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Émission C dans l’air : France 5 sévèrement mise en garde par le CSA

Publie le mercredi 7 septembre 2005 par Open-Publishing
4 commentaires

rappel : Le 11 février 2005, l’émission "C dans l’air" d’Yves Calvi, diffusée sur France 5, s’intitulait "Délinquance : la route des Roms". Diffusée seulement quelques jours avant le procès en appel de trois mères de famille rroms, accusées de mendicité avec leurs enfants, cette émission était une avalanche d’amalgames, de mensonges et de propos ouvertement racistes.


Décision du CSA en assemblée plénière le 11 juillet 2005

( ou sur le site du CSA )

Le Conseil a mis en garde la chaîne France 5 à la suite de l’émission C dans l’air du 11 février 2005 intitulée "Délinquance : la route des Roms". Plusieurs associations membres de l’Union Rromani Internationale avaient saisi le Conseil à son sujet, estimant que ce programme constituait une incitation à la haine raciale.

Après examen, le Conseil a considéré que cette émission posait en effet plusieurs problèmes. Le premier réside dans l’amalgame, opéré par le titre et l’introduction de l’émission, entre une communauté particulière et une forme de criminalité organisée. Cette présentation du sujet est susceptible, aux yeux du Conseil, de renforcer les préjugés racistes et, en conséquence, d’être contraire à l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée dont le dernier alinéa dispose que "les programmes des services de radio et de télévision ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité".

En outre, le Conseil regrette que l’émission n’ait pas donné lieu à un débat contradictoire qui aurait permis une expression plus équilibrée des opinions sur le sujet.


rappel des faits

Lire la pétition sur le site d’Indy Lille

Lire sur le site d’Acrimed, un article de Caroline Damiens.
Sarkozy, les médias et l’invention de la « mafia roumaine »

et la suite sur le site Les Mots Sont Importants

Introduction :

Vendredi 11 février 2005, sur France 5, l’émission quotidienne C dans l’air titrait ainsi le débat du jour : « Délinquance : la route des roms ». On pouvait y entendre un policier (du syndicat Alliance tendance UMP), un criminologue (Xavier Raufer, ancien militant de l’organisation d’extrême droite Occident), un « spécialiste » de l’immigration (Yves-Marie Laulan connu pour ses positions très à droite) et un juge (président du Tribunal pour Enfants de Bobigny) pérorer à l’unisson avec l’animateur Yves Calvi sur « la criminalité organisée à base clanique ou ethnique » et « les réseaux » tziganes...

On ne relèvera pas ici qu’il n’y avait bien évidemment aucun tzigane présent sur le plateau de l’émission (il aurait pu voler quelque chose !). Ces derniers étaient décrits comme formant une communauté impénétrable, occulte, incompréhensible (« on ne sait pas un millième de ce qui se passe dans ces communautés-là ») avec « leurs lois et leur police » et de toutes façons inintégrable à la société française, et ce, de par les métiers qu’ils occupent, prenant l’exemple de ferrailleur : métier « archaïque (...) dans notre société moderne  », quand ils n’exercent pas la « profession de criminel  ». Seuls les enfants seraient sauvables, et encore, « sur le long terme (...) à condition de les sortir de leur milieu familial ». On pouvait y apprendre que les roms sont des « prédateurs (...) effroyablement dangereux » (« De manière indigène, en France, on n’a pas une criminalité comme ça. »), qu’ils mettent des enfants en « esclavage » (en revanche, aucune mention sur le fait que les roms ont été esclaves pendant près de cinq siècles en Roumanie), que « les routes de la délinquance mènent évidemment en Roumanie » et que « nous (les français) sommes moins racistes que d’autres peuples » ( !). Heureusement, sinon je n’ose imaginer ce que les téléspectateurs de France 5 auraient entendu.

Apparemment, ces derniers n’ont pas trop été choqués par le contenu de l’émission puisque lors des réactions SMS envoyés à C dans l’air, on ne pouvait relever aucun message de protestation. Certains en remettaient même une couche en demandant par SMS aux « spécialistes es criminologie rom  » présents : «  les mendiants roumains sont-ils plus agressifs que les autres ? »

Cette émission, que d’aucuns ont vu comme la goutte faisant déborder le vase (une action en justice pour incitation à la haine raciale va être entamée), n’est qu’une émanation parmi d’autres d’un acharnement médiatique qui va toujours dans le même sens : tzigane/ roumain/ rom = délinquance/ criminalité/ réseau.

Cette émission avait fait l’objet d’une pétition au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel

Messages

  • "pérorer à l’unisson" dites-vous. Non, si vous regardez bien la cassette de l’émission, le juge J.P. Rosensweig nuançait clairement les propos énoncés par les autres interlocuteurs et portait un éclairage différent sur les idées exprimées très étroitement et sommairement par les autres représentants de l’émission. Bernard Kleindienst

    • Bonjour à tous,

      Etant un parmi les représentants associatifs qui ont déposé la plainte au CSA, puis ayant lancé la pétition que nous lui avons adressée et qu’un certain nombre des visiteurs de ce site ont signée, je tiens à remercier tous ceux qui ont soutenu de cette manière notre démarche. Cette décision de mise en garde est une première victoire pour les associations "Rromani Baxt - Destin rrom", "Centre AVER de recherche et d’action sur toutes les formes de racisme", "La Voix des Rroms" et "Ternikano Berno - Cercle de la jeunesse", qui par ailleurs ont déposé une plainte au Procureur de la République pour incitation à la haine raciale.

      Etant donné cette plainte et l’éventualité que le Ministère Public ouvre une enquête, je me limiterai à vous annoncer simplement deux choses qui pourraient éclairer certaines des questions posées :
      1. Contrairement à l’annonce, l’émission "Délinquance : la route des Roms" n’était pas diffusée en direct, mais en différé. Je ne fais aucun commentaire, mais je veux juste vous dire que cela explique peut-être les SMS.
      2. Sans porter de jugement sur les qualités de M. Rosencweig, qui est certes un juge célèbre notamment pour son action en direction de jeunes mineurs roumains isolés, il suffit d’avoir vu l’émission pour se rendre compte que la connaissance qu’il a des Rroms est nulle. A l’appui de ce constat, et pour ceux qui n’ont pas vu l’émission, parmi les mineurs dont il a pu s’occuper il n’y a, à notre connaissance, aucun rrom.

      Enfin, j’aurai préféré l’utilisation du mot "Rrom" plutôt que "tzigane", à moins qu’il s’agisse d’une citation. Je suis moi-même Rrom, mais ce n’est pas la seule raison de ma remarque. Je sais qui sont les Rroms : un peuple d’origine indienne dispersé en Europe mais aussi aux Amériques, avec une langue, elle aussi d’origine indienne, une histoire et une culture qui lui sont propres. en revanche, je ne sais pas définir les "tziganes" autrement que comme "une catégorie sociale marginalisée et victime de racisme, regroupant des personnes d’origines, histoires, langues et cultures différentes". A moins que quelqu’un me donne une définition différente, je refuse donc ce terme.

      Cordialement,

      Saimir MILE -
      Président de "La Voix des Rroms"

    • Monsieur,
      Certes le président Rosencweig, que j’ai déjà rencontré personnellement, était bien plus nuancé et objectif que Messieurs Raufer et Laulan, mais il s’est un peu "pris les pieds dans le tapis" en confondant à plusieurs reprises "Rroms" et "Roumains".Parlant couramment la langue rromani (pusieurs dialectes) j’ai pu m’entretenir avec des centaines de Rroms migrants qui sont traditionnellement victimes de Roumains non-rroms, lesquels sont souvent les organisateurs de bandes rroms comme les célèbres pilleurs de parcmètres, les mendiants du métro, et, parfois, bien pire, de jeunes prostituées. Nous, Rroms, avons toujours fait la différence entre d’une part ce magistrat qui malgré ses quelques dérapages linguistiques tentait de faire comprendre la situation dramatiquement discriminatoire dans laquelle vivent les Rroms et le policier (qui s’exprimait comme un technicien et n’a émis aucun propos raciste), et d’autre part MM. Raufer et Laulan qui exprimaient carrément une incitation à la haine raciale
      Nous demeurons extrêmement blessés par le fait qu’à notre époque la seule phobie qui ne soit pas réprimée soit la "tsiganophobie" alors que celle-ci a fait des centaines de millions de victimes au siècle dernier sans compter les ravages de l’esclavage et du mépris injustifié dans lequel est tenu notre peuple pour des raisons obscures et stupides.

      Jeanne Gamonet, présidente de l’association AVER, observatoire rrom contre toute forme de racisme.

    • je réponds à mon propre message d’hier, dans l’émotion j’ai écrit une grosse bêtise : "centaines de millions" de victimes, je voulais dire "centaines de milliers" (quoique une seule victime est déjà une victime de trop)
      Pardonnez-moi mais quand j’évoque le racisme anti-rrom il m’arrive de disjoncter (pas trop j’espère)
      Jeanne