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CHIKUNGUNYA Donner la parole à la médecine libérale

Publie le samedi 29 avril 2006 par Open-Publishing

CHIKUNGUNYA : INITIATIVE DE L’ASSOCIATION MÉDOCÉAN

Donner la parole à la médecine libérale

Plus d’1 an après l’apparition du chikungunya, le docteur Philippe de Chazournes, président de l’association Médocéan, estime qu’il serait temps de valider les signes cliniques qui permettent de diagnostiquer la maladie et de déterminer les meilleures thérapeutiques à utiliser. Par le biais d’une grille de recueil envoyée aux 1.131 médecins libéraux de l’île, il espère parvenir à l’élaboration d’un protocole de soins, très attendu par les patients.

CHIKUNGUNYA - SANTÉ PUBLIQUE

HORMIS la semaine de réunions organisées aux quatre coins de l’île à la demande du ministre de la Santé fin février, qui n’est pas parvenu à instaurer une dynamique de coopération entre les professionnels du corps médical, aucune initiative n’est prise pour fédérer les médecines.

"C’est l’anarchie"

Avec ce questionnaire, présenté à Paris lors du Congrès sur le chikungunya les 10 et 11 avril derniers, le docteur de Chazournes souhaite recueillir l’appréciation, le diagnostic et les pratiques quotidiennes de la médecine libérale. À partir de quand l’on considère que le patient est "chikungunyé" ? La fièvre est-elle un signe clinique systématique ? La sensation de bouche amère est-elle fréquente ? Les manifestations du chikungunya varient d’une personne à l’autre. Il faut arriver à établir des signes cliniques pour éviter les erreurs de diagnostics qui peuvent fausser les chiffres. En effet, malgré une présomption de chikungunya, 30 à 40% de diagnostics biologiques se sont révélés négatifs. Il faut également, selon le docteur de Chazournes, parvenir enfin à établir un protocole de soins car entre antibiotiques, corticoides à fortes doses et Paracétamol, "c’est l’anarchie, chacun essaie ce qu’il peut pour tenter de soulager les malades et les médecins sont souvent désarmés face aux patients très handicapés". Il faudrait, selon le docteur, reprendre certains dossiers pour affiner les estimations et rendre les chiffres plus exacts lors de la prochaine saison.

"Un vrai référendum"

En 15 jours, le docteur de Chazournes s’est déjà vu retourner plus de 200 questionnaires. Une participation qu’il qualifie d’inespérée et qui démontre que cette initiative répond à une attente de la communauté médicale libérale, frustrée, selon lui, de ne pas avoir été jusque-là sollicitée, alors qu’elle était en première ligne pour accueillir les patients. 96% des malades n’ont en effet pas été hospitalisés. Beaucoup de médecins libéraux, généralistes ou spécialistes ont marqué le souhait d’être sollicités à nouveau pour d’autres questionnaires. L’avis des dermatologues, rhumatologues et psychiatres est très intéressant. "Ils ont beaucoup de choses à exprimer, on sent une envie de partager, d’être entendus, précise le président de Médocéan. Il est vrai que médecins et institutions n’ont pas l’habitude de travailler ensemble, même si les choses tendent à évoluer". En cherchant le meilleur diagnostic et le meilleur traitement pour chaque patient, le docteur de Chazournes rappelle que "les médecins font de la recherche tous les jours". Seulement, c’est la première fois que l’on demande un avis instantané sur une pathologie, "un vrai référendum grandeur nature, une vraie photographie en temps réel". Alors que le ministre a plusieurs fois répété qu’il fallait faire de la recherche en médecine générale, un crédit de confiance a bien été accordé aux programmes de recherches cliniques mais pas à la médecine libérale. La recherche en médecine générale existe et ne demande qu’à se développer.

Résultats en juin

Malgré ses demandes aux institutions locales, Médocéan n’a reçu aucune aide logistique ou financière, alors que médecins et patients sont demandeurs de ce type de démarche. C’est grâce aux fonds de poche de l’association que son président a lancé l’initiative. Sur le même modèle, beaucoup d’autres axes de recherches pourraient être explorés pour optimiser à l’avenir la remontée d’information du corps médical aux décideurs dès l’apparition de prochains signes cliniques, pour réagir au mieux et au plus vite au niveau de toutes les chaînes d’actions. Mais il faut d’abord, avec le soutien de l’INSERM Réunion, rassembler toutes les données, avant d’espérer utiliser cette mine d’informations médicales et sociologiques comme base d’une véritable étude plus approfondie. Les résultats définitifs seront connus en juin. Le docteur de Chazournes espère qu’elle pourra aider les chercheurs dans leur travail sur la connaissance de la maladie et ouvrir les portes vers la tenue d’un grand séminaire en fin d’année, pour mettre en commun les volontés et appréhender au mieux la prochaine saison épidémique.

Estéfani

Donner la parole à la médecine libérale
Article paru dans Témoignages