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La régie publicitaire de la RATP attaquait l’hébergeur d’un site antipub.

Publie le mardi 3 février 2004 par Open-Publishing

Métrobus collé par la justice
La régie publicitaire de la RATP attaquait l’hébergeur d’un site antipub.

« Malgré la loi actuelle, des mercenaires du droit agissent pour intimider
les hébergeurs. Combien peuvent résister à de telles attaques ? » Ouvaton,
hébergeur de sites Internet amouflet judiciaire pour Métrobus, la
régie publicitaire du métro parisien. Hier, le tribunal de grande instance
de Paris a débouté la filiale du groupe Publicis de son action contre
Ouvaton, petite coopérative d’hébergement Internet, et notamment hébergeur
de l’ancien site ouvaton.stopub.org.

Métrobus contestait la sincérité des renseignements fournis sur les
responsables de ce site, qui, à plusieurs reprises, ont appelé à barbouiller
les espaces publicitaires de la RATP. Et réclamait au passage une
condamnation de 5 000 euros contre Ouvaton pour « résistance abusive ».
En décembre, sur décision du juge des référés, l’hébergeur avait livré
l’identité des deux auteurs du site Stopub, ainsi que leur adresse, leur
e-mail et l’identification du paiement électronique effectué à Ouvaton. Des
éléments erronés, voire « prêtant volontairement à confusion », avaient estimé
les avocats de la régie, accusant « la société Ouvaton de (retenir) de façon
abusive des informations utiles à l’identification des éditeurs du site ».
« Fallacieux ». L’avocat d’Ouvaton, Marc Lipskier, s’était étonné de ce
« second round judiciaire » et du caractère « fallacieux » de la demande de
Métrobus : la régie « s’est limitée à utiliser les adresses "physiques" qui
lui ont été communiquées - avec d’ailleurs un certain succès puisque les
deux animateurs du site ont été assignés à comparaître - sans même chercher
à exploiter les autres renseignements qui lui ont été donnés, à savoir les
adresses mail et l’identification du paiement électronique, soutenait-il.
Quant à la vérification des informations recueillies sur l’identité des
créateurs d’un site, elle n’est pas du ressort des hébergeurs. »
Hier, le tribunal a tranché en faveur d’Ouvaton. « La justice a reconnu que
Métrobus n’a pas cherché à utiliser tous les éléments fournis, qui
suffisaient pourtant à permettre l’identification des auteurs du site. Et
qu’une mesure à l’encontre d’Ouvaton serait disproportionnée », a commenté Me
Lipskier.

En plein débat sur le projet de loi sur l’économie numérique (LEN), qui
prétend obliger les hébergeurs à faire eux-mêmes le ménage parmi les sites
qu’ils diffusent sur le Net, la décision du tribunal prend des allures de
victoire symbolique. « Si Ouvaton sort détroussé mais debout de cet épisode
juridique, c’est parce que les intermédiaires techniques demeurent protégés
par une loi juste et équilibrée, affirme-t-on chez Ouvaton. On le voit, même
avec la loi actuelle, des mercenaires du droit agissent pour intimider les
hébergeurs. Combien sont à même de résister à de telles attaques ? Combien
de temps ? C’est bien le contexte législatif actuel, avec le projet de loi
ahurissant proposé par le gouvernement, qui donne des ailes à des
aventuriers du barreau, sans doute pour prendre leur part du prochain marché
qui s’ouvre à eux : celui d’une justice privée sur Internet. »

Ouvaton est sauvé. Encore que l’affaire lui aura coûté, en frais de justice,
un bon tiers de son chiffre d’affaires annuel. L’hébergeur lance d’ailleurs
un appel à l’aide à ses sociétaires et à l’ensemble des utilisateurs
d’Internet « soucieux de l’application du droit et de la morale ».
Solidairement. De son côté, Métrobus ne renoncera pas pour autant à obtenir
la tête des militants antipub : la semaine dernière, la régie publicitaire a
assigné une soixantaine de gribouilleurs interpellés dans le métro parisien.
Parmi eux figurent les deux animateurs de l’ancien site ouvaton.stopub.org.
Métrobus réclame aux 62 militants, solidairement, 980 000 euros pour
dégradations. Une condamnation collective réfutée par les avocats des
antipub. « En droit civil, on est responsable de ses actes et donc on est
responsable seulement des affiches que l’on a dégradées », rappelle Alexandre
Faro, l’un des avocats. Les 62 militants sont cités à comparaître le 10
mars.

Libération