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La france n’est pas une démocratie

Publie le lundi 3 juillet 2006 par Open-Publishing
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Pourquoi j’ai décidé d’être candidat aux présidentielles
Par Rachid NEKKAZ, sa biographie

Quand 414 députés disent OUI à une Proposition de loi d’un citoyen, et que le gouvernement dit NON...

Après le choc du 21 avril 2002, j’ai été, comme beaucoup de Français, secoué par la présence du Front national au deuxième tour de l’élection présidentielle. J’ai été encore plus marqué par le très fort taux d’abstention des Français à ces élections : 14 millions de nos concitoyens sur 41 millions d’inscrits ont décidé de ne pas voter.

Sitôt le deuxième tour passé, j’ai décidé avec des amis, Leïla Hirêche, jeune architecte, et Jean-Bruno Roumegoux, éditeur de calendriers, de comprendre, d’étudier pourquoi 14 millions de Français avaient décidé de ne pas voter. Assez vite, en allant sur le terrain, en étudiant les rares petites enquêtes existantes, nous avons découvert les trois principales causes qui expliquent la montée en flèche de l’abstention dans notre pays. La première est que les Français ne croient plus en la capacité des politiques, de droite comme de gauche, à améliorer leur quotidien. La deuxième raison est la fin de la confiance des citoyens à l’égard des politiques, jugés égoïstes et roulant juste pour leur bosse. Enfin, la troisième principale raison invoquée est tout simplement un désintérêt des Français à l’égard de la politique ; cette troisième raison est en fin de compte la combinaison de la première et de la deuxième.

Au-delà de ces raisons et du chiffre astronomique des 14 millions de Français qui n’ont pas voté, ce qui nous a le plus surpris au cours de cette enquête qui a duré neuf mois, c’est la découverte d’un nombre considérable de Français qui n’étaient mêmes pas inscrits sur les listes électorales. En poursuivant notre étude, nous avons découvert des choses étonnantes : sur les 3,2 millions de Français non inscrits, 500 000 sont des cadres. Pourquoi ? Tout simplement parce que les cadres déménagent beaucoup, et évidemment très peu pensent à aller en Mairie pour se réinscrire. Car il faut savoir que dès lors que vous déménagez, vous êtes automatiquement radiés des listes électorales de votre commune de départ. En plus de ces 500 000 cadres, un million des non-inscrits vivent dans les quartiers populaires, où la confiance envers politiques est presque nulle. Les autres 1,7 millions de Français non inscrits font partie de cette classe moyenne qui a l’impression de constituer les oubliés du système social. De fait, cette classe moyenne est la première victime du Trésor public qui voit en elle l’essentiel des sources d’imposition.

Sitôt cette découverte faite, nous avons épluché le Code électoral pour connaître l’état de la législation sur la question : une loi du 10 novembre 1997 inscrit d’office les jeunes qui accèdent à la majorité, mais les députés de l’époque ont complètement oublié de se soucier des millions de Français ayant plus de 18 ans au moment de la loi, et qui, de fait, ne pouvaient pas bénéficier de son application.

Forts de ces éléments, nous avons décidé de formuler une proposition de loi afin non seulement d’inscrire automatiquement les 3,2 millions de Français non encore inscrits sur les listes électorales, mais aussi et surtout d’assurer un suivi automatique des inscriptions sur ces mêmes listes électorales pour celles et ceux qui déménagent chaque année ; ils sont en effet 2,5 millions à déménager tous les ans.

Contents d’avoir préparé cette proposition de loi, il fallait alors la déposer à l’Assemblée. Surprise ! Aucun citoyen ne peut déposer une proposition de loi. Seuls les députés ou sénateurs sont autorisés à le faire, en vertu de la Constitution ; on s’empresse alors d’étudier le profil des parlementaires susceptibles d’être intéressés. On prend rendez-vous avec des députés de gauche, du centre et de droite. L’accueil est plutôt chaleureux. Le 12 mars 2003, trois propositions de loi sont dès lors déposées à l’Assemblée nationale par trois députés, de l’UDF (Jean-Christophe Lagarde), de l’UMP (Lionnel Luca) et du PS (Jean-Pierre Dufau). Nous tenions beaucoup à ce que cette proposition de loi soit consensuelle, au-delà des clivages droite/gauche.

Et là commence le marathon pour rassembler le plus grand nombre de soutiens possible de parlementaires et d’élus afin d’obtenir la majorité à l’Assemblée nationale. 24 mois durant, nous arpenterons les marches de l’Assemblée nationale pour convaincre les députés de la nécessité de soutenir cette proposition. 24 mois durant, nous sillonnerons les routes de France, des plus petits villages aux plus grandes villes, expliquant à nos élus le pourquoi et l’importance de cette loi. 230 parlementaires et plus de 900 maires seront rencontrés. Au total, 414 députés, soit 72% des membres de l’Assemblée nationale, et 2417 maires de toutes tendances politiques confondues accepteront de nous apporter leur soutien écrit et tamponné à cette proposition de loi visant à inscrire automatiquement tous les citoyens français sur les listes électorales. Nous décidons même de créer un Club d’élus, « Allez France », pour appuyer nos efforts. Précision : nous n’avons jamais adhéré à un parti politique.

Evidemment, avec une majorité aussi écrasante de soutiens de nos députés, nous avons crié victoire, et nous étions heureux d’avoir réussi à atteindre cet objectif. Erreur. Trois ans après avoir réussi à faire déposer la proposition de loi, non seulement le président de l’Assemblée nationale refuse toujours de la mettre en discussion à l’Assemblée (malgré 17 courriers), non seulement aucun rapporteur n’a été désigné pour étudier cette proposition de loi, et ceci en totale infraction à l’article 86 du Règlement de l’Assemblée nationale, mais le gouvernement, Messieurs Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin (rencontré à trois reprises) et les ministres de l’Intérieur successifs ont toujours fait silence.

Malgré tous ces blocages, nous organiserons quatre conférences de presse entre 2003 et 2005 au sein même de l’Assemblée nationale, en présence de députés de gauche, de droite et du centre pour, d’une part, lancer ensemble un appel au président de l’Assemblée nationale et au Premier ministre et, d’autre part, leur demander de mettre cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. En vain.

Question :

à quoi sert d’avoir le soutien de 414 députés si au bout du compte, ces derniers ne décident de rien ? Eh bien, il faut savoir que le gouvernement décide à 95% de ce qui doit être discuté ou pas à l’Assemblée nationale.

Nos chers députés, de bonne volonté pour la plupart, qui depuis mai 2002 ont déposé 2900 propositions de loi, font de la figuration. A peine 6 propositions de loi sur 2900 ont été autorisées par le gouvernement pour être discutées. Malheureusement, nos députés sont juste une chambre d’enregistrement des projets de loi du gouvernement (Article 41 de la Constitution du 4 octobre 1958).

Quelle est la morale de l’histoire ?

Que la France est évidemment un pays de liberté, car on peut dire ce qu’on veut, ou presque. Mais la France n’est pas un pays de démocratie, au sens où un citoyen peut agir sur la politique de son pays, notamment en formulant des propositions de loi. Et pourtant, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, laquelle est inscrite en préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, stipule très clairement que tout citoyen a le droit de concourir directement ou indirectement, par le biais de ses représentants (députés), à la formation de la loi. C’est ce que nous avons essayé de faire.

De fait, aujourd’hui, cet article 6, qui est le fondement essentiel de nos droits politiques de citoyens pour être acteurs dans notre République, n’est pas respecté. Par conséquent, nous n’avons en réalité aucun pouvoir en France en tant que citoyen. Nous avons juste celui de déposer un bulletin de vote dans une urne, à une fréquence prévue par l’organisation des différentes élections auxquelles refusent de participer 17,2 millions de nos concitoyens (14 millions d’inscrits + 3, 2 millions de non-inscrits). Forts de cette expérience et de nos déboires de citoyens, que faire ?

Pour que ce combat ne soit pas vain, et pour que le mot démocratie garde encore tout son sens, je n’ai pas d’autre choix que de m’adresser directement à vous, à tous les citoyens (le gouvernement faisant barrage) pour défendre les principes et les valeurs qui nous animent toutes et tous.

Je me présente aux élections présidentielles.

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