Accueil > Cesare Battisti ou le destin d’Ulysse

Cesare Battisti ou le destin d’Ulysse

Publie le mardi 24 août 2004 par Open-Publishing
4 commentaires


de Louise Desrenards

Voilà, les amis, sortir de sa réserve... après l’attente. Il aurait pu être
enlevé par les services secrets ; il aurait pu se suicider. Seulement voilà,
le fond de ce bonhomme à lire sa vie, c’est le ressort de la vie
elle-même... Vive la vie !

Je fais donc le pari qu’il a fui, sachant que si tel est le cas - probable -
personne d’entre vous, et surtout pas les plus proches de Cesare, ne peuvent
en parler plus ni moins qu’Oreste Scalzone ne l’a publié. D’ailleurs, Cesare lui-même n’a-t’il dit mot, sans doute, pour accomplir sa fuite en assurant la sécurité de ses êtres chers, restés sur place.

S’il s’agit d’une fuite (destin) et non d’un enlèvement (fatalité) alors,
c’est tout ce que chacun l’ayant soutenu avait pu souhaiter secrètement à propos de ce personnage, sachant sa biographie... C’est la révélation d’un destin héroïque, non celui de l’assassin mais de l’éternel insoumis, celui qui désigne aux autres devant l’infamie (ici l’injustice et la parole rompue), ce qui est encore possible, en dépit de la transparence globale absolutiste du monde d’aujourd’hui.

Tous probablement tous, à un moment donné, nous avons compris que la demande d’extradition abusait la loi contre le pacte républicain, spécifiquement à propos des Italiens, puisqu’au contraire les dignitaires Malgaches n’étaient pas été inquiétés. L’extradition récente d’une ancienne militante d’action directe, cadrée par la démission mexicaine, prétendait donner un gage de la nouvelle cohérence française ; en fait, elle a confirmé en même temps l’amalgame des questions et des problèmes, et soudain que deux poids et deux mesures abolissant l’ordre symbolique du refuge politique, n’avait été possible que dans la rupture de l’indivisibilité républicaine des trois principes de liberté, d’égalité et de fraternité, représentée en chacun des trois pouvoirs séparés, respectivement garant politique de l’unité commune ; cette rupture a été commise comme un coup d’Etat contre le système judiciaire républicain en France, et de la même façon a imposé cette nouvelle règle sans mandat démocratique à l’étranger, à propos des réfugiés français. Tout cela régnait désormais en nous, ici même, sous l’influence et l’ingérence totalitaire d’autres puissances, et des lobbies au pouvoir, comme aux pires moments de notre histoire.

Le gouvernement français imita auprès du gouvernement mexicain la pression de similarité que l’Italie avait exercé
sur lui. Dans la politique de l’otage, le ministre de la justice française aurait donc été victime du syndrome de Stockholm - ce qui aurait été le meilleur de sa tendance - ou de l’excès émergent des collaborateurs.

La cour des cassation dans un tel cas de démission de la justice
républicaine n’était plus que l’antichambre de la cour Européenne. Schengen,
quelle "cochonnerie", car ces accords relayés par la cour européenne des
droits de l’homme, qui s’affiche strictement technique, ont cloturé les
issues de secours comme le respect du droit local singulier.

Ayant jugé que Cesare n’avait aucune chance de ne pas être extradé - après l’avoir
joué en y croyant, tant que la procédure n’avait pas découvert ses manipulations - et compte tenu de l’attendu de la cour Européenne confirmant les décisions italiennes en appel du procès Sofri, ce
qui désignait clairement la fin de l’illusion européenne de l’issue équitable du procès Battisti, nous nous sommes dit, alors : "Mais enfin, Cesare, toi qui toujours t’es évadé de prison, tu vas te laisser
enfermer à 55 ans, cette fois pour ta vie durant ?"

J’avais même imaginé qu’il put être assassiné une fois emprisonné,
m’édifiant d’autant plus de l’impossibilité réelle qu’une vie entière vouée
à l’insoumission, se fut-elle échouée virtuellement dans les livres, ne
trouva cette ressource matérielle ultime, une fois encore, de l’évasion la
plus radicale et la plus édifiante politiquement de toutes, dans sa réalité
existentielle elle-même, puisque nul nouveau procès en Italie ne pouvait
avoir lieu après la condamnation par contumace même sur l’accusation sans
preuve, sinon des déclarations peu crédibles du repenti et du
dissocié quasiment libres aujourd’hui, alors qu’ils furent parmi les (ou liés aux)
précédents accusés pour les mêmes meurtres.

Au fond de soi, on attendait la merveilleuse insoumission possible -
allait-elle être possible ? - mais on craignait d’autre part l’enlèvement
(j’avais pensé aux circonstances de Goldman, j’ai pensé à celles de Ben
Barka).

Libé dit qu’il avait disparu depuis une semaine, qu’il aurait quitté la
France... la photo sous le titre "arivedeci" de Libé, où deux petites filles
l’accompagnent, l’une fière à ses côtés et l’autre admirative face à lui,
désigne l’espoir...

A toi Cesare, bonne route, tu l’as fait pour toi mais aussi pour Sofri et
pour tous les autres réduits par l’injustice du pouvoir, prouvant aux
citoyens de la vieille Europe que nulle transparence du monde ne peut abolir
la détermination politique existentielle de l’insoumis par nécessité, ni
réduire la marge de sa relative autodétermination et liberté d’agir.

Tous nos voeux t’accompagnent... te voici de nouveau parti en exploration,
toi le grand voyageur loin de son terroir natal, nulle doute que tu sauras
une fois encore innover ton moyen de vivre avec dignité et fierté où que tu
sois. Nous nous occuperons de rappeler chaque semaine la vente de tes livres
édités en France... Ces droits d’auteur ne seront tout de même pas morts pour tout le
monde, tu as des enfants à nourir, ou alors ils attendront qu’un jour, comme Ulysse, tu puisses revenir
paisiblement en ta demeure. L’amnistie pour tous viendra un jour...

Hormis les crimes imprescriptibles contre l’humanité, il faut créer des sanctuaires contre l’araisonnement et le contrôle
technique du monde, et défendre les principes singuliers attachés au droit traditionnel symbolique de la duelle hospitalité, sans compromis.

Moratoire pour les réfugiés politiques étrangers en France et pour les
réfugiés politiques français à l’étranger !

Sans liberté de penser, l’homme se meurt de ne pouvoir agir.

A nous, sédentaires, de continuer ce combat pour l’hospitalité radicale, contre l’ouverture de tous les abus.

A.G pour Louise Desrenards

Messages

  • L’ancien activiste d’extrême gauche italien Cesare Battisti affirme qu’il "reste en France" après s’être soustrait à son contrôle judiciaire, dans une lettre reçue mercredi par ses avocats et dont l’AFP a eu connaissance."Je ne quitterai pas la France, je ne saurai pas le faire, c’est mon pays et je n’en vois pas d’autre dans mon futur. Ma vérité est ici, beaucoup de citoyens français me l’ont confirmé", écrit Cesare Battisti.Selon ses avocats Irène Terrel et Jean-Jacques De Felice, ce courrier a été "posté à Paris le 19 août" et son auteur, sous le coup d’une procédure d’extradition vers l’Italie pour des faits de terrorisme, leur a demandé de la "rendre public"."Je me soustrais au contrôle judiciaire, donc, mais je reste en France, parce que c’est d’ici, avec l’aide de tous ceux qui encore croient à cette justice qui avait fait de la France le pays des Droits de l’Homme, que je continuerai à me battre afin que justice soit faite et à l’homme et à l’histoire", écrit Cesare Battisti.Samedi dernier, l’ancien militant de 49 ans, condamné à contumace dans son pays, ne s’était pas présenté à son contrôle judiciaire.