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La vie d’artiste au temps du chikungunya

Publie le lundi 19 juin 2006 par Open-Publishing

LES OUBLIÉS DE L’ÉPIDÉMIE

En temps ordinaire, la vie d’artiste n’est déjà pas toujours confortable. C’est une litote. Depuis l’apparition du virus du chikungunya, avec la crise sanitaire et économique, les plus fragiles dans cette société traversent de grandes difficultés, souvent en silence.

Combien de compagnies de théâtre, de groupes de musiciens on vu annuler spectacles, concerts et représentations depuis le début de la crise ?

Du côté institutionnel, les comptes seront faits pour permettre aux structures culturelles de bénéficier des aides de soutien économiques aux entreprises.

CULTURE ET IDENTITÉ

LA situation est beaucoup plus complexe pour les artistes isolés. "Chaque cas est particulier", relève Michèle Giscloux, membre de la Fédération CGTR des syndicats de l’action culturelle à La Réunion. Les musiciens ne connaissent pas les mêmes difficultés que les comédiens et les plasticiens qui sont confrontés à des obstacles spécifiques, qui commencent avec leur absence de statut social, d’où découlent les difficultés pour faire reconnaître leurs droits d’auteur.

Certains n’ont pas de feuille de paie pour les cachets perçus lors des prestations qu’ils donnent dans les bars, restaurants ou hôtels.

Bon nombre de musiciens ont souffert de la crise sanitaire et du désastre causé dans les infrastructures du tourisme. Un technicien du cinéma décrit la situation créée par l’annulation de 2 tournages. "Les artistes sont laissés sur la touche", constate le chanteur Babou B’Jalah qui voit apparaître "une nouvelle génération d’artistes livreurs de repas aux personnes âgées, balayeurs, déménageurs, intérimaires... ".

Ce chanteur - qui exerce un second métier - a vu ses revenus artistiques fondre de 40%. Comment font ceux qui n’ont que leur talent d’artiste pour vivre ? Ainsi, le pianiste qui accompagne Françoise Guimbert, Jean Salier d’Olette, envisage-t-il de quitter l’île pour assurer sa survie. Il reviendra en des temps meilleurs. Et ceux qui ne peuvent pas partir, comment font-ils ?

Ils ne sont pas écartés a priori des dispositifs d’aides prévus pour les entreprises ou les raisons sociales, mais le savent-ils ? La Préfecture n’aurait aucune trace de dossier de demande d’aide déposé par des artistes.

Lorsqu’on découvre les critères d’accès à ces aides, on comprend pourquoi. "Les artistes sont des travailleurs à part entière. Ils créent le patrimoine culturel de La Réunion et doivent normalement percevoir un salaire.

Dans la crise du chikungunya, il est normal que la situation des artistes soit prise en compte au titre des pertes économiques causées par l’épidémie", estime Michèle Giscloux, de la CGTR. S’ils ne se regroupent pas et s’ils ne se font pas entendre, il y a de fortes probabilités pour que les artistes, assez vites marginalisés en temps ordinaire, le soient encore plus en ces temps de crise.

La Fête de la musique leur donnera-t-elle une occasion de "regrouper la famille" et faire un état des lieux ?

P. David

La vie d’artiste au temps du chikungunya
Article paru dans Témoignages le lundi 19 juin 2006