système"

Ségolène Royal (PS), qui a remporté les élections régionales en Poitou-Charentes, a estimé, dimanche 28 mars sur France 2, que sa victoire marque "le début de la démocratie participative" dans cet ancien fief de Jean-Pierre Raffarin et "la fin d’un système". Mme Royal a ajouté que les Français, par leur vote, ont démontré qu’ils refusaient "la fin du système social français".

"Ce qu’il faut changer en profondeur, c’est la politique menée depuis deux ans. C’est un état des lieux complet qu’il faut faire. Le gouvernement doit faire une auto-évaluation", a-t-elle dit. Cette "belle victoire" prouve, selon elle, "l’envie d’avancer et la volonté de saisir une nouvelle chance. (...) Nous allons nous mettre au travail pour faire ce que nous avons dit et tenir les promesses".

LE MONDE