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La justice italienne poursuit treize agents de la CIA

Publie le lundi 27 juin 2005 par Open-Publishing

La justice italienne poursuit des agents de la CIA pour l’enlèvement d’un imam égyptien à Milan

Pour la première fois, des agents de la Central Intelligence Agency (CIA), l’agence américaine de renseignement, sont poursuivis par la justice d’un pays étranger, l’Italie, pour y avoir mené une opération de "transfèrement exceptionnel" dans le cadre de la lutte antiterroriste, une pratique consistant à livrer à un pays tiers, en vue d’interrogatoires, une personne soupçonnée par les services américains d’activités terroristes et capturée à l’étranger.

Un magistrat italien a ordonné l’arrestation de treize personnes liées à la CIA, pour l’enlèvement à Milan, voilà deux ans, d’un Egyptien soupçonné de terrorisme et d’appartenance au réseau Al-Qaida, et pour son évacuation vers l’Egypte, ont indiqué, vendredi 24 juin, des sources judiciaires italiennes.

Les étrangers liés à la CIA avaient enlevé l’imam Hassan Moustapha Ossama Nasr, aussi connu sous le nom d’Abou Omar, le 17 février 2003 dans une rue de Milan, précise la juge milanaise Chiara Nobili dans le libellé des mandats d’arrêt, émis jeudi, selon ces mêmes sources. Certains de ces étrangers sont des agents de la CIA, affirment-elles. Selon des sources italiennes, les treize personnes ont quitté l’Italie depuis les faits.

A Washington, la CIA s’est refusée à tout commentaire sur le moment, de même que l’ambassade américaine à Rome. Le parquet italien a fait savoir qu’il demanderait "l’assistance judiciaire" des autorités américaines et égyptiennes.

Après son enlèvement, Nasr avait été d’abord conduit à la base américaine d’Aviano (au nord de Venise) et évacué de là vers l’Egypte pour y être interrogé. Il aurait alors, selon la justice italienne, été victime de mauvais traitements.

En 2004, il fut temporairement relâché pour raisons médicales après avoir selon toute vraisemblance enduré "des violences physiques" , écrit le parquet italien dans un communiqué. Avant sa seconde arrestation, en mai 2004, Nasr a passé deux coups de téléphone ­ l’un à sa femme, l’autre à un imam de Milan, Mohammed Reda ­ dans lesquels il faisait allusion à des sévices. "Je ne peux plus marcher plus de 200 mètres. Je reste toujours assis. J’ai des problèmes d’incontinence, de pression artérielle", a-t-il alors déclaré, selon une retranscription des appels enregistrés sur son téléphone portable que Reuters s’est procurée.

Des responsables de certains services de renseignement pensent que Nasr a été, dans le passé, un combattant en Afghanistan et en Bosnie, avant d’arriver en Italie en 1997 et d’y obtenir le statut de réfugié politique. Lorsque l’imam Nasr a disparu en 2003, il faisait déjà l’objet d’une enquête en Italie pour ses liens présumés avec le terrorisme international.

La nationalité des étrangers visés par le mandat italien n’a pas été communiquée. Le quotidien Corriere della Sera a affirmé vendredi que, parmi elles, figurent des personnes ayant occupé des fonctions diplomatiques, dont un ancien consul des Etats-Unis à Milan. Selon le New York Times, qui cite des enquêteurs italiens, huit autres agents de la CIA feraient également l’objet d’une enquête pour avoir pris part à l’opération contre l’imam égyptien.

Selon un enquêteur italien que le New York Times n’identifie pas, il est possible que le gouvernement italien ait été informé de l’enlèvement, une opération qui s’est déroulée sur neuf jours à Milan. Les agents de la CIA, durant tout ce temps, n’ont pris aucune précaution particulière pour se dissimuler aux yeux de leurs homologues italiens.

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