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EN DEFENSE DES FONCTIONNAIRES

Publie le jeudi 13 septembre 2007 par Open-Publishing
5 commentaires

ENTRETIEN. — Devant la précarisation de la fonction publique, le sociologue Pierre Bitoun s’inquiète pour l’avenir du secteur qui emploie un salarié sur cinq -

Sud-Ouest 17-03-07

La fin des privilèges du public :
Propos recueillis par Jessica Agache

Quelle est la différence entre un fonctionnaire et un chômeur ? Réponse : le chômeur, lui, a déjà travaillé. Cette blague, douteuse mais répandue, ne fait pas rire Pierre Bitoun. Sociologue engagé, auteur du livre « Eloge des fonctionnaires », il dénonce depuis des années le matraquage dont serait victime la fonction publique. La situation étant, selon lui, de plus en plus inquiétante.
« Sud Ouest ».
Il y a actuellement plus de 5 millions de fonctionnaires en France. Souffrent-ils vraiment d’une mauvaise image ?
Pierre Bitoun.
En fait, les Français ont plutôt tendance à bien aimer les fonctionnaires, et ce d’autant plus que l’on a souvent quelqu’un dans sa famille qui travaille dans ce secteur. Cependant, je maintiens que, depuis vingt-cinq ans, il existe un intense matraquage contre la fonction publique. L’objectif des néolibéralistes est d’opposer privé et public pour diviser les gens et éviter un combat commun.

Sur quoi fondez-vous vos arguments ?
Quand j’ai écrit mon livre en 2001, j’ai cherché ce qu’il pouvait y avoir comme livres de mise à plat des conditions de travail des fonctionnaires. Je n’ai rien trouvé. Il a fallu que je remonte à l’immédiate après-guerre, et encore, je n’ai trouvé que des livres d’explication des missions d’un fonctionnaire, ou des écrits sur la haute fonction publique. Par contre, il existe une pelletée de bouquins qui tapent sur le dos des fonctionnaires avec des discours pétris d’idéologie.

Quelle idéologie ?
L’effet ravageur sur ce sujet est la surmédiatisation. Des tonnes de mensonges circulent au sujet des fonctionnaires. Certains journaux laissent entendre que les jours de grève seraient payés alors que c’est absolument faux. Autre exemple : on répète sans cesse que la fonction publique coûte de plus en plus cher. Il se trouve qu’en vingt ans, les dépenses liées au secteur ont baissé de 20 %. Mais ce genre de chiffre n’est jamais repris. On préfère se servir des fonctionnaires comme de boucs émissaires.

Quel serait le but de tout ça ?
L’objectif que poursuivent les dirigeants est de mettre en place un état minimal, où l’on garderait juste les grandes fonctions régaliennes. Le reste, ils veulent le supprimer au maximum pour privatiser peu à peu. C’est un projet mondial, moins avancé en France car nous avons une culture historique de résistance. Mais la menace est la même.
Comme les néolibéraux n’ont pas pu l’imposer de façon brutale, ils le font à travers les départs à la retraite qui ne sont pas remplacés. Cela crée une surcharge de travail pour les gens, qui aboutira un jour ou l’autre à une dégradation des services publics. Les Français seront forcément mécontents et la privatisation pourra s’opérer sans opposition car les gens seront demandeurs. Tout cela va durer un certain temps. Entre quarante et cent ans. Mais il est certain que ce grignotage lent a déjà commencé.

La fonction publique n’est quand même pas parfaite. Quelles sont les critiques que vous formuleriez ?
On y trouve beaucoup trop de corps de métiers et je trouve que la mobilité des fonctionnaires est souvent insuffisante. Enfin, l’Etat est un mauvais patron. 16 % des fonctionnaires sont aujourd’hui contractuels ou précaires, en CDD ou en intérim.
Il faut arrêter de penser que les fonctionnaires ont des « privilèges ». C’est une erreur fondamentale d’employer ce terme péjoratif. Moi, la sécurité de l’emploi, j’appelle ça « condition de vie digne et décente ». Ca permet d’ouvrir sa gueule quand il le faut, de faire des projets. Sinon, la vie devient une course au fric, aux contrats ou à la formation.

« Eloge des fonctionnaires », Pierre Bitoun, édition Calmann-Lévy, 2001

Messages

  • Le misérabilisme, c’est croire qu’il n’y a que les chômeurs et les précaires qui subissent sévèrement les politiques de flexibilisation et de marchandisation de la force de travail et en conséquence ne proposer que des mesures minimales de « filet de protection ». Les autres, les « inclus », n’auraient pas à se plaindre. Mieux ils seraient « privilégiés ». Le patronat abonde par intérêt évident dans cette division entre « exclus » et « inclus », entre salariés du privé et salariés du public. A ne voir que les différences de catégories on fait l’impasse sur les dynamiques communes qui sont à la racine de ces processus de désaffiliation et d’exploitation de la force de travail. Ces dynamiques négatives sont pour certaines vieilles comme le capitalisme mais d’autres sont relativement récentes : elles se sont particulièrement développées depuis plus de 20 ans.

    Il est exact que le statut du fonctionnaire a permis d’extraire (beaucoup plus que le code du travail pour le privé) la force de travail de son statut de vulgaire marchandise. Mais alors nous devrions en être heureux et promouvoir tant que faire se peut ce modèle relativement « civilisé » de protection à l’ensemble des travailleurs salariés. Cette dynamique positive a existé. Elle est aujourd’hui à contre-courant.

    Le service public et le statut des fonctionnaires que nous avons connu en France depuis 1946 a formé un « modèle social » progressiste qui a longtemps servi d’étalon aux travailleurs du privé pour améliorer leur conditions de travail. Le service public travaillait à la satisfaction des besoins sociaux de la population hors référence marchande et les fonctionnaires disposaient d’un statut permettant des conditions de travail relativement « civilisées ». Sans doute ne faut-il pas porter au pinacle ni le service public - qui rapidement a pu être perverti par les logiques marchandes -, ni le statut des fonctionnaires – qui n’a jamais intégré les résidents étrangers durablement installés sur le territoire. Face au bloc soviétique le capital devait lâcher des concessions mais pas question de changer radicalement de logique !

    Toujours est-il que cette époque est révolue. D’abord les socialistes des années 83 oublièrent les rapports sociaux antagoniques entre le capital et le travail pour faire l’apologie de l’entreprise-communauté. Dans le même temps de nombreux juristes universitaires se mirent à dénigrer les services publics (ils parlèrent de « crise du service public »). Dans la foulée des hommes politiques de gauche comme de droite ainsi que de haut fonctionnaires se mirent à « moderniser » l’Etat. La modernisation s’effectue, on le sait, toujours dans le même sens : moins de fonctionnaires, moins de garanties statutaires, plus de contractualisation, plus de « souplesses », plus d’objectifs de rentabilité et de performance, et surtout plus d’individualisation. En 25 ans le public a largement copié le privé. Pour autant, pour les dirigeants politiques à la botte du MEDEF cela ne saurait suffire : il faut aller toujours plus loin dans le sens de la dégradation des conditions de travail. Et ce qui sert de modèle c’est désormais les secteurs les plus flexibles, les plus soumis, les plus exploités. Car la rentabilité du capital investi oblige de plus en plus à la formation d’une force de travail soumise.

    Et trop de soumission génère de la tristesse, de la mal-vie… La rentabilité économique est le nouveau fétiche devant qui les humains doivent s’agenouiller sans discuter. Beaucoup en crèvent et celles et ceux qui supportent mieux la charge un temps ne sont pas dupes même si certains se gaussent et en profitent pour vendre plus cher leur capacité de travail. La guerre interne à l’entreprise est mondiale et féroce. Elle produit le gonflement de l’armée de réserve qui sert si bien à la mise en concurrence des travailleurs salarié et la dégradation générale des conditions de travail et de vie.

    Christian DELARUE

    1 De la libération laborale
    sur : http://www.passerellesud.org
    http://www.local.attac.org/35/DE-LA-LIBERATION-LABORALE

    2 La réforme de la notation dans les administrations ;
    Du chacun pour soi à l’aggravation des conditions de travail

    Texte écrit en 2005 sur Bellaciao article =31219
    http://www.local.attac.org/35/4-LA-REFORME-DE-LA-NOTATION-DANS

    3 La mise en concurrence des compétences ou les dévoiements de la reconnaissance libérale
    http://www.france.attac.org/spip.php?article6574

    4 Pour un statut comme "bien commun" du salariat résident
    http://www.local.attac.org/35/2-POUR-UN-STATUT-COMME-BIEN-COMMUN

    • Bonne démonstration (on lit...).

      Cop.

    • Chers amis,

      Ne trouvez vous pas que les fonctionnaires ne fichent pas grand chose ? Quand je vais dans une mairie, par exemple, les filles passent leur temps à papoter plutot que de servir le public...il y a des avantages aquis incroyables, comme le fait qu’un chauffeur de bus ait la retraite à 55 ans. Il y a dans les bibliothèques, des gens qui n’ont vraiment pas l’air débordés...etc . je trouve que cela a assez duré...
      Lola

    • Huuuuummmmmmmmmmmmmm......

      Il existe des gens qui travaillent moins que d’autres, exact.

      Notre amie parle de fonctionnaires territoriaux qui travaillent à sa mairie. Je peux te parler de commerces, d’entreprises privées où c’est également ainsi.

      Parlons concret, de quoi parle-t-on ? Les gens ne voient bien que ce qu’ils veulent bien voir. Maintenant on nous parle de chauffeurs de bus fonctionnaires ! Ah bon ?

      Il y a des gens quand on les entend on a l’impression qu’ils lèvent des enclumes toute la journée et que les autres forcement c’est des feignasses ! Allez hop au boulot !

      Ne parlons pas de l’immense lâcheté qu’il y a à s’attaquer à des gens qui pour l’essentiel bossent dur alors qu’on accepte comme allant de soi que la bourgeoisie feignasse à un prix bien plus immense pour la société. Rien qu’une poignée de stock options non soumis à cotisations représente plus de la moitié du déficit des régimes spéciaux de retraite . Les autres avantages concédés, qui ciblent souvent des hauts cadres et PDG d’entreprises , suffiraient à équilibrer ces régimes spéciaux (ce ne sont pas là des fonctionnaires)

      Mais par exemple , trouvez-vous que les fonctionnaires hospitaliers ça bosse pas assez ? (ben oui vous croyez peut-être qu’il n’y a comme fonctionnaires que les 3 que vous voyez à la mairie ? D’ailleurs elles ne sont peut-être même pas des fonctionnaires ...).

      Ben oui vous vous imaginez quoi ? que les fonctionnaires c’est une armée secrète de bureaucrates qui dorment au fond de bureaux ? Vous n’y êtes pas ! Ce n’est pas la réalité !

      Les fonctionnaires, en France du moins,


      * ce sont des gens qui veillent jour et nuit sur votre petite santé quand vous glapissez sur un brancard aux urgences (dites-leur bien qu’ils ne bossent pas assez, qu’ils coutent trop cher et que leur retraite est trop généreuse et trop tôt),


      * après avoir été récupérée par des pompiers qui ont risqué leur vie pour la votre (n’oubliers pas de leur dire combien ils sont trop nombreux et qu’ils ne bossent pas assez ! et leurs retraites des retraites-chapeau !)


      * Avec des fonctionnaires de l’équipement qui sont intervenus pour baliser le cadre de vos ébats accidentogènes (fainéants, surtout qu’ils n’interviennent pas ! Vite des économies ! )

      Alors de quoi parle-t-on ?

      Vous mélangez tout et vous aurez le résultat requis : Une fonction publique au rabais , des catégories qui n’ont rien à voir en général avec la fonction publique comme des chauffeurs de bus qui auront leurs conditions de travail (déjà mauvaises et dangereuses) dégradées, plus mal rémunérées (déjà les salaires de chauffeurs c’est pas le nirvana ) et des retraites dégradées (ils ont votre vie et celles de vos enfants entre leurs mains qui tiennent le volant, vous avez raison faites les bosser le plus vieux possibles).....

      Allez là et précisez-nous ce que vous voulez réduire et mettre au boulot, :

      http://www.fonction-publique.gouv.fr/IMG/DGAFP_Chiffres_cles_2005.pdf

      Expliquez leur tout cela et criez comme la droite le repends depuis des années que c’est tous des fainéants....

      Plutôt que de raconter n’importe quelle connerie parce qu’on été menées depuis des années des campagnes infamantes et mensongères mélangeant allègrement fonction publique et agents d’entreprises de droit privé avec PDG, etc , essayez de réfléchir plus loin que votre nez :

      Il existe des gens qui ne travaillent pas beaucoup partout , des bavards, .... Mais ce que vous sortez pour accabler une nouvelle fois une catégorie particulière de travailleurs qui n’ont plus rien à voir avec vos fantasmes pour l’essentiel , ait purement répugnant et stupide, dans le cadre du débat mené là.

      Cette propagande des bourgeois depuis des années et malheureusement reprise par des gens d’autres catégories, écervelés, ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez (j’ai croisé une jeune travailleuse d’usine à 1200 euros qui glapissait ainsi contre les fonctionnaires en me citant que des professions qui n’étaient pas .... fonctionnaires ....) n’a qu’un objectif : Ca va mal et il s’agit de découper encore plus de profits pour la bourgeoisie et il faut pour cela détourner les colères des travailleurs sur d’autres travailleurs.

      La hargne et l’agression contre les conquêtes des travailleurs n’a qu’un objectif, le même que le racisme, dresser des travailleurs contre d’autres travailleurs.

      Copas

    • JM HARRIBEY : CONSTRUIRE UNE ECONOMIE POLITIQUE DE LA DEMARCHANDISATION
      http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=58538

      INTRODUCTION EN DEFENSE DU CARACTERE PRODUCTIF DU TRAVAIL DANS LES SERVICES NON MARCHANDS

      http://www.france.attac.org/spip.php?article7995