Accueil > L’arrestation de Battisti avait été refusée en décembre 2003

L’arrestation de Battisti avait été refusée en décembre 2003

Publie le dimanche 29 février 2004 par Open-Publishing

Le 3 mars, les juges se pencheront sur sa mise en liberté.

Hier, Philippe Sollers s’est officiellement déclaré « parrain » et « protecteur » de Cesare Battisti. L’auteur de polars, arrêté et incarcéré le 10 février, et dont l’Italie demande l’extradition. Battisti, comme une centaine d’anciens activistes italiens qui ont prôné ou pratiqué la lutte armée, vit exilé en France depuis de longues années, habite avec une Française, est père de deux filles françaises et possède une carte de séjour valable jusqu’en 2007. Tous se croyaient protégés par la promesse de François Mitterrand qui, en 1985, avait accordé la tranquillité à ceux qui avaient rompu avec « la machine infernale ». Une « parole donnée au nom de l’Etat français », disent les avocats de Battisti, Mes Terrel et de Felice. Parole confirmée par Lionel Jospin en 1998 alors que Jacques Chirac est président de la République et toujours respectée.

Mais, en septembre 2002, après une rencontre entre Perben et son homologue italien, un revirement s’annonce. En mai 2003, le garde des Sceaux demande au procureur général de Paris, Jean-Louis Nadal, de faire placer sous écrou extraditionnel Battisti et deux autres « réfugiés » italiens. Pour faciliter la tâche du haut magistrat, les services de Perben l’assurent de leur aide. Notamment avec l’organisation d’une réunion de travail « en vue de [...] la mise en oeuvre de la procédure d’extradition ».

Quelques mois plus tard, le 4 décembre, tombe la réponse laconique du procureur général : « J’ai l’honneur de vous faire retour, non exécutées, des trois demandes d’extradition visées. » Pourquoi ? A la chancellerie, on assure ne pas connaître les raisons de cette fin de non-recevoir. « Nous n’avons pas insisté, la procédure suit son cours normal », dit-on chez Perben. Mais, le 10 février, Battisti est arrêté. Et au Palais de justice, circule la thèse que la procédure ne tient pas la route, la chambre d’accusation ayant déjà, en 1991, refusé l’extradition de Battisti. Dans une lettre au procureur général, les avocats de Battisti soulignent : « L’asile octroyé à ces personnes par notre pays depuis pratiquement un quart de siècle, toutes tendances politiques confondues, rendait ces procédures radicalement irrecevables. » Ils s’y indignent d’une arrestation « au mépris de deux avis défavorables à son extradition [...] au mépris de quinze années en France [...] au mépris d’une vie publique, celle d’un écrivain connu ».

Ce n’est pas tout. Les avocats ont eux-mêmes fourni, en 1998, à la demande du ministère de l’Intérieur, l’identité et l’adresse de leurs clients, afin que « leurs noms soient retirés du fichier des personnes recherchées », et ils s’estiment aujourd’hui « trahis » : « Nous deviendrions en quelque sorte les délateurs de nos clients. »

Dans un même élan, Sollers et les avocats réclament que soit réglée, « une fois pour toutes », « au plus haut niveau de l’Etat », la question des « réfugiés italiens » : « La France ne peut pas gommer 25 ans de leur vie en leur disant juste "excusez-nous, on a changé d’avis". C’est inadmissible ! » Le 3 mars, la cour d’appel de Paris se penchera sur la mise en liberté de Battisti.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=181906