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Dans les Bouches-du-Rhône, les contrats des saisonniers étrangers contournent la loi

Publie le mercredi 15 juin 2005 par Open-Publishing

de Michel Samson

Les ouvriers agricoles logés dans un bidonville de Berre-l’Etang (Bouches-du-Rhône), appelé "le Gourbi" (Le Monde du 1er décembre 2004), ont inauguré les installations sommaires qu’ont construites, pour eux et avec eux, des militants bénévoles mobilisés par le collectif qui les soutient. Désormais, ils disposent d’une cabane à douche, équipée de capteurs solaires qui alimentent la pompe à eau et son chauffage, et de toilettes sèches.

Les animateurs du collectif en ont profité pour dire leurs inquiétudes. En effet, le dossier de relogement des ouvriers tunisiens, qui travaillent dans la zone des Gravons depuis des années, n’a pas avancé d’un pouce depuis que des négociations ont été officiellement engagées entre divers acteurs du dossier. Des descentes de police et de gendarmerie répétées ont, au contraire, accru leur peur d’une expulsion plus ou moins discrète sans qu’une solution de logement sur place ait été trouvée.

ABUS MANIFESTES

Le porte-parole du collectif de soutien a rappelé que les travailleurs saisonniers ont le droit de "vivre décemment sur la commune où ils travaillent" . D’où l’idée, refusée par les autorités locales, d’aménager "le Gourbi" en résidences provisoires ou de créer dans la zone un ensemble de petits bâtiments éclatés, en liaison avec la Sonacotra. Il a aussi expliqué que les ouvriers présents travaillaient bien dans la zone des Gravons, où est installé "le Gourbi" , contrairement à ce que prétendent les agriculteurs locaux, qui emploient souvent ces ouvriers au noir.

Un porte-parole du comité de soutien des travailleurs saisonniers (Coderas) a présenté, par ailleurs, un rapport de novembre 2001 sur l’agriculture dans les Bouches-du-Rhône, établi par un inspecteur des affaires sociales et un inspecteur général de l’agriculture.

Ce texte, resté sans suite, a été publié par Le Monde diplomatique dans son numéro de juin. Il souligne la singularité de l’agriculture du département "dans le recours aux saisonniers étrangers" : 60 % de contrats OMI (Office des migrations internationales) de France sont situés dans les Bouches-du- Rhône, sans aucune raison liée au mode de culture. Ces contrats, de quatre à six mois, ne devraient être accordés qu’après vérification, auprès de l’ANPE, qu’il n’y a pas de main-d’oeuvre locale disponible et après accord de la direction départementale du travail. Ce recours constitue "un point extrêmement sensible pour les agriculteurs et (...) un enjeu décisif pour les organisations professionnelles" qui le font savoir aux autorités locales et bénéficient "du soutien marqué des élus des zones agricoles, toutes tendances confondues" .

Devant des abus manifestes et une impunité ordinaire, le rapport explique qu’il est "urgent de faire prévaloir la raison et une plus juste application des règles de droit (...), ce qui oblige évidemment l’administration à vérifier que les exploitants concernés respectent leurs obligations les plus élémentaires" . C’est une façon claire de mettre en cause les administrations du département ainsi que le ministère de l’agriculture, au courant de la situation depuis des années.

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