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Autisme social

Publie le vendredi 28 mai 2004 par Open-Publishing

Avec son plan de redressement de l’assurance-maladie, le gouvernement de
Jean-Pierre Raffarin a déjà réussi un double exploit. Il a d’abord donné
l’illusion d’une réforme alors qu’il laisse, pour l’essentiel, les
structures du système de santé en l’état. Il est ensuite parvenu à
reconstituer un front syndical qui avait éclaté en morceaux lors de la
réforme des retraites.

Même s’il ne s’agit que d’une unité de façade, qui ne présage pas un grand
mouvement social, le fait est que le gouvernement va faire descendre dans la
rue, le 5 juin, l’ensemble des syndicats. La CFDT, isolée et vilipendée il y
a un an, devrait rejoindre la CGT.

Une réforme de l’assurance-maladie aurait pu créer les conditions d’un vrai
paritarisme, d’une gestion autonome du système par des partenaires sociaux
ainsi obligés de devenir plus responsables, comme pour l’assurance-chômage
et les retraites complémentaires. La nouvelle gouvernance imaginée dans le
plan de Philippe Douste-Blazy maintient le leurre d’un paritarisme sous
tutelle de l’Etat. A cet égard, Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de
FO, n’a pas tort de voir dans le projet de nomination pour cinq ans, en
conseil des ministres, d’un directeur de l’assurance-maladie "une forme
d’étatisation du système".

Là encore, on est dans un jeu d’apparences où ce n’est pas le moindre
paradoxe de voir le Medef, qui pratiquait depuis trois ans la politique de
la chaise vide, reprendre sa place dans un système toujours aussi faussement
paritaire, et à condition que les entreprises ne soient pas davantage...
mises à contribution !

Lorsqu’en 2000 Ernest-Antoine Seillière, à la tête d’un Medef en guerre
ouverte avec le gouvernement de Lionel Jospin, avait lancé son projet de
"refondation sociale", Jacques Chirac lui avait emboîté le pas. En 2002,
durant sa campagne, il avait affiché l’ambition de fonder une nouvelle
démocratie sociale. Concrètement, il s’agissait pour l’avenir de ne pas
présenter de projet de loi en matière sociale sans négociation et accord
préalables des partenaires sociaux.

On est bien loin de cette démocratie sociale rêvée par M. Chirac. La méthode
s’en est rapprochée sur la réforme des retraites ou sur celle de la
formation mais, depuis, la parenthèse s’est refermée. Ni M. Douste-Blazy
pour l’assurance-maladie ni Jean-Louis Borloo pour le plan de cohésion
sociale qu’il doit présenter après les élections européennes n’ont eu
recours à cette méthode de la négociation préalable.

A intervalles réguliers - il l’a encore fait mercredi 26 mai sur
France-Inter -, M. Raffarin s’en prend à la loi sur les 35 heures, qualifiée
de mauvaise parce que "faite sans dialogue social". Outre que le premier
ministre fait l’impasse sur les milliers d’accords d’entreprise qui ont
suivi la loi sur les 35 heures, il n’est pas le mieux placé pour donner des
leçons et prétendre "rétablir le dialogue social". Le spectacle donné
aujourd’hui, et qui est en partie à l’origine de la grogne syndicale unanime
annoncée, est plutôt celui de l’autisme social.

http://www.lemonde.fr/web/recherche_articleweb/1,13-0,36-366297,0.html