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COMBAT DU PEUPLE DES CHAGOS Retour au Paradis perdu

Publie le jeudi 15 juin 2006 par Open-Publishing

COMBAT DU PEUPLE DES CHAGOS

La Réunion est engagée au côté des Chagossiens dans leur lutte pour faire respecter le droit international et parvenir enfin, après quarante ans de lutte, à retourner dans leur archipel qu’une loi "répugnante" (dixit les Juges britanniques) les avait obligés à quitter. Une soirée leur était consacrée à La Région, mardi.

CHAGOS

LA salle Pierre-Lagourgue résonnait mardi soir de l’écho d’une date historique, celle du 11 mai 2006, où une page de l’Histoire s’est écrite avec la décision de la Haute Cour de Londres qui jugeait "irrationnels" et "illégaux" les principes des ordonnances britanniques interdisant le retour des Chagossiens dans leur archipel. Pour Radjah Veloupoulé, c’est "la victoire de la ténacité et du sens de la justice sur la domination et le mépris des peuples", "la dénonciation d’une forme de néocolonialisme qui impose par décret la négation d’une culture" ; "la victoire d’une rébellion non-violente sur la privation d’un pan entier de la civilisation."

Ne jamais renoncer

Maîtres Mardémootoo et Gifford, les avocats qui représentent les intérêts du peuple chagossien, résument clairement le problème : les gouvernements britanniques et américains ont voulu monter une fiction de toutes pièces en affirmant le mensonge que les Chagossiens n’étaient que des travailleurs contractuels et que l’archipel des Chagos n’avait pas d’habitant.
Ces deux puissances sont les seuls responsables de la souffrance des Chagossiens au mépris de la convention européenne des Droits de l’Homme. Pour que les Chagossiens souffrent et quittent les îles de leur plein gré, la nourriture a cessé d’être importée : plus de lait, plus de riz, plus de sucre, plus d’huile, plus de médicament... Les Chagossiens partis se soigner à Maurice, en laissant femmes et enfants, se sont vus refuser le retour dans leur île. Au début des années 1970, l’expulsion se termine, avec un transit par la prison des Seychelles, et les animaux domestiques sont gazés à mort. À Maurice, ils seront parqués dans d’anciens abris pour animaux. Tout ceci rappelant les déportations de sinistre mémoire.

Appliquer le jugement

Pour Maître Mardémootoo, si aujourd’hui le droit de retour est reconnu, l’exécution de ce droit est encore une lutte, tout comme la reconnaissance du droit à une compensation. Richard Gifford souligne que la difficulté de leur combat a longtemps été l’ignorance : personne ne connaissait ce peuple sur la Terre. Aujourd’hui le jugement est très clair. Maintenant, le défi pour cette population de 4.000 personnes est de retourner dans une île qu’il faut réhabiliter.

Frères de l’Océan Indien

Pour Paul Vergès, les témoignages des Chagossiens sont porteurs d’enseignements considérables pour nous, Réunionnais. Le Président de la Région leur a exprimé notre reconnaissance, en nous forçant à nous confronter chaque jour à notre capacité d’être des hommes responsables.
Cette soirée démontrait que nous ne sommes pas une île "perdue dans l’océan", mais que nous sommes intégrés dans l’évolution du monde entier.
Paul Vergès relevait une autre indignité : on a dédommagé, non les Chagossiens, mais le gouvernement mauricien lieu de déportation d’une partie des Chagossiens ; un peu comme pour l’abolition de l’esclavage, où les dédommagements sont revenus aux maîtres d’esclaves.
Une autre réflexion portait sur le décalage entre les actions et les principes des forces mondiales qui mettent en avant la Démocratie, les Droits de l’Homme : le combat du bien contre le mal.

Devant l’Europe

Paul Vergès estime qu’il faut "passer maintenant de la bataille juridique à la bataille devant l’opinion. C’est maintenant aux politiques de faire respecter le jugement." La bataille ne sera gagnée que lorsque les Chagossiens pourront retourner effectivement dans les îles. "Il y a là comme une fable, avec une morale, à l’échelle du monde : la plus grande puissance militaire, avec la complicité d’une autre, accomplissent un crime contre les Droits de l’Homme. Et ce sont les plus faibles, les plus modestes, qui mènent la bataille et qui remportent la bataille", déclare-t-il, "notre honneur, ce pourquoi nous les remercions, c’est de nous avoir permis de les accompagner dans ce combat. Il reste à les accompagner dans la bataille politique".
Renouvelant le soutien de notre île, Paul Vergès terminait : "Que leur victoire soit le point de départ pour une nouvelle étape : les accompagner devant l’Europe. La bataille sera terminée quand, de La Réunion, on pourra rendre visite à nos amis des Chagos, pour leur apporter notre solidarité sous toutes les formes. Il y a mille formes. Il ne faut jamais arrêter de leur exprimer notre solidarité."

Francky Lauret

Publié dans l’édition du jeudi 15 juin 2006 de Temoignage .