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Italie : sur l’amnistie, un autre ballet ?

Publie le samedi 9 avril 2005 par Open-Publishing

Seuls la Ligue et Di Pietro rejettent une mesure de clémence. Mais sur le fait que tous les autres seraient d’accord il n’y a pas de quoi mettre sa main au feu

de MANUELA CARTOSIO traduit de l’italien par Karl&rosa

Novembre 2002 : Karol Wojtyla, premier pape en visite au Parlement, sollicite des institutions "un signe de clémence" pour les détenus. Lui vivant, le Parlement ne donna aucune suite à sa demande. Lui mort, certains essayent d’y remédier. Le débat sur l’amnistie et la remise de peine a redémarré. Vus les précédents, il y la crainte, fondée, que ce débat ne se réduise à un ballet. "Honteux", dit Giuliano Pisapia (Parti de la Refondation Communiste), autant favorable à l’amnistie que pessimiste : "On n’en fit rien à l’époque, je doute qu’on arrive à quelque chose de concret maintenant, nous sommes en campagne électorale et elle va durer un an". Le premier coup est celui de Marco Pannella. Sa grève de la soif, commencée il y a quatre jours, a eu hier quelques échos. A la Chambre des députés, le président de la Commission Justice Gaetano Pecorella (Forza Italia) a demandé que soient remises à l’ordre du jour les propositions de loi en matière d’amnistie et de remise de peine.

Au Sénat, deux nouveaux projets de loi ont été présentés : l’un de l’Union, l’autre, "transversal", signé aussi par Andreotti et Cossiga. Hier, on n’a entendu que deux voix contraires. Celle, méprisante, du député de la Ligue Nord Luciano Dussin : "Mais c’est une plaisanterie ? Nous ne voterons jamais pour. S’il veulent se faire du mal, qu’ils sachent ce qui les attend". Et celle, dure, d’Antonio Di Pietro : "On ne peut pas baisser la garde contre la criminalité, ni concéder l’impunité". L’Italie des valeurs, a-t-il ajouté, n’est pas d’accord avec la proposition de loi présentée au Sénat, qui doit donc être comprise comme une initiative faite "à titre personnel".

Pour approuver l’amnistie et la remise de peine il faut la majorité de deux tiers. Le vote contraire de la Ligue (l’Italie des valeurs n’est pas représentée au Parlement) ne suffirait pas à bloquer une mesure de clémence. Tout semblerait joué. Et pourtant ce n’est pas le cas, parce que les résistances, les viscosités, les hésitations occultes sont très fortes. Et elles serpentent aussi dans le centre-gauche.

Le projet de loi des sénateurs de l’Union (centre-gauche, NdT) prévoit l’amnistie pour les crimes comportant des peines jusqu’à quatre ans et une remise de peine de deux ans, qui ne sera pas appliquée cependant aux condamnations pour des crimes graves (terrorisme, criminalité organisée, violence sexuelle et sur des mineurs, trafic de stupéfiants, corruption et concussion, crimes de nature financière). La mesure de clémence est "de plus en plus nécessaire et urgente", dit le premier signataire Alessandro Battisti (Margherita), pour réduire aussi bien la population carcérale - 55.000 détenus pour 40.000 places - que les procès. Une fois amnistiés les crimes mineurs, les procès pour les crimes plus graves auraient lieu plus rapidement.

Les différentes initiatives prévues laissent "bien espérer" Massimo Brutti, responsable Justice des DS, "nous sommes en train de travailler afin que se crée au plus tôt une orientation partagée et définie à l’intérieur de l’Union, en commençant par la portée précise de cette mesure". Ce dont on déduit que dans le centre-gauche l’accord n’a pas encore été trouvé. Quant à la Casa delle libertà (centre-droit, NdT) ses locataires ont d’autres chats à fouetter.

De là, le pessimisme de Giuliano Pisapia qui, pour éviter tout malentendu, fixe à une semaine le temps maximum pour faire de la clarté : ou bien la majorité de deux tiers est là, ou bien on laisse tomber. Par décence politique et par respect des détenus déjà plusieurs fois trompée et déçus. "On ne plaisante pas avec la vie des personnes". Sur la même longueur d’onde le Vert Paolo Cento : "Nous sommes prêts à un engagement sérieux et concret, la seule chose sur laquelle nous ne sommes pas disponibles est de contribuer à un débat abstrait, qui ne mène à rien et trompe les détenus et leurs familles".

Marco Pannella décidera aujourd’hui s’il va continuer sa grève de la faim et de la soif. De Paris, Oreste Scalzone s’"ajoute", chose différente d’"adhérer", à la grève de la faim du leader radical. "Mon interlocuteur - dit l’ex de Potere Operaio - n’est pas la Politique, mais plutôt le mouvement des mouvements". Auquel Scalzone pose deux questions : est-il d’accord pour promouvoir un référendum abrogatif du quorum des deux tiers en matière d’amnistie et de remise de peine ? Est-il d’accord pour promouvoir une loi d’initiative populaire proposant à nouveau le projet de remise de peine de ’97 ?

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