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Décès d’Aimé Césaire : Réaction de Marie-George Buffet (video)

Publie le jeudi 17 avril 2008 par Open-Publishing
11 commentaires

de Marie-George Buffet

"Aimé Césaire est mort. Je salue l’ami qui nous quitte, avec tous ceux des Antilles, des Caraïbes, d’Afrique, de France et du Monde qui le pleurent.

Je repense à la rencontre que nous avons eue le 24 novembre 2006. Un mot me vient : dignité.

Aimé Césaire restera pour moi un homme qui a regardé tout le siècle passé en face, l’homme de toutes les révolutions, poétiques et politiques.

Contre l’oppression du système colonial et l’exotisme de bon aloi, il a forgé, avec ses camarades, Léopold Sédar Senghor et Léon Gotran Damas, le concept de négritude. Aimé Césaire disait : « ce mot désigne en premier lieu le rejet. Le rejet de l’assimilation culturelle, le rejet d’une certaine image du Noir paisible, incapable de construire une civilisation. » Le discours du président à Dakar montre, ô combien, l’actualité de ce combat.

Aimé Césaire, ouvrant des chemins d’une identité debout, ne faisait pas de ce combat une affaire fermée. Il concevait son humanisme actif et concret à destination de tous les opprimés de la planète.

Sa poésie, dont André Breton disait qu’elle était « belle comme l’oxygène naissant », son théâtre, ont inventé une langue d’une grande puissance incantatoire jamais coupée de son idéal.

Fondateur du PPM, député de la Martinique, président du Conseil général et Maire de Fort de France, il a engagé sa pensée, comme élu, dans des actes utiles aux Martiniquaises et aux Martiniquais.

Tous les progressistes auront à coeur de faire vivre le poète, l’anticolonialiste, le progressiste dont l’oeuvre est encore bien nécessaire.

Lors de notre rencontre de mai 2006, nous avons échangé sur les raisons de son départ du PCF en 1956. Je lui ai remis un duplicata de sa lettre à Maurice Thorez dans laquelle il écrivait : "Je crois en avoir assez dit pour faire comprendre que ce n’est ni le marxisme, ni le communisme que je renie, que c’est l’usage que certains font du marxisme et du communisme que je réprouve". Il me redisait ce qu’il avait écrit quelques mois plus tôt à l’occasion du débat en France sur la loi du 23 février 2005 vantant les bienfaits du colonialisme : « Je reste fidèle à ma doctrine et anticolonialiste résolu ».

Un grand homme part. Mais Aimé Césaire marquera pendant longtemps les communistes et tous ceux pour qui émancipation et libération ne sont pas des mots vains.

Je transmets mes sincères condoléances à sa famille et à ses proches, aux militantes et militants qui ont agi avec lui, et à nos amis du PC Martiniquais. Une délégation du PCF se rendra à ses obsèques."

Marie-George Buffet
Ancienne ministre
Députée de la Seine St Denis
Secrétaire nationale du PCF

Paris, le 17 avril 2008.


définition du mot "égalité" selon aimé césaire

Messages

  • Personnellement je n’oublierai pas que sur certains médias "alternatifs" qui se réclament de la liberté d’expression, il était impossible de publier, il n’y a pas 2 mois, des extraits du magnifique "Discours sur le colonialisme" qui s’applique pourtant tellement bien à un certain Etat raciste et colonialiste bien actuel.

    Brutus

    • Je voulais parler du site de Libé....Bien entendu...

      Brutus

    • texte d’Edouard Glissant

      Aimé Césaire

      La passion du poète

      La route de Balata monte à travers la forêt primitive de Martinique jusqu’au Morne-Rouge et au delà vers les plateaux d’Ajoupa-Bouillon, du Lorrain et de Basse-Pointe, où le poète est né, et où l’on découvre et l’on éprouve « la grand’lèche hystérique de la mer. » Pas un ne sait ni ne peut dire à quel moment, sur cette route, vous quittez le sud du pays, ses clar-tés sèches, ses plages apprivoisées, ses légèretés soucieuses, pour entrer dans la demeure de ce nord de lourdes pluies, parfois de brumes, où les fruits, châtaignes et abricots ou mangues térébinthes, sont pesants et présents, et où l’on peut entendre d’au loin les conteurs et les bat-teurs de tambour. Chacun s’y plante sans doute dans ses enfances sans bouger, comme dans la boue rouge qui piète à l’assaut des mornes Pérou et Reculée.

      Mais la jeunesse du poète est aussi marquée par des errances tranquilles. Dans les an-nées de l’immédiat avant-guerre mondiale, la deuxième, il est étudiant à Paris, ayant quitté ces mornes du nord de la Martinique, et le Lycée Schoelcher à Fort-de-France. Il découvre ce qu’on appelait le vieux continent, mais surtout il rencontre l’Afrique, « gigantesquement che-nillant au pied de l’Europe sa nudité où la mort fauche à larges andains ». Non pas la décou-verte de l’explorateur, mais celle essentielle du fils revenu à la source de ses passions et de ses inquiétudes. Parmi ceux, africains, antillais, guyanais, malgaches, réunionnais, qui constituent alors l’émigration intellectuelle des colonies à Paris, laquelle était la marge d’une autre émi-gration de même origine, ouvriers d’usines et sous-prolétaires, comme on disait à l’époque, et qui sera ensuite officiellement et systématiquement organisée pour les besoins de la recons-truction dans l’après-guerre, (quelques-uns se souviennent de ce fameux Bureau de migration des Départements d’Outre Mer, le très efficace Bumidom, qui aura fonctionné jusqu’aux dé-buts des années 1960), Aimé Césaire est déjà un militant, qui accompagne les rédactions des revues L’étudiant noir, Légitime Défense, et qui peut-être fréquente les réunions chez madame Paulette Nardal, attachée à la défense de la personnalité antillaise et noire. Il rencontre le sénégalais Léopold Sédar Senghor et le guyanais Léon Gontran Damas, ce sera l’inséparable trio de la Négritude, mais surtout, solitairement on dirait, en tous cas par un effort puissant et passé alors inaperçu, c’est en 1939, et le texte est publié en province dans une revue intitulée Volontés, qui de ce fait est devenue historique, il fait jaillir, comme d’un puissant coup de pied dans la terre pourtant lointaine, Le cahier d’un retour au pays natal, que nous mettrons tout de suite au rang d’Éloges de Saint-John Perse, qui ont précédé en 1917, et des Feuillets d’Hypnos de René Char, qui suivront en 1943, au temps de la Résistance française : un des très grands poèmes de notre époque, et qui selon moi signifie bien plus loin que sa réputation d’œuvre militante.

      L’errance ainsi, qui n’est pas errements, et la découverte du monde, se radicalisent en un mouvement délibéré, celui de la plongée dans le pays natal martiniquais, avec les particu-larités que voici : Le Cahier n’est pas un texte de description réaliste, mais rien n’est plus près des rythmes, des étouffements et des pulsions de ce réel-là, ce n’est pas un texte d’exaltation triomphaliste, pourtant il sera une des sources des inspirations de la diaspora africaine, il s’y trame une poétique tragique, et sans aucune complaisance, de la géographie et de l’histoire de ce pays à soi-même encore inconnu, et, pour la première fois dans nos littératures, une com-munication, une relation, de ce même pays, avec les civilisations d’Afrique, les histoires enfin sues d’Haïti et des noirs des Etats-Unis, des peuples andins et d’Amérique du sud, avec les souffrances du monde, sa passion et son tremblement. Ainsi, dès ce commencement, la rela-tion à l’Afrique ne sera pas chantée comme immédiatement politique, elle ne procédera pas de la démarche de Frantz Fanon, qu’elle rencontrera plus loin, elle ne consistera pas non plus, comme pour Marcus Garvey et les noirs des Etats-Unis, en un échange de population, en un autre retour, qui aurait pu passer pour une occupation (du Liberia ou de la Sierra Leone) : ce sera plutôt une profonde poétique de la souffrance historique des Afriques et de la connais-sance partagée du monde.

      Ces caractéristiques se révéleront d’autant plus remarquables que le Cahier connaîtra une seconde vie, de 1940 à 1943 et 44, dans une Martinique coupée du monde, occupée par les marins de l’amiral Robert, délégué du régime de Vichy, et cernée par la flotte étasunienne de la Caraïbe et de l’Atlantique. Le poème s’enrichit des textes de résistance publiés alors par Aimé Césaire et ses amis, (dont Suzanne Césaire sa femme et René Ménil), dans la revue Tropiques, où l’on peut découvrir un manifeste encore aujourd’hui trop peu considéré, Poésie et connaissance. La revue est révélée, au hasard d’une vitrine de librairie, à André Breton, en 1941, et l’œuvre de Césaire en même temps, alors que le poète français est en route vers les Amériques avec un groupe d’artistes et d’intellectuels qui fuient l’occupation nazie. Pendant cette période, Aimé Césaire écrit quelques-uns de ses plus beaux poèmes, (Le grand midi, Batouque) réunis dans Les armes miraculeuses, à la puissance tellurique. Il s’inscrit au Parti communiste français, dont il démissionnera en 1956 (la Lettre à Maurice Thorez), et à ce titre est élu dès 1945 député de la Martinique, plus tard maire de Fort-de-France, fonctions qu’il occupera pendant plus de cinquante ans, au nom du Parti progressiste martiniquais, qu’il a fondé après sa séparation d’avec le Parti communiste français. Nul ne saura dire si son combat politique s’est mené au détriment de sa production poétique, ou non. L’opinion la plus simple serait qu’ils se sont soutenus l’un l’autre.

      La fréquentation des surréalistes, en particulier l’amitié avec André Breton et Paul Eluard d’une part, ainsi que les rapports très intimes avec Léopold Sédar Senghor et avec le peintre cubain Wifredo Lam d’autre part, nous aident à comprendre qu’il y a là une conni-vence entre des poétiques occidentales modernes, toutes de contestation et de révolution du langage, et des poétiques nègres, dont les inspirations (la puissance du rythme, le merveilleux, la démesure, l’humour, la fusion originelle et la fondation cosmique de la parole, ainsi que les procédés : d’accumulation, d’assonance, de vertige, etc) se rencontrent sans se confondre. Césaire n’est surréaliste que parce qu’il a fondé dans sa négritude, et non pas le contraire. Cette négritude est à la fois de réveil de la mémoire et d’appel prémonitoire à une renaissance, elle précède en quelque sorte la floraison des négritudes modernes de la diaspora africaine, en ce sens elle diffère de celle de Senghor qui procède d’une communauté millénaire, dont elle résume la sagesse. La poétique d’Aimé Césaire est de volcans et d’éruptions, elle est déchirée des emmêlements de la conscience, parcourue des flots déhalés de la souffrance nègre, avec parfois une surprenante tendresse d’eau de source, et des boucans de joie et de liesse.

      Le lecteur français lui reproche parfois un manque de mesure, alors même que c’est une poésie toute de mesure, mais cette mesure-là est la mesure d’une démesure, celle du mon-de. Le poète est celui qui raccorde les beautés de son héritage aux beautés de son devenir dans le monde. Mais il n’a pas oublié la Plantation, (il y est né), ni le bateau négrier. Nous pouvons établir la différence d’avec les élégies de Léopold Sédar Senghor, offertes comme dans une barque lente sur le grand fleuve du pays africain, et par ailleurs, sur les quais de ports en-rouillés, le chant aigu, écorché, aux rythmes torturés, aux relents de matin trébuchant, de Léon Gontran Damas. Étonnante dis-symphonie de ces trois paroles, qui célèbrent la source et la diaspora, par où on entend que ces poétiques ont parcouru ensemble les diversités du monde.

      Cependant, la maturité du poète est marquée par des travaux fertiles. Les livres de poésie, Soleil cou coupé, Ferrements, Cadastres, histoires et géographies, encore et toujours enserrées dans le frémissement tragique du monde, jusqu’au dernier, Moi, laminaire, à la fois luminaire et laminé, qui du fond de tant d’activités et de responsabilités lève la statue d’ombre d’une solitude essentielle et irremplaçable. Les travaux, les essais, sur Toussaint-Louverture en particulier, dont le plus important reste ce Discours sur le colonialisme, où le poète met en oeuvre son érudition d’ancien normalien pour faire remonter à la surface tant de propos ra-cistes cachés dans le terreau de la culture d’élite occidentale. L’acuité de la phrase, qui frappe net. L’éloquence aussi, qui ouvre sur l’emportement. Les grands poètes sont les plus grands des pamphlétaires.

      Aimé Césaire a mené une entreprise théâtrale tout orientée par la tragédie. On l’abor-derait par Une tempête, où il prend à notre compte le personnage de Caliban, le monstre (can-nibale ?) de La Tempête de William Shakespeare, rien moins qu’un habitant d’une île caraïbe, dont le duc légitime de Milan, dépositaire de toutes les sciences et de la connaissance, magi-que ou logique, fait la conquête. Cette réfutation par Césaire d’une légitimité de la coloni-sation en son principe, comme de son apologie dans les faits, serait une bonne introduction aux autres pièces, La tragédie du roi Christophe, et Une saison au Congo, qui examinent les implacables distorsions qui suivent souvent les luttes de décolonisation et qui en sont parfois les effets. On dit que pour compléter ce cycle, le poète a eu l’intention d’écrire une tragédie sur la situation des noirs des États-Unis, autre aspect de la colonisation, de ses énormes varié-tés, de ses incalculables conséquences. Si la tragédie est la résolution d’un dissolu, il est juste de considérer les tragédies des poètes anticolonialistes, ou plus simplement des poètes des pays du Sud, comme des tentatives de résoudre cet inconcevable dissolu qu’ont représenté l’acte de coloniser et ses conséquences. La parole tragique accompagne cette autre action qui à son tour s’oppose au geste du colonisateur. Le monstre Caliban tout soudain est une cons-cience. Mais il arrive aussi que la résolution du dissolu avorte, dans l’architecture tragique comme dans la réalité souffrante des pays, et les histoires récentes en proposent combien d’exemples : l’ancien colonisé reprend les manières, les stratégies, les injustices de l’ancien colonisateur, la passion du pouvoir l’étouffe et le tourne contre son peuple, en Haïti comme au Congo : la tragédie en rend compte.

      Alors le poète est debout sur le terrain de son combat. On se souvient de la présence et des interventions d’Aimé Césaire aux deux Congrès internationaux des écrivains et artistes noirs, à la Sorbonne en 1956 et à Rome en 1959. C’était le temps des difficiles luttes de libé-ration en Afrique, et il s’agissait d’aider avant tout à ces émancipations, mais aussi, déjà, de préserver le plus qu’il se pouvait l’ouverture africaine, la parole de poésie, la passion d’échan-ger, le goût d’être ensemble dans le monde, que la société Présence africaine et son directeur Alioune Diop avaient entrepris de défendre, ce qu’Aimé Césaire accompagnait de toutes ses forces.

      La mort des poètes a des allures que des malheurs beaucoup plus accablants ou ter-rifiants ne revêtent pourtant pas. C’est parce que nous savons qu’un grand poète, là parmi nous, entre déjà dans une solitude que nous ne pouvons pas vaincre. Et au moment même où il s’en est allé, nous savons que même si nous le suivions à l’instant dans les ombres infinies, à jamais nous ne pourrions plus le voir, ni le toucher.

      Édouard Glissant.

       http://aime-cesaire.blogspot.com/20...

  • merci à Aimé Césaire pour son courage et pour ceux victimes du racisme et de la pauvreté...exploités de + en + par ce Capitalisme et cette bourgeoisie de + en + inhumaine ...........ave.

  • Triste et un moment de mémoire intense pour ce militant de la liberté et de l’égalité.

  • "Je crois en avoir assez dit pour faire comprendre que ce n’est ni le marxisme, ni le communisme que je renie, que c’est l’usage que certains font du marxisme et du communisme que je réprouve"

    En plus de son action pour le peuple noir je garderai d’Aimé Césaire l’extrait de sa lettre de démission du PCF en 1956. Je suis en tout point d’accord aveclui. malheureusement les gens n’ont pas changés.

    • Je ne sais si tu gardes la lettre de "démission"du PC , mais saches qu’au SENEGAL le fantoche Wade appuyé par Sarko ,Poncelet ,Madelin &c° a jeté en taule il y a 15 jours des militants et responsables de la Manifestation contre la vie chère à Dakar et parmi eux des dirigeants Communistes. Ces derniers avaient auparavant en 2006 eu à goûté de la Forteresse de Rebeuss notamment Ibrahima Sène ,membre du bureau politique du PIT.
      Ne parlons pas des diverses saisies de Journaux dont Sud Quotidien.
      A quand ta démission de l’idéologie dominante ?