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Educateurs, pas Edukafteurs !

Publie le mercredi 16 mars 2005 par Open-Publishing

Il faisait plutôt froid et il pleuvait même un peu lors de la journée de mobilisation du 3 février 2005 à Paris contre le projet de loi sur la prévention la délinquance. Néanmoins, malgré les difficultés (manif intersyndicale le 5 février pour la défense des 35h, pas de déclarations politiques récentes sur ce projet de loi à part le rapport sécuritaire et raciste Bénisti et surtout, des informations démobilisatrices de journalistes et d’organisations professionnelles véhiculant que le projet en préparation ne portera plus atteinte au secret professionnel des travailleurs sociaux), nous étions quand même environ 4000 à manifester à Paris (Parmentier - Bastille - République) à l’appel du Collectif National Unitaire.

Il faut par ailleurs ne pas oublier de citer plusieurs mobilisations locales, notamment dans les régions de Champagne-Ardennes, de Franche-Conté, du Limousin, de Lorraine, du Nord-Pas-de-Calais, de la Haute-Normandie, des Pays-de-Loire (200 personnes à Nantes), de Poitou Charente (600 manifestants à Poitiers) et de Rhônes-Alpes (rassemblement de 400 personnes à Lyon) qui sont venues renforcer la manifestation nationale. A Paris, la manif fut bien animée, revendicative et plutôt festive (beaucoup d’étudiants en travail social), elle était principalement composée des collectifs locaux, notamment Toulouse et des syndicats (SUD,FSU,CGT, CNT).

Voici quelques exemples de slogans scandés ou même chantés : "Nous ne sommes pas des édukafteurs", "police partout, justice nulle part !", "Non Non à la répression ! Oui Oui à la prévention ! ", "Educateurs pas indicateurs ! ", "A bas ! A bas ce gouvernement ! il est sécuritaire ! il est antisocial !", "Il faut lutter, s’organiser, pour défendre nos libertés", "Chirac, Sarkozy, Raffarin, gouvernement CRS", "Toc Toc Monsieur le Maire, je vous apporte ma petite fiche, Toc Toc, Monsieur le maire, cela mérite bien un pourliche !.

Ainsi, malgré le développement d’une propagande politico-médiatique sécuritaire continuée depuis les élections de 2002 et le renforcement des pouvoirs locaux depuis la nouvelle loi de décentralisation du 13 août 2004, un grand nombre de travailleurs sociaux n’acceptent décidément pas d’être "des enfants de Pétain, ni de Chirac, ni de Raffarin". Après la manif, le Collectif National Unitaire s’est réuni à la bourse du travail. Les débats furent également très animés, voire conflictuels mais la motivation et l’envie de se mobiliser reste encore très importante. Le collectif a donc décidé d’interroger les autres groupes locaux ( www.abri.org/antidelation ) avant d’appeler à une autre mobilisation nationale avant le Printemps, période où le gouvernement devrait rendre public son projet de loi sur la délinquance.

Quoi qu’il en soit, au niveau local, des groupes de militants et de professionnels continuent d’agir concrètement contre des pratiques sécuritaires mais ont besoin que leurs actions soient davantage connues. Ainsi, le collectif (surtout composé de travailleurs sociaux) qui s’est organisé à Vitry-Saint-François lance une souscription car il porte plainte avec la LDH et des citoyens contre le Conseil Général (le Président est René Paul Savary) de la Marne et le Maire de cette ville (Michel Biard) qui viennent tous les deux d’être récompensés par le "Big Brother Awards".
Ces représentants des pouvoirs publics ont en effet demandé aux intervenants sociaux de remplir des fiches nominatives informatisées des personnes en difficulté sociale afin d’effectuer un « diagnostic social sécuritaire ». Cependant, cet acte de résistance connaît de grandes difficultés. Dans la pratique, les travailleurs sociaux mobilisés pour refuser d’être des délateurs sont peu nombreux à Vitry-le-François : sur le nombre d’institutions impliquées dans la rédaction de ces fiches (Conseil Général, UDAF, bailleurs sociaux, CAF, CCAS, PJJ, éducation nationale, psychiatrie, mission locale) beaucoup de professionnels sociaux ont peur des réactions de leurs employeurs s’ils refusent de donner des informations, notamment ceux qui travaillent pour le CCAS. D’ailleurs, les assistantes sociales qui se sont révoltées contre cette initiative sécuritaire subissent actuellement des pressions directes de leurs employeurs.
Le collectif de travailleurs sociaux de Vitry-le-François est donc à la recherche d’un soutien collectif et médiatisé pour que leur action ne retombe pas dans l’oubli. En outre, cette initiative sécuritaire (fichage des pauvres, installation de caméras de surveillance, brigade de prévention de la gendarmerie dans les quartiers à la place d’un club de prévention), par ailleurs saluée par Villepin, risque de servir d’exemple à démultiplier pour le ministère de l’intérieur.

Dans ce contexte, il s’agit donc de continuer à soutenir toutes les mobilisations remettant en question les libertés fondamentales et surtout de rester collectivement organisés et solidaires (professionnels, associations, syndicats, chercheurs, journalistes...) pour ne pas subir les représailles des forces politiques réactionnaires ainsi que les dénégations de travailleurs sociaux instrumentalisés. En effet, un courant techniciste, moraliste et sécuritaire prend de l’ampleur dans le champ social : on peut notamment citer l’exemple des intervenants sociaux, souvent non diplômés, qui travaillent dans les Centre éducatifs fermés (CEF) ainsi que ceux qui agissent dans les quartiers périphériques populaires et pensent qu’il est intéressant pour garantir la paix sociale de faire des alliances avec les promoteurs de moral religieux institués (cathos) ou émergents (islamistes).

Ne baissons donc pas la garde face à la sécurisation des esprits !

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