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La prison-école de Perben en maquette

Publie le mercredi 2 février 2005 par Open-Publishing

Le projet de Lavaur, l’un des sept sites qui accueilleront des mineurs, présenté aujourd’hui par le ministre.

Par Jacqueline COIGNARD

Ce n’est encore qu’une maquette, mais elle préfigure les futures prisons pour mineurs promises par la loi de programmation pour la justice de 2002. Dominique Perben va l’« inaugurer », aujourd’hui, à Lavaur près de Toulouse, qui est l’un des sites d’implantation retenus(1). Avant même que l’achat des terrains et le dépôt des permis de construire soient formalisés (2).

Sur le papier, ces établissements pour mineurs (EPM), conçus pour 60 jeunes chacun, se posent comme des prisons-écoles où l’aspect éducatif sera privilégié. Emploi du temps type du détenu : enseignement (20 heures par semaine), sports (20 heures), activités artistiques (arts plastiques, musique, théâtre). Le projet insiste sur un encadrement humain important, avec, pour chaque mineur, un « binôme référent » composé d’un surveillant et d’un éducateur.

Côté encadrement physique, le cahier des charges prévoit un mur d’enceinte de 6 mètres de haut, mais pas de miradors pour « atténuer l’image carcérale ». Le ministère demande aux architectes de penser un dispositif qui permette « le regard constant d’un adulte sur les mineurs et facilite les vues les plus larges possibles à l’intérieur de l’établissement ». Dans chaque prison, il est prévu un poste central d’information (PCI) « fermé, protégé, tenu par un ou deux surveillants, et équipés de matériel de communication et de transmission ». De là, il s’agit de « contrôler et surveiller les espaces où se trouvent les détenus ».

Réunis samedi à Paris à l’occasion de l’assemblée générale de l’Association des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), les juges des enfants ne sont pas emballés par ces projets. « Est-ce que ces EPM vont remplacer les actuels quartiers des mineurs des prisons ? » interroge Catherine Sultan, secrétaire générale de l’association. « Si oui, pourquoi pas. On se mettrait enfin en harmonie avec ce que prévoit le code de procédure pénale. » Mais selon elle l’enfermement d’un mineur doit rester exceptionnel, « comme une étape d’un parcours quand des adolescents ont commis des faits très graves ». Actuellement, la durée moyenne d’incarcération des mineurs se situe à deux mois et demi.

Délais. Les magistrats spécialisés redoutent que ces EPM viennent juste s’ajouter à l’arsenal, entre les centres fermés et les quartiers des mineurs, et consacrent une préférence pour l’enfermement. Par un effet de vases communicants, c’est autant de moyens qui seront retirés aux mesures alternatives comme les suivis en milieu ouvert, pronostiquent-ils. « A Bobigny, quand un juge ordonne une prise en charge d’un mineur par un éducateur, il faut quatre à huit mois avant qu’elle se mette en place », constate Thierry Baranger, juge des enfants dans ce tribunal. Un délai qui met en péril tout le dispositif construit par le juge. « Le milieu ouvert n’existe plus », constate Thierry Baranger.

Mafias. Juge des enfants à Evry, Catherine Sultan explique qu’environ 70 mineurs, dont une quinzaine de filles, sont actuellement à la prison de Fleury-Mérogis. Certaines gamines fréquentent l’école et y voient un moyen de s’en sortir. « Elles viennent de Roumanie ou d’ex-Yougoslavie et elles ont souvent été récupérées par des mafias. Mais elles sont inscrites dans une filiation où elles se repèrent. » En revanche, la majorité des jeunes qui échouent là sont « des enfants cassés, maltraités, marqués par les brisures familiales », dit la juge. « Ils ont construit leur personnalité au milieu de tout cela. Ce sont des jeunes qui jouent leur vie constamment. » Ces enfants-là ont besoin de tisser avec des adultes des liens radicalement différents de ceux qu’ils ont connus. « Mais on n’éduque pas sous cloche et par la contrainte », répètent les magistrats, rappelant la fermeture de la dernière maison de correction en 1978 par Alain Peyrefitte.

(1) Les autres sont situés dans les banlieues de Valenciennes, Meaux, Lyon, Mantes-la-Jolie, Nantes et Marseille.

(2) Deux concepteurs-constructeurs ont été choisis en juillet : Dumez-Pierre Vurpas-Technips TPS ; Léon Grosse-Adrian Fainsilber.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=271966