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Europe : aux chiottes les constitutions de 15.000 pages

Publie le dimanche 24 avril 2005 par Open-Publishing

de Manut

J’aime les styles ronds et carrés, lapidaires.

Mais voici, me dit-on, que s’avance un texte constitutionnel interminable et très touffu. Je m’en suis procuré un exemplaire. Pour le lire, vous croyez ? Pas si bête. J’ai d’abord compté les pages : 349 ! Il n’est pas besoin d’en savoir plus pour juger qu’il est anti-démocratique.

Naïveté, de ceux croyant qu’il faut éplucher le texte de la Constitution pour s’en faire une idée ! Qu’ils étudient d’abord pourquoi la Constitution française tient en moins de 20 pages, courtes et vite lues, pour être bien comprise : elle ne sort pas de son rôle de Constitution.

La Constitution fixe et décrit les modalités du fonctionnement des institutions représentatives, et ne peut aller au-delà sous peine de se contredire, se voulant démocratique. Au préalable, les grands principes généraux, et de préférence généreux, les Droits de l’Homme, devant guider le pays, mais pas plus.

En aucun cas, les rédacteurs constitutionnels ne sont habilités à légiférer sur les orientations judiciaires, économiques et sociales, la Constitution ayant justement pour but d’assurer aux électeurs et leurs élus la détention de ce droit. Ce faisant, ils contreviendraient à leur mission, comme dans ces farces où l’avocat, complice de la dictature, ne sait quoi inventer pour enfoncer son client.

Ceci étant posé, je risquerai à l’occasion un oeil sur le texte de la Constitution européenne jetée en pâture aux électeurs, pour vérifier quels assauts de hyènes contre nos droits justifient les 349 pages. Deux possibilités :

 Une complexification à outrance des modes d’élection et de représentation, avec un montage par paliers des pouvoirs décisionnaires -les protéger contre le suffrage a toujours été la tentation des féodaux nostalgiques et prêts à nuire ;

 L’introduction du législatif de gouvernance là où il ne devrait pas y en avoir. Les Constitutions reviennent sous les feux de l’actualité, depuis quelques temps, en France, en Europe, au Togo, soit qu’on les retouche, soit qu’on en produise de nouvelles. Mais il faut bien comprendre : la Constitution est plus proche du Droit Divin que la loi. La France étant Une et Indivisible, si en plus vous vouliez, pour justement la diviser, qu’elle devienne Décentralisée, comment feriez-vous ? Sur la Constitution, on revient moins facilement que sur les lois et décrets, c’est l’argument imparable.

Quoi qu’on en dise, l’aménagement du Territoire, et son mode décentralisé, sont des choix politiques qui n’ont pas à relever du droit permanent et intangible. Il faut entendre, quand le Premier ministre, monsieur Jean-Pierre Raffarin, demande aux syndicats de respecter le Parlement, qu’il fait allusion au Parlement actuel. Car le prochain -sans majuscule-, en inversant l’ordre des échéances électorales pour interdire un changement de majorité au Sénat, le gouvernement s’est déjà occupé d’en faire une potiche. Raffarin, coups fourrés, coups d’états, la France d’en bas au-dessous de la ceinture.

Au moins, l’affaire de la décentralisation aura été une semonce, mais qui attend encore d’être bien comprise. On introduit désormais du législatif de gouvernance, l’Accord Multilatéral d’Investissements (AMI) ayant capoté, là où il devrait le moins y en avoir : dans la Constitution, texte premier, texte fondateur. 349 pages !

Et ce battage médiatique ! Vous voulez éplucher le texte, pour fixer votre choix à l’heure de voter ? Naïfs que vous êtes ! Le Traité n’a de constitutionnel que le nom. Toute déclaration de principe, tout alinéa, tout article, visant à inscrire dans son marbre les orientations économiques, environnementales et sociales, n’a d’autre but que de vider concertation, représentation et suffrage de leur substance, et devrait être nul de plein droit.

Dire non, c’est refuser l’entourloupe, toujours la même sous de nouveaux oripeaux : ni la paix, ni l’Europe n’ont besoin pour se construire de ce pavé immonde et immangeable. Seule la Démocratie en a besoin, et seulement pour cesser d’exister.

Si c’est vraiment ce que vous voulez...

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