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Emotion et soulagement devant Palais de justice

Publie le jeudi 4 mars 2004 par Open-Publishing

Par Alain Nicolas

La tension était palpable hier parmi tous ceux qui s’étaient réunis pour soutenir Cesare Battisti à l’occasion de l’examen de la demande de mise en liberté provisoire par la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris. Mobilisation en deux temps. Dès treize heures, un petit groupe s’agglomérait autour des élus du conseil de Paris qui, à la suite de son vou de déclarer l’écrivain " ami de la Ville de Paris ", entendait le " placer sous sa protection ". Le cortège, dans lequel on retrouvait Anne Hidalgo, première adjointe, et les élus communistes Nicole Borvo, Clémentine Autain et Pierre Mansat, franchissait la Seine pour rejoindre peu avant quatorze heures le public qui s’était rassemblé devant le Palais de justice. C’était le moment de rappeler les raisons de cette manifestation.

Anne Hidalgo revenait sur les raisons du vou du conseil de Paris tandis que Nicole Borvo, présidente de groupe communiste au Sénat, en réponse à une question d’un journaliste, effectuait une mise au point en réaction aux déclarations de Dominique Perben sur la " dignité de la justice " qui serait mise en cause par l’initiative des élus. " Ce sont les propos du ministre de la Justice qui constituent une pression. Ils constituent une attaque à l’indépendance des juges, en leur présentant un homme, sur lequel ils doivent statuer, comme un assassin, et comportent sur le dossier des contre-vérités grossières. "

Après négociations avec la police, une délégation d’élus composée de Pierre Mansat, d’Alain Riou et de Jacques Bravo partait avec les avocats de Cesare Battisti pour la salle d’audience. À l’extérieur, les manifestants étaient peu à peu refoulés de l’autre côté de la rue, sérénité des délibérations oblige. Là, on se compte. Une bonne centaine pour commencer, qui doublera par la suite, avant de décroître quand on en saura plus sur la chronologie de l’audience. Pour l’instant, aux sons de Bella Ciao ou de Bandiera Rossa entonnés par une troupe de chanteurs et de mimes qui bravent le froid, on se retrouve souvent en pays de connaissance. Parmi beaucoup d’inconnus, scandalisés par l’attitude du ministre, qui consacraient un peu de leur après-midi à la solidarité, la " famille " du polar porte bien son nom et se retrouve en force : Daniel Pennac, qui trouve " bien peu de chose " son entretien à l’Humanité de la semaine dernière, appelle à un sursaut moral.

Avec lui, Patrick Raynal, le directeur de la Série noire, qui témoigne : " J’aurais pu, au même âge, faire les mêmes choix. Comment imaginer trente ans plus tard un tel acharnement ? Je suis sous le choc de l’attitude de Perben. C’est une honte, mais elle est cohérente avec celle du gouvernement dans tous les domaines, qui se comporte comme s’il était élu avec 82 % des voix sur une politique allant de la droite à l’extrême droite. Mais j’ai du mal à croire au pire, tant les gens sont écourés par ses mensonges sur les "troubles de voisinage", le rejugement des procès par contumace en Italie. " Au fil des rangs, on retrouvait les auteurs de romans policiers Gérard Delteil, Jean-Bernard Pouy, Jean-Hugues Oppel, Sylvie Granotier, Gérard Streiff, Jacques Mondoloni, Fred Vargas..., qui appelaient à l’élargissement du mouvement. " Ce n’est pas qu’un problème d’écrivain, même si la qualité de Battisti a joué dans la mobilisation.

C’est un problème de République, de savoir dans quelles institutions nous allons vivre. " La romancière Noëlle Châtelet déclarait pour sa part : " Je suis là comme citoyenne et écrivain, pour exiger le respect de la parole donnée et des principes de base du droit : autorité de la chose jugée, droit à un procès contradictoire. Je pense que nous sommes un pays civilisé et que la justice saura le dire. " Un vou qui a été, provisoirement au moins, entendu.