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L’OBSCURANTISME BEAUF Le tête-à-queue idéologique de Charlie Hebdo

Publie le samedi 4 mars 2006 par Open-Publishing
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L’OBSCURANTISME BEAUF
Le tête-à-queue idéologique de Charlie Hebdo
Le carnet de Périphéries, 4 mars 2006

http://www.peripheries.net/crnt69.h...

« Coupable d’avoir écrit L’Art d’aimer et, pour ce crime,
exilé dans une région de réputation douteuse,
Ovide y reçut une lettre d’un ami romain qui,
après l’avoir couvert de bonnes pensées, le plaignait
d’avoir à vivre parmi des barbares.
« C’est moi le barbare, répondit le poète,
puisque je ne les comprends pas ! » »
Jean Sur, « Un tandem infernal »
Guillemets, rubrique Etrangers

Mercredi 19 novembre 1997, sous le titre « Les perroquets du pouvoir », Philippe Val consacrait la quasi-intégralité de son éditorial de Charlie Hebdo à l’enthousiasme délirant que lui inspirait la parution des Nouveaux chiens de garde de Serge Halimi. Il y évoquait les « BHL, Giesbert, Ockrent, Sinclair », etc., tous « voguant dans la même croisière de milliardaires qui s’amusent », et qui « n’ont aucune envie de voir tarir le fleuve de privilèges qui prend sa source dans leurs connivences ou leurs compromissions ». Il jugeait certains passages « à hurler de rire », en particulier le chapitre « Les amis de Bernard-Henri », qu’il conseillait de « lire à haute voix entre copains ».

Six mois plus tard, mercredi 27 mai 1998, sous le titre « BHL, l’Aimé Jacquet de la pensée » (c’était juste avant la Coupe du monde de football), il volait encore au secours du livre de Halimi, contre lequel toute la presse n’en finissait plus de se déchaîner. Il épinglait le chroniqueur du Point pour avoir, dans son « Bloc-notes », assimilé Bourdieu à Le Pen. Et le futur défenseur du « oui » à la Constitution européenne se désolait : « Penser que le désir d’Europe sociale des uns est de même nature que le refus nationaliste de l’Europe des lepénistes ne grandit pas le penseur... » (En 2005, Philippe Val comparerait l’attitude des partisans du « non » à celle de Fabien Barthez crachant sur l’arbitre.)

Mercredi 1er mars 2006. Continuant d’exploiter le filon providentiel des caricatures danoises, Charlie Hebdo publie à grand fracas un « Manifeste des Douze » (hou, hou ! morte de rire !) intitulé « Ensemble contre le totalitarisme islamique » (sur la prolifération actuelle du mot « ensemble » et sa signification, lire l’analyse d’Eric Hazan dans LQR, La propagande du quotidien, qui vient de paraître chez Raisons d’agir), signé notamment par Philippe Val, Caroline Fourest (auteure de best-sellers sur la menace islamique et membre de la rédaction de Charlie Hebdo), Salman Rushdie, Taslima Nasreen, et... Bernard-Henri Lévy. « L’Aimé Jacquet de la pensée » a droit, comme les autres signataires, à sa notice biographique (moins longue que celle de Caroline Fourest, quand même, hein ! Faut pas déconner !), qui commence ainsi : « Philosophe français, né en Algérie, engagé contre tous les « ismes » du XXe siècle (fascisme, antisémitisme, totalitarisme et terrorisme). » Ce coup des « ismes », le journal nous le refait dans son « manifeste » foireux, qui semble avoir été torché en cinq minutes sur un coin de table en mettant bout à bout tous les mots creux et pompeux dont se gargarisent en boucle, sur les ondes et dans la presse, les « perroquets du pouvoir » : « Après avoir vaincu le fascisme, le nazisme et le stalinisme, le monde fait face à une nouvelle menace globale de type totalitaire : l’islamisme. »

Les opprimés ont une manière tout à fait malséante d’exprimer leur désespoir

Il en manque pas mal, des « ismes », dans cette liste : colonialisme, impérialisme, racisme, libéralisme... Autant de notions qui, à une époque, avaient pourtant droit de cité dans les colonnes de Charlie. Balayer d’un revers de main, ou ne même pas voir, depuis son pavillon cossu de la banlieue parisienne, les conditions de vie et les spoliations subies par les perdants du nouvel ordre mondial ; s’incommoder de ce que les opprimés, décidément, aient une manière tout à fait malséante d’exprimer leur désespoir, et ne plus s’incommoder QUE de cela ; inverser les causes et les conséquences de leur radicalisation (il n’y a pas d’attentats en Israël parce qu’il y a une occupation, mais il y a une occupation parce qu’il y a des attentats), et, au passage, accorder sa bénédiction à la persistance de toutes les injustices qui empoisonnent le monde ; parer l’Occident de toutes les vertus et l’absoudre de tous ses torts ou ses crimes : non, il fut un temps où on n’aurait jamais trouvé dans ce journal une pensée aussi odieuse.

Mais c’était à une époque où Charlie vivait et prospérait en marge du microcosme médiatique, qu’il ne fréquentait pas, et qu’il narguait de sa liberté de ton et de ses finances florissantes - quand il ne lui adressait pas de splendides bras d’honneur. L’équipe, dans sa grande majorité, se satisfaisait parfaitement de cette situation.... Mais pas Philippe Val, à qui la reconnaissance du méprisable ramassis de gauchistes que constituait à ses yeux le lectorat du journal suffisait de moins en moins - avant de finir par carrément l’insupporter. Son besoin de voir sa notoriété se traduire en surface médiatique devait le pousser d’abord à nouer un partenariat avec Libération, en convenant d’un échange d’encarts publicitaires entre les deux journaux. Pour justifier la chose aux yeux d’un lectorat très hostile à la publicité, il se livra à des contorsions rhétoriques dont la mauvaise foi fut impitoyablement disséquée par Arno sur Uzine (« Charlie se fait cobrander », 10 janvier 2001). Philippe Val, qui, par un hasard facétieux, venait justement d’être connecté à Internet, tomba sur l’article, et piqua une crise de rage dont ses collaborateurs se souviennent encore. Le mercredi suivant (17 janvier 2001), les lecteurs de Charlie purent découvrir un édito incendiaire intitulé : « Internet, la Kommandantur libérale », qui fut suivi d’un autre, tout aussi virulent, quinze jours plus tard. On y lisait notamment que, si Internet avait existé en 1942, « les résistants auraient tous été exterminés en six mois, et on pourrait multiplier par trois les victimes des camps de concentration et d’extermination ». Il faut le savoir : contredire Philippe Val est aussi grave qu’envoyer un résistant en camp de concentration. Bien sûr, le « Kim Il-Sung de la rue de Turbigo », comme le surnomme aimablement PLPL, ne faisait nulle part mention de l’article d’Arno (il expliquait avoir choisi de traiter ce sujet cette semaine-là parce qu’on lui demandait souvent pourquoi Charlie n’avait pas de site !), et ne précisait pas que la seule forme de négationnisme à laquelle il avait été personnellement confronté dans ce repaire de nazis virtuel ne remettait en cause que son propre génie.

Flatter les plus bas instincts des masses tout en se prenant pour Jean Moulin

S’étant peu à peu aliéné son lectorat d’origine, et ayant vu ses ventes baisser dangereusement, Charlie Hebdo en est désormais réduit, pour exister, à multiplier les coups de pub aussi lucratifs qu’insignifiants et à développer le « cobranding » tous azimuts. Après d’innombrables tentatives infructueuses pour créer un « buzz » médiatique autour du journal, comme en témoignaient semaine après semaine les titres d’un sensationnalisme maladroit étalés dans l’encart publicitaire de Libération, avec les caricatures danoises, enfin ! ça a pris. Le créneau ultra-vendeur de l’islamophobie, sur lequel surfe déjà sans vergogne l’écrasante majorité des médias, permet de copiner avec les puissants et de flatter les plus bas instincts des masses tout en se prenant pour Jean Moulin : bref, c’est idéal. Sauf que, en s’y précipitant comme sur une aubaine, le journal achève sa lente dérive vers un marécage idéologique dont la fétidité chatouille de plus en plus les narines.

Dans son éditorial de ce fameux numéro publiant les caricatures danoises, Philippe Val écrit doctement que « le racisme s’exprime quand on rejette sur toute une communauté ce que l’on reproche à l’un des membres » (ce qui lui permet de conclure que « quand un dessinateur danois caricature Mahomet et que dans tout le Moyen-Orient, la chasse aux Danois est ouverte, on se retrouve face à un phénomène raciste comparable aux pogroms et aux ratonnades »). Or, « rejeter sur toute une communauté ce que l’on reproche à l’un des membres », c’est exactement ce que fait le dessin danois représentant Mahomet avec un turban en forme de bombe. Par une amère ironie du sort, Charlie Hebdo, ancien journal du combat antiraciste, a donc érigé en symbole de la liberté d’expression une caricature raciste. Dans le Monde diplomatique de ce mois, Alain Gresh cite le journaliste Martin Burcharth : « Nous, Danois, sommes devenus de plus en plus xénophobes. La publication des caricatures a peu de relations avec la volonté de voir émerger un débat sur l’autocensure et la liberté d’expression. Elle ne peut être comprise que dans le climat d’hostilité prégnante à tout ce qui est musulman chez nous. » Il précise aussi que le quotidien conservateur Jyllands-Posten, qui a fait paraître les caricatures de Mahomet, « avait refusé, il y a quelques années, de publier une caricature montrant le Christ, avec les épines de sa couronne transformées en bombes, s’attaquant à des cliniques pratiquant l’interruption volontaire de grossesse ». Et c’est dans ce journal-là que Charlie Hebdo vient de publier la version anglaise de son « manifeste » !

Mais peu importe, car le créneau islamophobe a un autre avantage, qui, dans le cas de nos amis, s’avère particulièrement précieux : il est tellement en phase avec la bien-pensance majoritaire qu’il permet de raconter plein de conneries, ou de recourir au terrorisme intellectuel le plus éhonté, sans jamais être discrédité ou sérieusement contesté. S’il en allait autrement, Val pourrait-il affirmer par exemple à la télévision que, si on fait l’amalgame entre islam et terrorisme, c’est de la faute des terroristes islamistes - un peu comme si on rendait responsables du vieux cliché sur les juifs et l’argent, non pas les antisémites, mais les juifs riches ?! Ou pourrait-il se féliciter, dans son édito, de ce que le dessin avec le turban en forme de bombe ne soit « pas très bon », car cela permet « d’exclure du débat sa valeur esthétique pour le recentrer sur la question de la liberté d’expression » - un sophisme qui, comme toutes ces pirouettes dont il est coutumier et dont il semble retirer une fierté sans bornes, est remarquablement débile ? Sur ce dernier point, d’ailleurs, Caroline Fourest donne une version un peu différente de celle de son patron. Dans la page de publicité gratuite offerte par Libération (9 février 2006) à ce numéro spécial de Charlie, elle commentait : « On ne s’est pas lâché cette semaine. Le dessin qui nous a fait le plus rire n’est pas passé. C’était trop facile, gratuit et sans message derrière. » Parce que, derrière le turban en forme de bombe, il y a un « message » ? Tiens donc ! Et lequel ? (Au passage, cet article de Libération était cosigné par Renaud Dély, qui est, ou en tout cas a été, chroniqueur politique à Charlie Hebdo sous un pseudonyme : le cobranding, ça marche !) Il semblerait qu’on rie beaucoup aux dépens des Arabes - pardon, des « intégristes » - à Charlie Hebdo en ce moment. Ça ne date d’ailleurs pas d’hier : il y a quelques années, quand Nagui était arrivé sur Canal Plus pour présenter Nulle part ailleurs, Cabu l’avait caricaturé en Une de Charlie Hebdo en chameau des publicités Camel. Canal Plus avait alors fait livrer par coursier à la rédaction un montage dans lequel, au-dessus de ce dessin, le titre « Charlie Hebdo » avait été remplacé par « National Hebdo ».

« Esprit des Lumières » ou bombe éclairante ?

Le plus comique, c’est peut-être les tentatives désespérées de l’équipe pour nous faire croire que, malgré tout, elle reste de gauche. Dans son dernier opus, La tentation obscurantiste, consacré à l’épuration de la gauche telle qu’elle la rêve (168 pages avec que des listes de noms, un livre garanti sans l’ombre du début d’une idée dedans !), Caroline Fourest se désole parce que, dans un article, j’ai osé douter de sa légitimité à prétendre incarner la « vraie » gauche (par opposition à celle qui refuse de partager ses fantasmes d’invasion islamique). Outre le fait que la pensée qu’on a décrite plus haut, et que propage désormais Charlie, est une pensée d’acquiescement passionné à l’ordre du monde, ce qui n’est pas très « de gauche », nos vaillants éradicateurs devraient examiner d’un peu plus près le pedigree de leurs nouveaux amis. Caroline Fourest et Fiammetta Venner - elle aussi « journaliste » à Charlie - sont adulées par le Point et L’Express (lequel publie lui aussi le « manifeste »), deux titres, comme chacun sait, furieusement progressistes. Elles sont copines avec Ayaan Hirsi Ali, députée néerlandaises, amie de Théo Van Gogh intronisée en politique par le très libéral Frits Bolkestein, qui « fut le premier [aux Pays-Bas] à déclarer incompatibles, au début des années 1990, les valeurs des immigrés musulmans et celles de son pays » (lire l’article d’Alain Gresh, « Bernard Lewis et le gène de l’islam », le Monde diplomatique, août 2005) ; Ayaan Hirsi Ali a elle aussi signé le « manifeste ».

Fiammetta Venner ne voit aucun problème à donner une interview à un site répondant au doux nom de « Primo-Europe », créé par des « citoyens qui considèrent que l’information sur le Moyen Orient est, en Europe en général et en France en particulier, diffusée en fonction de préjugés manichéens où le commentaire l’emporte sur le fait », et sur lequel elle figure aux côtés d’un Alexandre Del Valle, par exemple. Mieux : comme l’a relevé PLPL, Venner et Fourest écrivent désormais aussi dans le Wall Street Journal, « organe de Bush, des néoconservateurs américains, de la droite religieuse et de Wall Street » ; elles s’y alarment de l’« incapacité des immigrants arabes à s’intégrer » et de la « menace pour les démocraties occidentales » de les voir rejoindre des « cellules terroristes islamistes » (Fourest, Wall Street Journal, 2 février 2005). La tribune dont sont extraites ces lignes s’intitule « War on Eurabia », « Eurabia » étant l’un des termes de prédilection d’Oriana Fallaci (dont le livre avait d’ailleurs été encensé dans les colonnes de Charlie par Robert Misrahi). Quant à Philippe Val, la même page de PLPL nous apprend qu’en août 2005, un hommage lui a été rendu dans un discours par un dirigeant du MNR de Bruno Mégret : « Les musulmans sentent bien la force de leur nombre, ont un sentiment très fort de leur appartenance à une même communauté et entendent nous imposer leurs valeurs. En ce moment, des signes montrent que nous ne sommes pas seuls à prendre conscience de ce problème. (...) J’ai eu la surprise de retrouver cette idée chez un éditorialiste qui est à l’opposé de ce que nous représentons, Philippe Val, de Charlie Hebdo, dans un numéro d’octobre 2004. » Commentaire perfide du mensuel : « Il y a dix ans, Philippe n’avait qu’une idée : interdire le Front national, dont Mégret était alors le numéro 2. Désormais, Val inspire certains des chefs du MNR. »

Enfin, cette semaine, dans Libération (2 mars 2006), Daniel Leconte vient d’offrir à ses amis une tribune d’une page intitulée « Merci Charlie Hebdo ! ». Le présentateur-producteur d’Arte (lire « Quand Arte dérape », le Courrier, 10 mai 2004) y rend hommage à ses confrères qui ont « refusé de céder à la peur », et se répand au passage en lamentations sur l’injustice dont la France a fait preuve à l’égard des Etats-Unis après le 11-Septembre, et sur les errements dont elle s’est rendue coupable lors de la guerre d’Irak, en les isolant devant le Conseil de sécurité de l’ONU et en « laissant entendre que, de victime, ils étaient devenus les fauteurs de troubles ». On se demande effectivement où on a bien pu aller chercher une idée pareille. Il conclut en réclamant sans rire le prix Albert-Londres pour Charlie Hebdo, estimant que le journal a défendu un « esprit des Lumières » qu’il confond visiblement avec la lueur des bombes éclairantes de l’armée américaine. Cadeau un brin empoisonné que cette tribune. On commence par prétendre ne faire que critiquer la religion musulmane, opium de ces pouilleux d’Arabes, en se prévalant de son passé de bouffeurs de curés, et on finit intronisé journal néoconservateur par des faucons à oreillette ! Mince, alors ! Quelque chose a dû merder en chemin, mais quoi ? Les voies de l’anticléricalisme sont parfois impénétrables.

Tu la sens, ma défense de la démocratie ?

Leconte se félicite de ce que Charlie ait témoigné de ce que « la France n’est pas seulement cet assemblage de volontés molles ». Déjà, la déclaration de Philippe Val selon laquelle la rédaction de Charlie, dans son choix des caricatures qu’elle allait publier, avait « écarté tout ce qui était mou de la bite », avait mis la puce à l’oreille du blogueur Bernard Lallement : « Toute la tragédie est là. Faire, comme du Viagra, de l’islamophobie un remède à son impuissance, expose aux mêmes effets secondaires indésirables : les troubles de la vue ; sauf, bien sûr, pour le tiroir caisse. » La volonté agressive d’en découdre, de « ne pas se dégonfler », suinte de partout dans cette affaire. Val affirme que ne pas publier les dessins serait aller à « Munich » - comme le faisait déjà Alain Finkielkraut, dont il partage la paranoïa identitaire, lors des premières affaires de voile à l’école. On n’est pas dans la défense des grands principes, mais dans cette logique d’escalade haineuse et guerrière, « œil pour œil dent pour dent », qui constitue le préalable indispensable de tous les passages à l’acte, et les légitime par avance. Tout le monde, d’ailleurs, fait spontanément le rapprochement entre les dessins danois et certains feuilletons antisémites diffusés par des chaînes arabes, admettant ainsi implicitement qu’ils sont de même nature. Le journal allemand Die Welt a par exemple publié les caricatures en les assortissant de ce commentaire : « Nous attacherions plus d’importance aux critiques musulmanes si elles n’étaient pas aussi hypocrites. Les imams n’ont rien dit quand la télévision syrienne, à une heure de grande écoute, a présenté des rabbins comme étant des cannibales buveurs de sang. »

Une telle attitude dénote en tout cas une mentalité à des années-lumière de la sagesse philosophique dont voudrait par ailleurs se parer le Bourgeois gentilhomme du marigot médiatique parisien. Répéter toutes les deux phrases, d’un air sinistre et pénétré, le mot magique de « démocratie », suffit peut-être à Philippe Val pour se faire adouber par ses compères éditorialistes, mais, pour prétendre au statut de penseur, il faudrait peut-être commencer par envisager le monde d’une manière un peu moins... caricaturale. En témoigne le tableau grotesque qu’il nous brosse du Danemark, merveilleuse démocratie peuplée de grands blonds aux yeux bleus qui achètent un tas de livres, ont une super protection sociale et ont refusé de livrer leurs ressortissants juifs aux nazis, tandis que le monde musulman se réduirait à un grouillement de masses incultes et fanatiques qui n’ont même pas la carte Vitale. Peu importe si par ailleurs la presse regorge d’articles sur la prospérité du racisme et l’actuelle montée de l’extrême droite au Danemark (bah, si on a sauvé des juifs pendant la guerre, on a bien le droit de ratonner un peu et de profaner quelques tombes musulmanes soixante plus tard, tout ça n’est pas bien méchant !). Et si on nous rappelle ici et là que le Danemark est un pays où l’Eglise n’est pas séparée de l’Etat : « Il existe une religion d’Etat, le protestantisme luthérien, les prêtres sont des fonctionnaires, les cours de christianisme sont obligatoires à l’école, etc. » (Alain Gresh dans le Diplo de ce mois.)

Mais notre va-t-en guerre des civilisations ne s’encombre pas de tels détails. Lors de l’éclatement de la seconde Intifada, déjà, il avait décrété que Charlie devait défendre la politique israélienne, parce qu’Israël était une démocratie et parce que tous les philosophes importants de l’Histoire étaient juifs, tandis que son équipe effarée - il faut dire que sa composition était alors assez différente - tentait d’évaluer en un rapide calcul le nombre d’erreurs grossières, de raccourcis vertigineux et de simplifications imbéciles qu’il était ainsi capable d’opérer dans la même phrase. Pour ma part, abasourdie de devoir en arriver là, je m’étais évertuée à le persuader qu’il existait aussi des « lettrés » dans le monde arabe ; je m’étais heurtée à un mur de scepticisme réprobateur. Prôner la supériorité de sa propre civilisation, et faire preuve, par là même, d’une vulgarité et d’une inculture assez peu dignes de l’image qu’on veut en donner : c’est le paradoxe qu’on avait déjà relevé chez Oriana Fallaci, qui écrivait dans La rage et l’orgueil : « Derrière notre civilisation il y a Homère, il y a Socrate, il y a Platon, il y a Aristote, il y a Phidias. (...) Alors que derrière l’autre culture, la culture des barbus avec la tunique et le turban, qu’est-ce qu’on trouve ?... » Eh bien, je ne sais pas, moi... Ça, par exemple... ? (http://www.imarabe.org/temp/expo/sciences-arabes.html)

Comme on le disait à l’époque, en voilà, un argument hautement « civilisé » : « Dans ma culture il y a plein de génies alors que chez toi il n’y a que des idiots, nana-nè-reu ! » Les civilisations n’ont rien à s’envier les unes aux autres, ni du point de vue des connaissances, ni de celui des valeurs. « Tenter de vendre les droits de l’homme comme une contribution de l’Occident au reste du monde, écrivait le prix Nobel d’économie Amartya Sen, n’est pas seulement historiquement superficiel et culturellement chauvin, c’est également contre-productif. Cela produit une aliénation artificielle, qui n’est pas justifiée et n’incite pas à une meilleure compréhension entre les uns et les autres. Les idées fondamentales qui sous-tendent les droits de l’homme sont apparues sous une forme ou une autre dans différentes cultures. Elles constituent des matériaux solides et positifs pour étayer l’histoire et la tradition de toute grande civilisation. » Non seulement le discours des Val et des Fallaci témoigne d’une méconnaissance crasse des autres cultures, mais il néglige aussi le fait que, comme n’a eu de cesse de le rappeler un Edward Saïd, aucune civilisation n’a connu un développement étanche, et toutes se sont constituées par des apports mutuels incessants, rendant absolument vain ce genre de concours aux points.

Défendre la démocratie, ne serait-ce pas plutôt refuser la logique du bouc émissaire, si utile aux démagogues qui veulent la subvertir à leur profit ?

Par les temps qui courent, raisonner à partir de telles approximations, en se contentant de manier des clichés sans jamais interroger leur adéquation au réel, peut s’avérer rien moins que meurtrier. Il est stupéfiant que, dans un « débat » comme celui suscité par les caricatures danoises, tout le monde pérore en faisant complètement abstraction du contexte dans lequel il se déroule : un contexte dans lequel un certain nombre d’instances de par le monde tentent de dresser les populations les unes contre les autres en les persuadant que « ceux d’en face » veulent les anéantir. En Occident, ces instances sont celles qui tentent de faire du musulman le bouc émissaire de tous les maux de la société, la nouvelle menace permettant d’opérer une utile diversion. Dès lors, de deux choses l’une : soit on adhère à cette vision, et alors on assume sa participation active à cette construction, avec les responsabilités que cela implique ; soit on la récuse, et on estime que la nécessité de l’enrayer - ou d’essayer de l’enrayer - commande d’observer la plus grande prudence. Laquelle prudence ne signifie pas qu’on est « mou de la bite », mais plutôt qu’on a peu de goût pour les stigmatisations déshumanisantes, sachant à quoi elles peuvent mener. Le courage ne commanderait-il pas plutôt de résister aux préjugés majoritaires, et la véritable défense de la démocratie, de refuser cette logique du bouc émissaire si utile aux démagogues qui veulent la subvertir à leur profit ? Ce qui est sûr, c’est qu’en aucun cas on ne peut se dédouaner en écrivant, comme le fait Philippe Val, que « si la Troisième Guerre mondiale devait éclater, elle éclaterait de toute façon », et que « l’amalgame entre racisme et critique de la religion est à peu près aussi cohérent que l’était, à l’époque de Franco, l’amalgame entre critique du fascisme et racisme anti-ibérique » : voilà vraiment ce qui s’appelle jouer au con.

En décembre dernier, toujours pour essayer de faire parler du journal, les caricaturistes de Charlie Hebdo avaient postulé par dérision à la succession de Jacques Faizant. Qu’ils se rassurent, ils ont toutes leurs chances : en matière d’ethnocentrisme rance, ils n’ont déjà plus rien à envier au défunt dessinateur du Figaro. Ils ont seulement un peu modernisé le trait...

Mona Chollet

Messages

  • A propo d’obscurantisme ....

    Les différentes composantes du Conseil Français du Culte Musulman ont initié
    une pétition contre « l’islamophobie »
    Supposées concurrentes, les principales composantes du CFCM (UOIF (Union des
    Organisations Islamiques de France), GMP (Institut Musulman de la Grande
    Mosquée de Paris), FNMF (Fédération Nationale des Musulmans de France),
    CCMTF (Comité de Coordination des Musulmans turcs de France)) ont initié, à
    la suite de l’affaire des caricatures du prophète des musulmans Mahomet, une
    pétition "afin que soient prises les dispositions législatives nécessaires,
    empêchant l’islamophobie, l’insulte et la diffamation sur Dieu et ses
    prophètes".

    Raccourci vers : http://www.communautarisme.net/Les-...

  • Il n’empèche, il n’empèche qu’ils ont eu les couilles de publier ce manifeste. Je préfère un tête à queue idéologique à la décapitation promise par certains manifestants londoniens au nom de leur prophète...
    Si l’ethnocentrisme rance consiste à être du coté des Lumières face à l’obscurantisme meurtrier de quelques barbus antisémites, machistes, homophobes, pour la peine de mort, la lapidation, je suis avec Philippe Val.
    Il est bien dommage d’intenter de pauvre proçés à Val lorsque tous les laïcs devraient faire front face à cette nouvelle menace pour la liberté d’expression.

    Allez donc demandez à vos "pauvres" intégristes islamistes victimes de l’occident de ce qu’ils pensent :

     de la musique rock
     de la liberté des femmes
     du droit des homosexuels
     de la liberté d’opinion
     de l’égalité des sexes
     des arabes qui se veulent simplement athés par delà une religion qui les opressent...

    Les obscurantistes beaufs ne sont pas ce que vous désignez hélas. Les premières victimes de l’islamisme sont ceux qui vivent sous son joug où la charia est appliquée (allez donc y faire un tour, ou lisez donc certains témoignages de jeunes femmes...).

    Alors encore une fois merci Charlie et non à la censure !

    • Courage ça s’écrit avec un $ ou un € (400 000 exemplaires vendus) ! Au fait je savais pas que la censure menaçait ce journal. Sarko a voulu le saisir ? les médias d’Etat et privés ne lui ont pas fait de pub ? Allez le Jyland et l’ Charlie nous publieront bien les caricatures du Christ que le torchon danois a refusé de publier il y a 2 ans. Et avec le prochain Charlie il y aura sans doute un dvd du sketch de Dieudonné sur le rabbin extremiste ainsi qu’une reproduction de l’article de Morin qui lui a valu sanction de la part des tribunaux et silence de la part des larves qui se prennent aujourdhui pour Voltaire. Courageux mais pas téméraires les clown d’Etat à la Val.

    • C’est vrai. On ne rend pas assez hommage à la mission civilisatrice de Bush, de son copain Sharon de ses alliés les démocrates de l’Arabie Saoudite et des émirats du Golfe et autres. Bush dont on connaît les options religieuses entièrement vouées à l’altruisme, la liberté, l’émancipation des peuples, Bush veut établir la démocratie dans le monde. Il a raison. C’est vrai, il tue pour celà. Mais comment faire autrement avec des gens qui ne comprennent pas les hautes valeurs de l’amérique où le racisme n’a jamais eu cours, où les sectes ne pullulent pas, où la pauvreté est absente, où tout le monde bénéficie de la sécurité sociale, où les élections sont totalement transparentes et j’en oublie et des meilleures. Il veut défendre les femmes contre le patriarcat imbécile (bon c’est vrai qu’il y a fortement à redire de ce point de vue). Qui peut le nier ? Bon c’est vrai il tue aussi des femmes et des enfants en Irak en Afganistan, mais c’est pour leur bien. Il fait crever de faim des millions de familles dans ces pauvres pays soumis au Coran. Heureusement la clarté civilisatrice progresse dans ces pays grace au troupes de Bush, Blair, Berlusconi, surtout aux alentours des champs pétrolifères. Bush prend possession par la force des richesse des autres. Sharon détruit la Palestine, annexe les terres palestibienne, vole l’eau palestinienne, mais c’est pour le bien de la civilisation et pour inculquer aux populations ignares ce que c’est que sont les vraies valeurs du Monde Libre ( où l’exploitation est bannie, où la chômage est absent, où la simple tentation coloniale n’a jamais existée, où les femmes ont les mêmes droits et les mêmes payes que les hommes, où les homosexuels n’ont jamais subis de discriminations, où on n’expulse pas de pauvres fammiles immigrées). Mais c’est pour leur bien. Ces cons d’arabes obscurantistes ne savent pas que la démocratie c’est comme la marchandise, ça a un prix. On rétorquera que Les Moubarak, Ben Ali , les émirs et rois arabes qui oppriment leurs peuples sont des amis de Bush et consorts. Mais tout ça c’est de la calomnie. Ces gens-là sont des démocrates et de braves gens puisqu’ils sont des alliées des missionaires de la civilisation. C’est quand même pas difficile à comprendre. Quand l’amérique armait Saddam Hussein contre l’Iran, Saddam n’avait rein d’un dictateur, c’était peut-être même une sorte de démocrate. Il est devenu un dictateur quand les américains ont décidé qu’il l’était devenu. Et ils savent ce qu’est un dictateur les Usa, ils ont en mis tellement au pouvoir.

      C’est comme Chavez. Il alphabétise, il soigne ses populations, il donne des terres aux paysans pauvres, il organise des élections parfaitement démocratiques, mais il les gagne. Il a pas le droit. C’est un dictateur. Un vrai démocrates est d’abord un ami de l’Amarique et tout le reste n’est que foutaise.

      GL

    • salut je suis 1 française musulmane (athée) les carricatures du prophete ont etait publiées et utliser pour provoquer les arabes comme tu nous appelles romain et pas seulement les fachos integristes face a eux nous n avons pas besoins de toi pour nous defendre vas rejoindre plutot le troupeau pour nous fustigers abrutit tu melange tout et tu ne propose rien tu parle pour rien dire tu fait du vent comme dans ta miserable existence ( fatima)

  • Ancien lecteur, ayant été formé par charlie lors de l’époque mona cholet, du temps où ce canard osait s’attaquer aux puissants, aux affairistes... journalistes de pacotille et autres. Comment ne pas être troublé par le fait que certains journaleux de charlie collaborent avec la presse pro-bush ??? Que le Point, le nouvel obs, BHL encensent charlie ???? que charlie surfe sur le racisme anti-arabe du moment ???? comment éluder le contexte xénophobe du Danemark-pays de parution des fameuses caricatures- ??? Comment mettre en parenthèse l’attitude despotique de Val ?????

    Pour ton article Merci Mona Cholet.

  • Il y a des expressions de l’Islam qui sont politiques et dont certaines s’expriment avec violence (d’autres pas que l’on songe seulement au parti islamiste actuellement au pouvoir en Turquie) et il y a aussi la masse des musulmans, croyants et pratiquants ou pas.
    Val est sans doute caricatural, mais je pense qu’il a raison de dénoncer le totalitarisme dont certains mouvements islamistes politiques sont porteurs et je pense surtout que l’on peut dénoncer ceux-ci, sans jeter l’opprobre sur ceux-là. Vous citez la députée néerlandaise co-signataire de l’appel de Val comme preuve de leur quoi au juste ? beauferie ? Racisme ? Mais elle vit sous escorte policière et sa vie est menacée, Théo Van Gogh a été assassiné. Sont-ce là des manières politiques acceptables ? Et Salman Rushdie et Taslima Nasreen, ce sont des écrivains, néocons pour que vous jugiez leur avis uniquement réactionnaire et sans intérêt ? C’est incroyable, ces gens sont victimes d’un obscurantisme terrible, car que je sache, ceux que je viens de citer n’ont pas grand chose à voir avec l’impérialisme américain que vous dénoncez et qui à vos yeux, transforment les activités violentes de ces groupes politiques qui se réclament de l’Islam en effets, dont l’impérialisme US serait la cause hautement pathogène.
    La question est plutôt de savoir pourquoi la violence de quelques uns, les groupes terrorristes qui se réclament de l’islam devrait-elle être la violence de tous, c’est-à-dire de la masse des musulmans, bons pères de famille ou mères de famille sans histoire. Vous me direz, la caricature danoise faisait cet amalgame, c’est vrai et c’est pas bien je suis d’accord, mais êtes-vous sûre de ne pas faire vous même cet amalgame dans votre défense maladroite des musulmans, assimilés peut-être bien à leur corps défendant à des groupes politiques dont ils feraient volontiers l’économie. J’ai une amie algérienne dont je peux vous garantir que la tendresse ne va pas à ces groupes quand bien même elle a été blessée par les caricatures danoises. Elle sait la valeur de la liberté d’expression, distribuée chez elle avec pas mal de parcimonie. Alors au nom de cette jeune fille, faisant, bien que non mariée, des études seules à Paris, gagnant courageusement sa vie et son indépendance, ne faites pas cet amalgame. Car à la fréquenter, il m’est venu à l’esprit que c’était plus un droit à l’indifférence auquel elle aspirait (et qu’elle trouve malgré tout davantage à Paris qu’à Alger) qu’un droit à la différence qui lui colerait un voile sur la tronche.

  • Lire encore, toujours à propos de Charlie

    L’opinion du Patron, par Olivier Cyran

    (contient quelques liens que j’ai mis en commentaire)

    Patrice Bardet

  • La démocratie a son cadre, ses objectifs, ses limites. Sortir des limites morales comme le blasphème des religion est dangereux. Attention à la manipulation qui déservirait les conséquences recherchées. Au-delà du symbole de la bombe en relief du turban c’est la bombe contre les chrétiens en général que le boumrang pourrait renvoyer eu égard à quelques esprits dérangés qui servent de relais à la bétise humaine.
    jmk

    • "sortir des limites morales comme le blasphéme des religions est dangereux"
      Marre d’être diriger par des curés des immans et des rabbins !Devons nous rappeller l’article premier sur la laïcité:la république garantit la liberté de conscience.Ce qui veut dire dire que chacun à le droit de penser ce qu’il veut.Donc d’être aussi apostat et blaphémateur.
      Alors je le dit:dieu n’éxiste pas et je n’ai rien à foutre de mahommet et du christ ,des ancêtres,si jamais ils ont existés,et les religions je ne leur doit rien sinon la prolongation de l’exploitation de l’homme par l’homme.
      Revoila les religions,soutenant un ordre moral,qui tentent à nouveau d’imposer leur vues,leur critéres moraux et mettre une chappe de plomb sur la pensée.
      Jean Claude des Landes.

    • Cest bien ce que je craignait ; la bétise humaine se donne tous les droits, même ceux de provoquer l’âme des humains que la bête ne possède bien sûr pas. Cela sans préjudice des conséquences néfastes qui guettent la fragile civilisation des peuples.
      JMK

  • Un des chefs des obscurantistes : Zaouahri prône de nouvelles attaques contre l’Occident ...
    D’ici qu’on dise que c’est la faute a Charlie ...

    05 mars 2006 (Reuters - 10:15)

    par Firouz Sedarat
    DOUBAI - Le numéro deux d’Al Qaïda, Ayman al Zaouahri, a exhorté les musulmans à lancer contre l’Occident des attaques semblables à celles qui ont visé ces dernières années New York, Washington, Madrid et Londres, selon un enregistrement audio diffusé samedi sur un site internet.
    Dans un enregistrement vidéo de ces propos diffusé par la chaîne Al Djazira, Zaouahri demande par ailleurs au Hamas de ne pas reconnaître les accords de paix signés par l’Autorité palestinienne avec Israël.
    Il a aussi invité les musulmans à boycotter le Danemark, la Norvège, la France et l’Allemagne auxquels il reproche la publication de caricatures jugées offensantes envers le prophète Mahomet.
    L’enregistrement n’a pu être authentifié mais il a été diffusé sur un site utilisé habituellement par des groupes islamistes.
    "(Les musulmans doivent) infliger des pertes à l’Occident croisé et notamment à ses infrastructures économiques auxquelles il faut porter des attaques dont il subira les conséquences pendant des années", a dit Zaouahri.
    "Les attentats contre New York, Washington, Madrid et Londres en sont les meilleurs exemples".
    "BOYCOTT ECONOMIQUE"
    "Nous devons empêcher l’Occident croisé de voler le pétrole des musulmans".
    "Atteindre le pouvoir n’est pas une fin en soi et aucun Palestinien n’a le droit d’abandonner un grain de terre", a déclaré Zaouahri en faisant référence au Hamas. "Les laïcs de l’Autorité palestinienne ont vendu la Palestine pour des miettes. Leur donner raison serait contraire à l’Islam".
    Le bras droit présumé d’Oussama ben Laden lance par ailleurs un appel aux dons pour financer les mouvements islamistes armés.
    Au-delà des seuls attentats, Zaouahri prône également un boycott contre certains pays.
    "Il est de notre devoir de participer à un grand boycott économique contre le Danemark, la Norvège, la France, l’Allemagne et tous les pays qui ont participé à cette attaque de croisés contre l’Islam", a-t-il lancé, en références aux caricatures du prophète Mahomet qui ont enflammé le monde musulman.
    "Un exemple de la haine des croisés dirigés par l’Amérique (...) réside dans les offenses répétées contre la personnalité du prophète Mahomet, que la paix soit sur lui", a-t-il ajouté.
    La diffusion de cette cassette a coïncidé avec la fin de la visite de George Bush au Pakistan, où l’on pense que Zaouahri et Ben Laden se cachent.
    http://www.liberation.fr/page.php?Article=364536

  • l’islamisme étant le nazisme du XXIème siècle, je tire mon chapeau à Charlie Hebdo d’avoir "les couilles" de faire la critique d’une religion quand elle mène aux dérives que l’on connait et quand tout le monde se chie dessus de le faire, y compris ses croyants les plus pacifiques qui n’osent pas la réformer. le catholicisme a perdu du pouvoir parce qu’il a été critiqué et qu’il a fait son auto-critique. C’est comme ça que ça se passe.

    • T’as pas l’air de savoir ce qu’est le nazisme. Quant aux talibans et à leurs copains, ce sont des amis de Bush, des créations de l’amérique qui les a financé, qui, les a aidé. L’extrémisme religieux pousse sur la fumier de la domination occidentale. Bon j’arrête là toute explication rationelle car tu me sembles plutôt préférer l’éructation et l’analyse sommaire.

      GL

    • Quand on donne dans l’anti-américanisme primaire et l’autoflagellation, on ne se vante pas d’être capable de recul ou d’analyse poussée. Bush n’a pas écrit le Coran, Bush n’a pas guidé la vie de Mahomet sur laquelle les talibans prennent exemple. C’est tellement simple de se dégoter une cible facile pour éviter d’analyser l’extremisme religieux et certains échecs. C’est la faute des autres, c’est tellement simple comme ça. Pas de libre arbitre, pas de conscience, c’est toujours l’autre le responsable de tout le mal que l’on fait... Comme c’est objectif.

    • Mais de quel "anti-américanisme primaire" parlez vous ????

      Quand il s’agit de critiquer la politique étrangère israëlienne on se voit traité d’ "antisémite", de partisan de la cause palestinienne, de justifier le terrorisme et la barbarie.

      Quand il s’agit de critiquer l’administration Bush on se voit renvoyer en pleine face un "anti-américanisme primaire".

      Quand il s’agit de vouloir comprendre et analyser une situation aussi complexe que celle qui touche à l’islamisme (voir dans le cas précis à la mise en place du régime Taliban) sans tomber dans la caricature justement , il s’agit alors de trouver des excuses à ses bêtes assoifées de sang, ces baiseurs de chèvres, ces barbares guidés par leur Coran, tissus d’écrits arriérés. Et voilà que Michel Onfray s’y met ... c’est le bouquet. J’aimerais tant lui poser la question à ce grand connaisseur de la culture arabe et imminent specialiste de l’islam : "mais l’as tu au moins lu le Coran espèce de gros prétentieux médiatico stérile pour oser avancer de telles infâmies digne d’un telespacteteur assidu de la Fox ?".

      Il ne faut pas confondre la religion et la bêtise. Il ne faut pas confondre le Coran et l’interprétation qu’en font certains cinglés à des fins politiquo-megalos.

      Je n’arrive pas à croire que nous en soyons arrivé là, tant de haine, tant d’ignorance, tant de peurs, de bêtise et de certitudes coulées dans l’acier et répétés en boucles tous médias confondus, du papier à la petite lucarne, en passant par les commentaires du patron de café. On tombe dans le piège facile de la haine et de la provocation, nous baignons en plein cercle vicieux et la connerie est reine.

      On nage en plein manichéisme, c’est une évidence, mais ça n’a l’air de ne choquer personne. D’un côté les gentilles démocraties marchés, raisonables, ouvertes, tolérantes, de l’autre les pays non alignés l’axe du mal, la plupart arabes (d’autres d’amérique du sud également), totalitaires ou arriérés. Le "Choc des Civilisations" est à la mode, la situation actuelle et notamment l’afffaire des caricatures ne fait que lui donner du poids.... mais à qui profite le crime ? comment en est on arrivé au point que tout le monde s’en accomode comme une évidence ? nous baignons dans les évidences , telle l’évidence suprême que seul le Marché nous menera vers le bonheur en se laissant bercer par la déesse de l’autorégulation.

      On va me dire que je mélange tout, mais je n’en suis pas si sur. Cela relève des mêmes symptômes : la bêtise, la paresse intellectuelle, le renoncement à l’esprit critique, l’adhesion à la pensée unique (à ce sujet, je vous conseille fortement le livre de Gilles Châtelet "vivre et penser comme des porcs"). Nous tombons dans les âbimes de la médiocrité.

      Mais quelle régression phénoménale sommes nous en train de vivre c’est inouïe !

      Ainsi donc, je vous en prie, développez svp.

      Je suis très curieux d’avoir l’argumentaire implacable, fruit d’un connaissance sans faille et d’une analyse rationelle et objective de la situation, qui serait à l’origine de cette formidable réplique qui ne permet aucune contradiction, tel un cinglant revers de main.

      Enfin, merci Mona Cholet pour ce billet lucide percutant et parfaitement argumenté qui redonne un peu de baume au coeur et nous permet de croire que non, la situation n’est pas désespérée. Non la connerie n’a pas encore triomphée, la raison et l’esprit critique sont encore bien présents et combatifs, plus que jamais il doivent l’être.

  • Bravo pour cet article

    Voici de l’eau à votre moulin. Philippe Val avait censuré en 1996 un dessin de Lefred-Thouron sur l’incarcération et la condamnation pour pédophilie de son ami humoriste Patrick Font. La censure avait provoqué la démission du talentueux caricaturiste de Charlie. A ce sujet, je vous suivre l’interview que Lefred-Thouron avait accordé à l’époque à L’Est républicain. Comme chacun sait, Lefred-Thouron officie aujourd’hui au Canard Enchaîné.

    L’Est républicain, 1996.
    Article paru le 15 septembre 1996.
    « Charlie Hebdo » : La révérence de Lefred-Thouron

    Cabu débarque cet après-midi au Hall du Livre pour dédicacer son dernier bouquin. Le dessinateur nancéien Lefred-Thouron a l’intention de passer lui serrer la louche. Et causer de sa démission de Charlie Hebdo. Explication politiquement incorrecte.

    "L’Est républicain" : Mi-août, Charlie a censuré l’un de vos dessins sur l’incarcération pour pédophilie de Patrick Font, avant de le passer en timbre poste. Vous avez donc jeté l’éponge ou plutôt le crayon ?...

    Lefred-Thouron : C’était pour moi une question de fidélité à l’esprit de ce qui doit rester un journal de voyous. Comment, sous prétexte que l’un de ses collaborateurs était impliqué dans une histoire de pédophilie qui reste à juger, Charlie a-t-il pu passer sous silence l’affaire belge où le héros s’appelle tout de même Dutroux, et son complice Lelièvre. Si on ne déconne plus sur ça, alors il faut arrêter.

    - Charlie Hebdo est-il atteint par le syndrome du "politiquement correct" ?

    Tout à fait, et ce n’est pas le seul à avoir respecté, au moins au début, comme les médias de gauche, un silence bienveillant. Philippe Val m’a expliqué que tourner ça à la dérision aurait pu nuire à la crédibilité que le journal commençait à acquérir. À partir de là, je ne suis plus d’accord. Je suis humoriste et polémiste, et pour rester crédible et respectable, il ne faut pas avoir de tabous, par fidélité aux fondateurs et aux lecteurs.

    - Votre départ volontaire se fait donc sur une question de morale ?

    Oui, et j’ajoute d’éthique et d’honneur. C’est peut-être une valeur réac, mais lorsqu’un mec connu, même un pote, défraye la chronique après avoir fait des spectacles où il faisait rire sur des dérives condamnables où il semble lui-même s’être laissé aller, on se devait au moins de mettre notre grain de sel, un gros coup de tatane...

    - Lundi matin, sur France-Inter, Cabu a déclaré avoir quasiment sauté de joie au plafond en apprenant la mort de Balavoine et a affirmé que Charlie Hebdo ne censurait jamais. Qu’avez-vous envie de lui dire aujourd’hui ?

    Sur le fond, j’appelle ses déclarations du révisionnisme. Si le rédac’ chef avait donné son point de vue en laissant ses collaborateurs s’exprimer, cela ne m’aurait pas gêné. Or il s’agit au départ d’un diktat. Sur la forme, j’ai aussi envie de saluer Cabu, parce que des types comme lui, Cavanna ou Gébé, m’ont servi de modèles quand j’étais gosse. Je les respecte, mais je ne peux admettre qu’un mec qui a 50 procès avec l’armée au compteur puisse cautionner une censure. J’ai envie de lui demander si sincèrement, il ne regrette pas...

    En quittant Charlie, vous perdez une collaboration emblématique ?

    Peut-être, mais c’est le prix de ma liberté. Je m’éloigne aussi d’une façon irréversible d’une dérive militante. Je gagne ma croûte en faisant de l’humour avec le moins de compromission possible. Je ne veux pas participer à une industrie de la contestation convenable, avec des gens qui disent des choses marrantes et intelligentes en ajoutant couille pour faire jeune, et soudain, lorsque l’actualité leur retourne le miroir, laissent parler leur naturel d’une façon ambiguë. Moi je pars, et c’est clair. Sans cracher sur personne, et j’ai peur qu’une partie de l’équipe de Charlie m’approuve secrètement sans oser me suivre.

    Propos recueillis par Alain Dusart.
    © L’Est républicain, 1996.
    Article paru le 15 septembre 1996.