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L’Iran aura la bombe

Publie le lundi 22 août 2005 par Open-Publishing
11 commentaires

Il y a cent ans, alors que l’Iran était soumis, au nord, aux pressions de l’empire russe, et, au sud, à celles de l’empire britannique, les Iraniens importaient leur pétrole du Caucase ; et leurs besoins en énergie étaient surtout assouvis avec le bois ou le charbon de bois ­ - et, dans les villages, avec la bouse de vache.

Depuis, la modernité a pénétré la Perse. La richesse pétrolière, découverte par les Britanniques dans le Khouzistan en 1908, a d’abord été exploitée comme un monopole étranger, pour leurs besoins civils et militaires (l’amirauté britannique est passée du charbon au pétrole en 1912). Dans les années qui suivirent la première guerre mondiale, l’Iran a commencé à utiliser son propre pétrole ­ raffiné sur ses terres mais commercialisé sous la marque d’une compagnie étrangère ­ - et à comprendre l’enjeu formidable qu’il représentait pour son développement.

Les Anglais retardèrent la participation iranienne à ces bénéfices. Non seulement les profits immenses que le Trésor royal britannique en tirait excédaient de beaucoup les royalties qui revenaient aux Iraniens, mais la technologie elle-même leur était interdite : les ingénieurs venaient d’Europe, les techniciens d’Inde. Encore occupé par les troupes soviétiques au nord et britanniques au sud, durant la seconde guerre mondiale, l’Iran s’éveilla au désir de contrôler ses propres richesses : d’abord contre les appétits de Staline, puis contre ceux de l’Anglo-Iranian Oil Company.

Un immense mouvement de revendication nationaliste, orchestré par le premier ministre, Mohammad Mossadegh, aboutit à la nationalisation du pétrole en 1951.

La véritable appropriation de l’énergie n’était cependant pas pour tout de suite : l’embargo total sur le pétrole iranien, levé seulement après le renversement du gouvernement Mossadegh, lors d’un coup d’Etat organisé par la CIA en 1953, laissait encore une place réduite à la Société nationale iranienne des pétroles (NIOC), nouvellement créée.

C’est seulement dans les années 1970 que le chah, encouragé par le boom pétrolier de 1973, allait surenchérir, pour obliger les Occidentaux à considérer le pétrole comme un produit qu’il fallait payer très cher. Fort de cette richesse gagnée facilement, le chah acquit ­ - principalement chez les Américains - ­ un armement de pointe, même des bombardiers que l’armée américaine ne pouvait s’offrir que de manière parcimonieuse. Il conçut des programmes de développement tellement ambitieux qu’ils paralysèrent toute l’infrastructure fragile d’une économie encore peu développée : ports encombrés, villes envahies, production électrique déficiente...

L’Iran se lança alors, avec l’aide de l’Allemagne et de la France, dans un ambitieux programme nucléaire. A l’époque, on ne voyait pas encore le danger d’une révolution islamique, et la société Eurodif avait besoin d’un apport de capital pour son centre du Tricastin. Ce malheureux marché, qui laissa un lourd contentieux entre Paris et Téhéran après la chute du chah, reposait sur des données imparfaitement explicitées : besoin d’argent pour le lobby nucléaire français, stratégie hégémonique de l’Iran impérial.

Car une chose était claire : si les Iraniens avaient besoin d’un supplément d’énergie, il était plus facile, économique et raisonnable d’aménager les infrastructures pour utiliser le gaz et le pétrole, abondants sous leurs pieds - ­ respectivement les deuxième et quatrième réserves mondiales - ­ que d’aménager des centrales nucléaires coûteuses et dangereuses, dont la technologie aurait le temps d’évoluer avant l’épuisement de l’énergie fossile.

Ceux qui ont fermé les yeux en 1977 sur cette évidence sont complices de ce qui, aujourd’hui, est dénoncé dans l’ambition nucléaire de la République islamique. Il est trop tard pour revenir sur des programmes dont s’est emparé un régime en quête de projet pour s’imposer dans son opinion publique et se faire respecter à l’extérieur. Considérablement enrichi par un pétrole à plus de 60 dollars le baril, Téhéran a les moyens de se payer son uranium et de construire sa bombe.

Pas plus qu’hier, en effet, l’acquisition de la technologie nucléaire n’est destinée à produire de l’énergie civile, dont l’Iran n’a pas besoin. Et n’importe quel stratège comprend que, dans un environnement où l’arme nucléaire est brandie par des pays comme l’Inde, le Pakistan ou Israël, il n’est pas question pour lui de renoncer à l’acquérir. Non pour l’utiliser, mais, comme de Gaulle l’avait défini pour la France, comme dissuasion ; et il n’y a pas plus de fou politique à Téhéran qu’à Islamabad ou Jérusalem.

Une nouveauté, cependant, rend la partie de poker menteur risquée. Désormais, plus que jamais, les Américains ont besoin d’un pouvoir stable à Téhéran encourageant le processus de normalisation en Irak. Avec le président Khatami (1997-2005), les choses n’étaient pas faciles : le discours présidentiel était mis en échec par le veto du Guide de la révolution, et on ne comprenait pas si, oui ou non, les Iraniens voulaient ou pouvaient rétablir des relations avec Washington.

Le plan qui consistait à encourager la victoire de Hachemi Rafsandjani à la récente élection présidentielle iranienne devait aboutir à consolider l’alliance de facto entre Washington et Téhéran : c’était dans le programme électoral de l’ancien président. La victoire de Mahmoud Ahmadinejad, en juin, a bouleversé la donne. Les Américains peuvent-ils compter sur cet extrémiste, dont ils ignorent tout ?

Nul ne s’étonne que le nouveau président iranien ait commencé son mandat par la reprise des activités nucléaires. Qu’il ait provoqué les Européens est sans doute un signe. Tout le monde sait que les enjeux économiques sont immenses, et les Européens ont intérêt à consolider leurs avantages avant le retour prochain des Américains sur le marché iranien. On va bientôt compter les points acquis, de part et d’autre.

Mais une chose est sûre : il est illusoire de vouloir arrêter le programme nucléaire de l’Iran. Il est impossible d’ôter aux Iraniens, comme en 1953, la fierté d’accéder au club des puissances dissuasives. Les efforts pour les arrêter ne peuvent que renforcer la popularité de cet enjeu en Iran. Et abandonner les avantages économiques offerts par l’absence de concurrence américaine serait sans doute absurde.

Il serait sans doute plus raisonnable, à long terme, d’ôter aux Iraniens la pensée de jouer sur cette concurrence malsaine entre alliés occidentaux, et de penser l’avenir avec des idées plus claires. L’Iran ne recherche ni un soutien inconditionnel aux Américains, englués dans la guerre irakienne, ni un enrichissement de l’Europe, mais son propre intérêt. Cet intérêt, régionalement, passe par la technologie nucléaire et pourrait concourir à la stabilité politique du Moyen-Orient ­ - à condition qu’on ne cherche pas à traiter les Iraniens, comme par le passé, en partenaires insignifiants et incapables.


Yann Richard est directeur de l’Institut d’études iraniennes à l’université Sorbonne nouvelle (Paris-III), ex-directeur de l’Institut français de recherche à Téhéran.

Messages

  • je trouve scandaleux d accepter que l iran ait la bombe ! arme de destruction massive s il en est ... ce régime est un des plus dangereux pour l humanité . La lâcheté européenne risque de
    propulser ce régime de fanatiques sur le devant de la scène internationale : qu adviednra t il si ces fous vendent des bombes de ce type à des extremistes musulmans ?

    dois je rappeler que l ’iran a pour but avéré de détruire israel ? Je trouve inconscient pour un homme si instruit de prôner l ’iran comme puissance régionale qui stabiliserait l ensemble
    Ce sera malheureusement tout le contraire ... L histoire récente ne décille donc pas les intellectuels d’aujourd’hui ?
    La seule alternative est une condamnation unanime de l iran et eventuellement une attaque militaire en règle contre ces sites ... attendre de l iran qu elle soit une puissance responsable serait comme demander au 3 eme reich de servir d exemple en matiere de droit de l homme
    ...
    votre article est tout simplement niais et ridicule !

    • Niais et ridicule ???

      Vous oubliez simplement que les seuls fous à avoir jamais lancé la bombe sont les USA alors que les "barbares" et autres "fanatiques" de Moscou ou de Pékin ne l’ont jamais fait. On est donc en droit de douter que les US soient en mesure de donner des leçons de morales et de raison à toute la planète...Quant à Israël et ses 200 têtes nucléaires estimées le moins qu’on puisse dire c’est qu’il dispose là d’une arme de DISSUASION massive...Si on ajoute à cela le soutien inconditionnel des USA, on peut également douter de la réalité de la menace iranienne pour l’existence d’Israël.

      Ce qui est ridicule c’est l’ethnocentrisme qui consiste à croire que les occidentaux disposeraient d’une sagesse supérieure à n’importe quelles autres régions de la planète. Avez vous oublié que le 20 ° siècle barbare le fut essentiellement du fait de ces mêmes occidentaux ?

      Valère

    • Il me semble que le débat s’égare ! La question ne doit pas être de savoir si l’Iran a raison de vouloir la bombe et les Etats-Unis de protester, mais plutôt de savoir si le monde peut se permettre de voir la la bombe proliférer ainsi au nom d’une mystérieuse recherche de "stabilité" évoquée fort malencontreusement par Yann Richard. A ce compte là, il n’y aurait de stabilité qu’avec 191 pays dotés de l’arme nucléaire, c’est-à-dire capables de détruire non seulement leurs voisins mais avec eux la planète entière, puisqu’une guerre nucléaire même localisée aurait nécessairement pour conséquence un "hiver nucléaire" provoqué par l’obscurcissement du ciel. Rappelons que les bombes nucléaires d’aujourd’hui sont jusqu’à 1000 fois plus puissantes que celles d’Hiroshima et Nagasaki (oui, vous avez bien lu, 1000 fois !), et que le scénario de l’hiver nucléaire signifierait la fin de l’espèce humaine, qui a besoin du soleil, comme chacun sait...

      Plutôt que de porter des jugements sur l’hypocrisie des uns ou le fanatisme des autres, pourquoi ne pas dire simplement que les régimes ne sont jamais stables, quels qu’ils soient (Hitler a bien succédé à la république), que l’avenir n’est écrit nulle part et que par conséquent on ne saurait doter AUCUN régime du pouvoir de détruire massivement sinon totalement les êtres humains, et que par conséquent la seule option réaliste, comme l’ont affirmé à plusieurs reprises depuis 1968 plus de 180 pays à ce jour, n’est autre que l’abolition complète et organisée collectivement des armements nucléaires ?

      Récemment, le Sénat belge, le Parlement italien, le Parlement européen, les pays de l’Agenda de la Nouvelle Coalition (au nombre desquels on compte des Etats comme le Brésil, le Mexique, l’Afrique du Sud, l’Irlande...) se sont prononcés pour le retrait des bombes soit de leur territoire, soit du monde. En France, des manifestations se sont tenues partout en France (faible écho médiatique national mais large écho régional) pour dénoncer la complicité des grandes puissances et en particulier de la France dans la prolifération nucléaire : notre pays modernise son arsenal nucléaire (missiles M-51, sous-marin lanceurs d’engins nucléaires de nouvelle génération, livraison des bombes aéroportées ASMP-A, adaptation des Rafales, etc.), le développe (programme de recherche sur la possibilité de réaliser des bombes nucléaires à fusion pure, qui permettront leur utilisation banalisée, c’est-à-dire de manière offensive et non plus dissuasive, sur le champ de bataille) et l’exporte (nous continuons d’avoir une coopération nucléaire -lisez : de vendre au plus offrant la technologie nucléaire- avec des pays comme justement l’Iran, et aussi la Libye, qu’on accusera ensuite de proliférer, en simulant l’étonnement). Le tout en violaion complète du Traité de
      Non Prolifération qui nous impose au contraire de désarmer notre arsenal nucléaire.

      Il faut arrêter cela !
      Il faut imposer l’abandon du programme des M-51 (qui doient être livrés d’ici 5 ans à la base nucléaire de l’Ile Longue, à Brest) et la conversion du programme de recherche sur les bombes à fusion pure dit "Laser mégajoule", en construction actuellement au Barp, à côté de Bordeaux.

      Pacifiquement,

      Xavier Renou

      Chargé de la campagne Désarmement nucléaire
      Greenpeace France
      xavier.renou@diala.greenpeace.org

    • Si vous voulez qu’un pays entreprenne tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir l’arme nucléaire, c’est très simple :
      MENACEZ LE ! Et si possible sur ses frontières.
      A l’heure actuelle, qui menace l’Iran ?
      Les Iraniens seraient vraiment stupides et naïfs de renoncer à se doter de l’unique moyen d’empêcher
      les Etats-Unis (Dollaristan) de leur faire subir le même sort que l’Irak.
      Le concept de non-prolifération nucléaire, s’il se veut autre chose qu’une utopie sans lendemain, n’est valable que dans un contexte exempt de menaces. Or, aujourd’hui, personne ne peut prétendre que c’est le cas de l’Iran. A qui la faute ?????
      Tom Yam

    • Il y a déjà des fanatiques Chrétiens protestants qui ont beaucoup d’armes nucléaires et ça ne semble pas te déranger.

    • mais bonhomme... les dirigeants des usa utilisent les méthodes du 3ème reich !!!

    • je trouve pour ma part extremement scandaleux et tres dangereux pour tte l’himanité,qu’une entité raciste soit doté avec l’aide des puissances hypocrites occidentale de centaines d’armes nucleaire.cette entité artificielle et raciste je devine bien que tt le monde la connait:c’est israel !
      alors je considere toutes cette hysterie de la part des juifs et des chretiens pour empecher l’iran non pas d’acquerir l’arme nucleaire,mais simplement la technologie nucleaire,comme l’expression de le profond desire de maintenir les peuples musulmans dans l’ignorance et se garantir la perennité de leur domination sur eux.
      alors de tout mon coeur ,j’espere que l’iran ne pliera pas et poursuivera son projet plus loin que son terme en fabriquant l’arme nucleaire.

    • bien dit.c’est la verite.et c’est pour ca qu’il y aura une 3 eme guerre.Et on ne peut pas le changer c’est dans la nature de l’homme

    • la faute au etat-unis d’avoir ataque l’irak et de metre les pays sur la defensive.Si on ne veus plus de bombe,tout les pays doivent s’en separer sinon il est legitime pour un pay de l’avoir pour sa securite.

  • moi je voix que l’iran a le deroi de posseder les armes de destruction massif pour creer une stabilite ds laregion sinon il y’aura toujours des guerre menees par israel,et l’amerique ces pays qui possedes ces armes ,et qui les interdisent pour les autres pays

  • pourquoi on parle toujours de l’iran et les armes de destruction massif,pourkoi on oublie israel,ce pays qui a des milliers des tetes nucleaire et qui possede ces armes qui sont interdite pour les autres pays,moi je comprend pas ???
    ou bien ce pays et au dessu des lois internationnalle