EDF : le trésor de guerre de la CGT

Un livre coup de poing révèle l’invraisemblable connivence entre la CGT et les politiques de droite et de gauche.

by Patrick Bonazza

Tout le monde sait depuis longtemps qu’EDF n’est pas une entreprise comme les autres. Ceux qui n’en sont pas encore convaincus lèveront leurs derniers doutes en lisant « EDF, un scandale français » (1). Les bizarreries du statut de la Caisse centrale des activités sociales (CCAS), ce super-comité d’entreprise, sont décrites par le menu. Ainsi la Caisse dispose d’un budget de 400 millions d’euros (1 % des ventes de gaz et d’électricité en France), contre 80 millions pour la SNCF, soumise au droit commun (pas plus de 2 % de la masse salariale). Ce trésor de guerre, expliquent les auteurs, est largement utilisé par la CGT - accessoirement par le PC -, qui contrôle tout depuis le début. « La fédération Energie de la CGT est assise sur un tas d’or. » Repas des intermittents en grève, Fête de L’Huma, tournoi d’échecs, manifestations... la Caisse finance à tout va. Elle n’est d’ailleurs pas très regardante sur les tarifs des fournisseurs, souvent des sociétés amies. Emplois massifs de militants CGT, prise en main des nouveaux venus à EDF pour prolonger l’emprise du syndicat sur l’entreprise, rien n’est laissé au hasard. Sans la CCAS, les finances de la CGT (et du PC) ne seraient pas ce qu’elles sont.

Aucun politique, de droite ou de gauche, n’a jamais tenté de remettre en cause ces pratiques étonnantes. Les rapports de la Cour des comptes ont été soigneusement remisés dans les tiroirs. C’est que la direction d’EDF n’a, statutairement, rien à redire sur la gestion coûteuse (40 % de frais de fonctionnement !) de la CCAS. Le contrôle est, théoriquement, exercé par Bercy, qui, submergé de factures, n’en peut mais. Ainsi, le ministère des Finances a du mal à obtenir les justificatifs de notes de restaurant pourtant salées : 150 000 euros pour la CGT, mais aussi 180 000 euros pour FO. Cette indifférence des politiques a ses raisons. EDF rend de grands et petits services. Comme financer en Mongolie des fouilles chères au président Chirac ou, plus important, manifester un zèle illimité pour le passage aux 35 heures, qui s’est traduit par 18 000 embauches dans une entreprise déjà en sureffectif ! La rente nucléaire profite à tout le monde, mais beaucoup à la CGT. L’emprise du syndicat sur l’entreprise est-elle éternelle ? Le changement de statuts voté cet été et l’ouverture programmée du capital devraient changer un peu la donne, affirment les auteurs. Mais c’est d’abord de la justice qui enquête sur la gestion de la CCAS que pourrait enfin venir la lumière...
1. « EDF, un scandale français », de Laurence de Charette et Marie-Christine Tabet (Robert Laffont, 212 pages, 18 euros, à paraître le 13 septembre).

http://www.lepoint.fr/economie/document.html?did=151687