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Corporatisme ou Syndicalisme d’Industrie chez les Cheminots ?

par CSR

Publie le dimanche 5 août 2012 par CSR - Open-Publishing

En 1913, 23% des cheminots étaient au Statut mis en place en 1912 dans le Réseau Ouest-Etat. Ce Statut donne la garantie de l’emploi, une protection contre le licenciement et une retraite pour fixer un personnel qualifié et compétent pour les métiers du ferroviaire. Le syndicalisme cheminot revendiqua l’extension du Statut à toutes les Compagnies de chemin de fer. En Janvier 1917, la fusion de toutes les organisations syndicales dans la Fédération des Travailleurs du Rail permis l’unité syndicale dans le secteur ferroviaire. L’application du Statut à toutes les compagnies fût obtenue après la grève interpro de février 1920.

Aujourd’hui, les Cheminots sont à un tournant dans leur histoire. Les Assises du Ferroviaire organisés par le gouvernement le confirme, le patronat du ferroviaire accentue ses attaques contre le Statut.

Le transport ferroviaire de marchandises (Fret) a été ouvert aux compagnies privées en 2006. Entamées en 2007, les négociations entre des fédérations syndicales (SUD est exclu) et l’Union des Transports Publics et Ferroviaires (MEDEF), à propos des régimes de travail, se sont traduites par un accord repris dans le décret du 27 avril 2010. Cet accord UTPF a été signé par l’UNSA, la CFTC et la CGC, et dénoncé par FO et la CFDT mais pas la CGT. Il concerne aujourd’hui 1 500 cheminots. 1 000 autres sont sous la convention VFIL. Le gros des cheminots (148 000) reste pour l’instant au Statut Cheminot (décret 99-1161) dans le groupe SNCF.

Résultats : il y a de plus en plus de cheminot-e-s privé-e-s des droits sociaux et du Statut, la sécurité des circulations est moins bien assurée et … la privatisation n’a pas servi à développer le fret ferroviaire. Au contraire le trafic routier de marchandises est le mode de transport qui s’est le plus développé, y compris depuis la "libéralisation" du trafic ferroviaire de fret. De nombreux/ses salarié-e-s du secteur ferroviaire n’ont actuellement que le Code du travail ou des Conventions Collectives à minima pour défendre leurs droits. Des règles existent déjà : le statut SNCF, la réglementation du travail des cheminot-e-s sont des appuis importants. Il est fondamental dans un secteur où la sécurité a un rôle essentiel, que les salarié-e-s puissent alerter sur les éventuelles dérives, sans être menacé-e-s de licenciement ! Forts de l’exemple désastreux de la Privatisation du Fret, le gouvernement veut maintenant privatiser le transport régional de voyageurs !

La privatisation n’a pas d’autre motivation que d’offrir de nouveaux marchés aux actionnaires qui s’enrichissent sur le travail des salarié-e-s. Or le Statut Cheminot et le RH77 qui cadrent les horaires de travail sont aujourd’hui des freins à l’appétit des capitalistes. L’objectif du MEDEF ferroviaire est de transformer les cheminots en "routiers" du rail avec des horaires à rallonge. Ainsi ils pourront dégager une plus-value et faire des bénéfices sur le dos des travailleurs du rail et des usagers.

Subir ou anticiper le Chantage Patronal

Dans le Fret, la SNCF perd régulièrement des marchés au profit d’autres entreprises. Le dernier en date est celui de GEFCO qui transporte les voitures neuves sortant des usines de PSA. Des milliers de cheminots du Fret ont été reclassés dans d’autres services. Mais il se développe une autre offensive patronale : transférer les cheminots dans des filiales privées en leur retirant le Statut et leur imposant la convention au rabais UTPF. Un exemple est le chantier de Thouars qui a pour activité de transporter le gravier sortant de la carrière. Pendant plusieurs mois les cheminots du site ont refusé le projet de la SNCF mais la direction n’a pas hésité à couler le chantier et les menacer de mutations forcées. Face au chantage patronal, les cheminots ont fini par céder.

Ce Chantage Patronal va probablement se multiplier et s’étendre aux autres activités de la SNCF. Il a été aussi utilisé à la Maintenance du Matériel dans le Nord. Le transport TER sera le prochain dans le collimateur. Le groupe SNCF a déjà sa filiale privée dans ce secteur du transport régional : Kéolis.

Les politiques de droite (comme Grignon) comme de gauche (comme Savary) ont fait plusieurs rapports, études, et autres projets de loi qui permettraient cette privatisation et réfléchissent au transfert des cheminots dans les filiales privées ou à la concurrence. Ils réfléchissent aussi à un double statut qui permettrait de remplacer progressivement les cheminots au Statut SNCF partant en retraite.

Ce double statut le patronat l’a déjà mis en place dans le fret ferroviaire avec l’accord de branche FRET. SUD-Rail n’est toujours pas représentatif légalement dans la branche UTPF par refus du gouvernement (certains ayant obtenu leur représentativité pendant la grève perdue des retraites de 2007, le hasard faisant bien les choses !). La CGT l’est mais ne profite pas de sa possibilité de pouvoir dénoncer cet accord de branche FRET comme l’ont fait FO et CFDT pour la partie le plus important qui est celle concernant la réglementation de travail. Faudra t’il mener une campagne pour obliger la Fédération CGT à changer de position afin qu’elle arrête de laisser perdurer une convention collective ferroviaire au rabais ? L’accord de branche FRET permet aujourd’hui aux patrons de faire rouler des trains en ne respectant ni les amplitudes de travail ni les temps de repos sous prétexte qu’un train commencé doit être un train arrivé à destination et ceux malgré tous les impondérables et bien souvent au détriment de la sécurité. Le patron peut se frotter les mains en supprimant plein d’emplois de mécanos (conducteurs) puisqu’il n’y a plus de relève à assurer sur le parcours. C’est les cheminots du secteur UTPF qui trinquent avec des conditions de travail et de vie sociale dégradées et ceux de la SNCF qui voient leurs postes de travail détruits.

Pour combattre cette nouvelle offensive du patronat ferroviaire, il nous faut organiser tous les travailleurs du rail et notamment ceux des entreprises ferroviaires autres que la SNCF. Il nous faut gagner l’extension du Statut SNCF pour tous les cheminots et la disparition de l’accord de branche FRET. Le chantage à la mutation ou au licenciement ne sera alors plus possible. Afficher cet objectif permet aussi de préparer les équipes syndicales au futur combat dans notre industrie.

Cela nécessite de développer l’organisation syndicale des travailleurs du ferroviaire. Des sections CGT, FO et SUD existent dans les entreprises ferroviaires mais trop souvent ces sections ne participent pas à la vie syndicale des fédérations cheminotes. SUD-Rail a depuis 15 ans inscrit dans ses orientations la syndicalisation des travailleurs du rail dans la même fédération mais l’idée ne se concrétise pas toujours dans les syndicats locaux. La CGT a évolué nationalement depuis un ou deux ans, sans que cela se traduise en faits dans beaucoup de régions. La Fédération FO cheminots organise les cheminots du privé mais pas la restauration, le nettoyage.... Cela tient au fait que les cheminots SNCF ont du mal à prendre en compte la défense des intérêts des autres cheminots. Dans les conseils syndicaux, on oublie parfois d’inviter les cheminots des sections du privé. Les tournées syndicales vers ces salariés ne sont pas toujours organisées. Souvent les militants ont l’impression de tellement avoir à faire dans leur chantier qu’ils pensent ne pas pouvoir consacrer de temps aux autres travailleurs du rail.

Or il faut nous mettre un coup de pied au cul sur cette question. Sinon nous allons accumuler un retard que nous paierons dans les mois et années à venir. Il faut sortir du corporatisme SNCF pour adapter notre syndicalisme à la réalité du salariat du ferroviaire. La multiplication des sous-traitants (nettoyage, restauration ferroviaire par exemple), filiales privées du groupe SNCF (VFLI, EFFIA, ...) et compagnies privées (ECR, EUROPORTE, THELLO, ...) sont déjà notre réalité. La multiplication des restructurations dans la SNCF a justement pour but de casser nos collectifs de travail afin d’affaiblir nos capacités de résistance collectives. Cette tactique est volontaire de la part de la direction afin d’épuiser les équipes syndicales dans un activisme défensif avant l’attaque finale et la casse du statut.

Le soutien populaire s’obtiendra d’autant plus facilement que nous défendrons tous les travailleurs du rail et pas seulement notre statut SNCF.

Il faut insister sur la défense de la sécurité ferroviaire : Notre réglementation des horaires de travail, le RH 77, permet de limiter la fatigue et préserver la vigilance des cheminots pour assurer la sécurité. Quand on travaille 16 heures par jour d’affilée, conduire un train devient dangereux ! Dans une entreprise privée, un-e salarié-e qui signale des problèmes de sécurité sur un train est sanctionné-e et même licencié-e. Le Statut cheminot permet de dénoncer les économies faites au détriment de la sécurité sans risquer à priori le licenciement.

Nous voulons Unifier les conditions de travail par le mieux-disant en faisant de l’Extension du Statut Cheminot, l’AXE CENTRAL de notre stratégie syndicale. Nous voulons les mêmes droits pour tous les travailleurs du Rail.

Organisons des tournées de chantiers vers les travailleurs de toutes les entreprises ferroviaires. Distribuons leurs nos tracts. Développons un syndicalisme d’industrie pour faire échec au patronat ferroviaire UTPF et gagnons l’Extension du Statut Cheminot et du RH 77 à tous les travailleurs du rail !

http://syndicaliste.phpnet.org/spip.php?article502