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DROITS ACQUIS DES RESSORTISSANTS ITALIENS DES "ANNEES DE PLOMB" ET DROITS DE LEURS FAMILLES

Publie le mercredi 6 octobre 2004 par Open-Publishing

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DROITS ACQUIS DES RESSORTISSANTS ITALIENS DES « ANNEES DE PLOMB » ET DROITS DE LEURS FAMILLES : ARGUMENTAIRE.

Réfugiés italiens
La parole donnée, la doctrine Mitterrand, l’exception française (pas d’extradition pour les anciens militants d’extrême gauche des « années de plomb » italiennes), ainsi que leurs corollaires (régularisations administratives, formation de familles) ont consolidé, de par leur application dans le temps (vingt ans), un cadre coutumier qui se pose en source de droits acquis (droit au respect de la parole donnée et de ses corollaires) pour les réfugiés italiens, ainsi que de devoirs irréversibles (assurance du maintien des engagements de non-extradition pris et de ses corollaires) pour les pouvoirs publics français.

Le droit ne se réduit pas aux seules normes écrites. « La coutume a force de droit. La coutume, source de droit. », dit le petit Robert. Et Françoise Bouchet-Saulnier, dans son Dictionnaire pratique du droit humanitaire (La Découverte, 2000, p. 119), tout en rappelant que la coutume « est l’une de plus anciennes sources du droit », définit la coutume en ces termes : « Pratique générale et répétée... ensemble de comportements acceptés et admis comme légitimes... [qui] acquièrent petit à petit l’autorité du droit. Un manquement à cette coutume devient alors une violation du droit. La coutume est un droit de l’action. Elle naît des comportements qui constituent autant de précédents que l’on pourra invoquer comme preuve du droit. »

Bref, la coutume consiste en une série de précédents, de comportements concordants par rapport à un certain domaine (dans le cas en question, le « traitement » par la France des réfugiés italiens sur son sol). Une « pratique constante », donc, dont la « doctrine » énonce les trois caractéristiques de base pour pouvoir parler de coutume et de « droits acquis ». Des caractéristiques qui, bien sûr, doivent s’apprécier au regard du problème considéré.

1) Ce comportement doit être uniforme et homogène. Pour ce qui nous concerne, hormis l’inique exception de l’affaire Persichetti, la même pratique de non-extradition à été appliquée pour tous les réfugiés italiens, sans aucune distinction (ni préalable, ni de fait).

2) Ce comportement doit s’étaler dans le temps sur une longue période. Or, dans la mesure où la question concerne une génération spécifique d’anciens militants politiques de l’extrême gauche italienne, et qu’elle couvre donc une période de temps maximum égale au temps de vie de ces personnes, vingt ans constituent sans aucun doute une « longue période de temps ».

3) Cette pratique doit être générale, c’est-à-dire s’appliquer sur un large espace. Considérant les sujets intéressés (autorités françaises et réfugiés italiens en France) et le territoire concerné (la France), le cas en objet répond à cette exigence, la France étant l’espace le plus large possible d’application de la pratique de la non-extradition des réfugiés italiens.

Dans ce cadre de référence, il n’est pas arrogant de soutenir que les réfugiés italiens sont désormais titulaires du droit acquis à ce que leur séjour sur le sol français ne soit plus remis en discussion. Car, si une situation de clandestinité ne saurait créer des droits acquis, c’est exactement le contraire dans le cas d’un établissement régulier sur un territoire déterminé et d’une intégration dans la société de ce même Pays. Une situation qui, dans le cas des réfugiés italien en France, a été confirmée, sur le plan des principes, par les déclarations d’« asile » des plus hautes autorités françaises, et, sur le plan pratique, par la délivrance de titres de séjour.

De plus, ce « cadre particulier » s’intègre tout particulièrement dans les normes inscrites dans la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (CDH), en l’espèce par son article 8.

Art. 8

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale...

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence... constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique... à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales...

Eu égard au reniement de la parole donnée, l’énoncé de cet article renvoie au critère de proportionnalité entre atteinte à l’ordre public et ingérence dans la vie familiale que constitue nécessairement une extradition, à l’instar de la jurisprudence classique en matière d’expulsion. Une proportionnalité tout-à-fait inexistante dans le contexte en question, où la vie réelle des réfugiés italiens, bien éloignée des formes violentes prises par leurs activités politiques d’antan, ne peut constituer le moindre danger pour l’ordre public français. Alors, remettre en cause aujourd’hui la vie privée et familiale de ces réfugiés, une vie née des garanties officiellement données par les autorités françaises, serait a fortiori une ingérence disproportionnée et injustifiée dans une « société démocratique », et par là une violation de l’art. 8 de la CDH.

Familles (conjoints, enfants) des réfugiés italiens
A cet égard, il ne s’agit plus, ou plus seulement, de droits acquis, mais bien de droits positifs, formellement inscrits en tant que tels dans des « chartes internationales ». Des droits qui seraient méprisés et piétinés au cas où aurait lieu l’extradition de l’un quelconque de ces réfugié italiens. C’est-à-dire que l’extradition de n’importe quel réfugié italien comporterait une violation explicite des droits régis par ces « chartes ».

Nul besoin de longs discours, car la teneur des dispositions applicables en la matière parle d’elle même. Sauf à rappeler que l’article 8 de la CDH mentionné ci-dessus s’applique aussi aux familles, et à ajouter que les deux volets de cet « argumentaire » (droits acquis des réfugiés italiens et droits de leurs familles) se complètent et se renforcent réciproquement.

A) Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne :

Art. 7

Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale...

Art. 24

3. Tout enfant a le droit d’entretenir... des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents...

B) Convention Internationale des Droits de l’Enfant :

Art. 2

2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes... de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents... ou des membres de sa famille.

Art. 7

1. L’enfant... a... le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux.

Art. 8

1. Les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver... ses relations familiales... sans ingérence illégale.

Art. 9

1. Les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré...

Art. 16

1. Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille...

2. L’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

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