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La troisième guerre de l’ortie a commencé

Publie le lundi 16 novembre 2009 par Open-Publishing
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Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire ni toutes les recettes à
partager. Une décoction connue des paysans et jardiniers depuis la nuit
des temps, semble devenir l’enjeu d’un conflit entre firmes
phytosanitaires et défenseurs de l’ortie libre.

Dangereux brûlot, le livre Purin d’ortie et Cie explique en effet aux
masses le bon usage de cette potion séculaire : au printemps, dès que
les orties poussent et avant qu’elles ne fleurissent, récoltez 1 kg de
feuilles fraîches et mettez à macérer dans 10 litres d’eau de pluie
pendant 8 jours. Filtrez avec un tissu, mettez en bouteille et stockez
au frais. Ce purin, très concentré, ne doit jamais être utilisé pur.
Pulvérisé à 5% en solution sur toutes vos plantes, tous les dix à 15
jours selon leur croissance, il fortifie, vivifie et protège des
pucerons et des maladies. En solution à 20% arrosée tous les 10 à 15
jours, c’est un excellent engrais et régénérateur du sol. D’autres
plantes, aux propriétés stimulantes, comme l’achillée, la bardane, la
consoude ou le pissenlit, et fongicides, telles que l’ail, la prêle et
le raifort, ou la sauge, qui permet de lutter contre le mildiou de la
pomme de terre, sont proposées dans l’ouvrage comme ingrédients de base
de la trousse de secours du jardinier avisé. On y découvre également
Raymonde Gal, agricultrice en Aveyron, promue ambassadrice de l’ortie
pour avoir été pionnière en matière de renouveau et de reconnaissance
des vertus de la vivace urticacée.

En août 2006, l’ouvrage Purin d’ortie et Cie a valu à l’un de ses
co-auteurs, Eric Petiot, une perquisition des services de la DGCCRF
(direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes). Eric Petiot, paysagiste et professeur
d’agronomie, s’est vu saisir ses cours et le mémoire d’un brevet. Les
inspecteurs étaient munis de la loi d’orientation agricole 2006-11 du 5
janvier 2006 interdisant toute publicité commerciale et toute
recommandation pour les produits phytopharmaceutiques contenant une ou
plusieurs substances actives destinées au traitement des végétaux, dès
lors que ces produits ne bénéficient pas d’une autorisation de mise sur
le marché (AMM) ou d’une autorisation de distribution pour
expérimentation. En clair, le purin d’ortie, n’étant pas homologué par
la commission ad hoc, ne peut être fabriqué et vendu et il est interdit
d’en diffuser le savoir faire. Problème : cette loi revient à interdire
les méthodes culturales biologiques non homologuées.

Une guerre en trois épisodes

C’est ainsi qu’a commencé la première guerre de l’ortie : premières
interdictions en 2002, puis loi d’orientation agricole (LOA) de 2006,
qui stipule que la diffusion des connaissances est interdite et que
toute préparation agricole doit être homologuée. Coût de la validation
d’une molécule : entre 200 et 300.000 euros. Mais des voix s’élèvent
pour dénoncer le texte de loi, qui, pour la plupart des associations
impliquées, semble confondre intérêts commerciaux et enjeux de santé
publique et environnementaux. ’’Les pesticides, perturbateurs
endocriniens et cancérigènes, sont utilisés sans autorisation alors que
l’ortie est interdite ! ’’, s’indigne Jean Sabench, de la Confédération
paysanne. Outre qu’il risque de donner indirectement la prime aux
brevets des multinationales de la chimie, le texte de la loi
d’orientation agricole de 2006 affiche une nette volonté répressive :
75.000 € d’amende pour celui qui vend ou donne un produit non homologué,
en détient des bidons ou diffuse la recette. Le collectif Ortie &
Compagnie, rassemblement d’acteurs variés, prend alors en charge la
défense du dossier.

Ce tollé déclenche un deuxième épisode de la guerre de l’ortie,
victorieux pour l’urticacée cette fois. Les députés s’émeuvent de
l’agacement populaire et votent, dans le cadre de la loi sur l’eau, en
décembre 2006, un amendement dit du ’’purin d’ortie’’, accepté par le
rapporteur du projet de loi, le député (UMP) André Flageolet. Cet
amendement soustrait du cadre de la LOA ces fameux purins qui prennent
désormais l’appellation plus aseptisée de ’’Préparations naturelles peu
préoccupantes’’ (PNPP) et renvoie à la rédaction d’un décret permettant
une procédure d’homologation allégée. ’’On y a travaillé pendant deux
ans pour le voir aboutir de façon inacceptable car il fait référence aux
réglementations de l’Union européenne qui rendent les procédures très
complexes’’, explique Bernard Bertrand, porte-parole du collectif des
Amis de l’ortie. C’est dans ce contexte qu’est créée l’ASPRO-PNPP,
association pour la promotion des produits naturels peu préoccupants
fédérant associations, chercheurs et entreprises et la collectivité
locale de Périgueux.

Le troisième guerre de l’ortie se joue actuellement entre l’annexe I de
la directive européenne 91/414 CE et le Grenelle II, qui sera examiné en
2010 par les députés. Le décret du 23 juin 2008, issu de la loi sur
l’eau de 2006, exige l’inscription des matières actives utilisées dans
les purins sur une liste européenne, selon une procédure longue,
coûteuse et complexe. Avec des financements du Ministère de
l’agriculture, l’ITAB (Institut Technique de l’Agriculture Biologique) a
tenté de relever le défi pour cinq dossiers pour autant de substances
(parmi les quelque 150 candidates répertoriées aujourd’hui). Après 15
mois de travail, aucun dossier n’a franchi avec succès le seuil de la
validation de l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des
Aliments). L’ASPRO-PNPP s’insurge : ’’cette situation est en totale
contradiction avec l’amendement de 2006 qui exemptait les préparations
naturelles peu préoccupantes, et encore plus encore avec la loi Grenelle
I dont un amendement facilite les procédures d’autorisation de mise sur
le marché de ces préparations’’. Or, soulignent les associations et la
Confédération paysanne, l’objectif du Grenelle de réduire de 50% la
quantité de pesticides à l’horizon 2018 prendra tout son sens si les
agriculteurs, les jardiniers et les collectivités ont accès à ces
alternatives que représentent les PNPP.

Les purins d’orties et autres plantes bienfaisantes, alias
’’Préparations naturelles peu préoccupantes’’ seront-elles enfin
intégrées à la loi Grenelle II, qui pourrait une fois pour toutes en
favoriser le développement en tant qu’alternatives, en accès libre et
gratuit, aux pesticides ? L’enjeu, peu préoccupant pour l’environnement,
semble bel et bien préoccuper certains lobbies dans les coulisses du
Parlement. La guerre est ouverte. ’’Nous sommes dans la dernière ligne
droite. Ensuite, il ne restera plus que la désobéissance civile’’,
avertit Vincent Mazière, de l’ASPRO-PNPP. La suite au prochain épisode.

Agnès SINAI
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