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Le Port du Rhin a-t-il été sacrifié ?

Publie le lundi 6 avril 2009 par Open-Publishing
2 commentaires

Le Port du Rhin a-t-il été sacrifié ?
Véronique Leblanc

Mis en ligne le 06/04/2009

Ce quartier pauvre de Strasbourg a le sentiment d’avoir été sacrifié pour protéger la ville. Il a été ravagé par les casseurs.

Correspondant à Strasbourg

Seule au micro samedi vers 16 h, Anne-Véronique s’adresse au millier de manifestants anti-Otan coincés dans la rue Coulaux, entre deux barrages de CRS. "Ce quartier du Port du Rhin, où on vous a fait manifester, c’est le premier quand on vient d’Allemagne. C’est aussi le plus pauvre de Strasbourg. Les casseurs ont détruit notre pharmacie -le seul commerce qui nous restait- et à côté de l’hôtel Ibis incendié, se trouve un HLM. Les pompiers ont mis 1 h 30 à intervenir, ce sont les gens du quartier qui ont dû évacuer cet immeuble. Il y avait une vieille dame avec son chat, morte de peur."

Lors des manifestations, les pompiers ne peuvent intervenir qu’escortés des forces de l’ordre et ceux-ci n’ont le droit de bouger que sur ordre de la préfecture. Tout ça prend du temps. Mais, samedi, cela a vraiment été long et les habitants du Port du Rhin ont le sentiment d’avoir été livrés sans défense aux plus extrémistes des manifestants afin de préserver le reste de la ville. "Où étaient les CRS pendant la mise à sac ?", demande l’oratrice.

"Aussi bien qu’à Gênes"

Encore une petite heure et les manifestants repartiront vers leur campement, fermement encadrés par les forces de l’ordre. Le dirigeant de gauche Olivier Besancenot est dans ce cortège désabusé. Il a le visage fermé. "Sarkozy a fait aussi bien que Berlusconi à Gênes. Un drame en moins -en tout cas, je l’espère. Il a voulu nous empêcher de manifester mais quel que soit le dispositif policier, nous serons toujours là."

La manifestation a commencé vers midi par des affrontements en amont du Pont Vauban. Dès le début, les Black-Blocks, anarchistes européens vêtus de noir et cagoulés, veulent "casser". Du mobilier urbain, un jardin ouvrier, une chapelle taggée, une station Elf mise à sac en quelques minutes sous les yeux de Christelle, une étudiante tremblant de tous ses membres. Elle regarde sans comprendre les barres de fer s’abattre sur les vitres, les canettes de bière raflées, et, dérisoire, le cochon rose des pourboires fracassé sur le sol dans une myriade de pièces.

Un km plus loin, au Pont de l’Europe où doit avoir lieu la jonction avec les manifestants allemands, la Deutsche Polizei fait barrage. Un mur infranchissable devant lequel les Black-Blocks brûlent des pneus. Négociations. "Nous sommes d’accord d’ouvrir le passage mais les autorités françaises s’y opposent", est-il annoncé. Le feu est mis au poste frontière, le mobilier urbain fracassé. Une sommation du côté des forces de l’ordre allemandes, puis deux : "Evacuez le pont, ou nous chargeons." Pas un CRS français à l’horizon. Des pacifistes se couchent sur le sol en se tenant la main pour faire barrage de leur corps. Quelques minutes plus tard, les policiers allemands enlèvent leur casque, signe qu’ils n’interviendront pas.

Les jeunes se relèvent, radieux, persuadés d’avoir gagné la bataille du pont avec la seule force de leurs convictions mais leur action était dérisoire. Personne ne viendra d’Outre-Rhin et, côté français, la zone désertée est ravagée. Les débris jonchent le sol, l’hôtel Ibis flambe, ses occupants se sont enfuis.

Repartis en contrebas, dans le champ de foire, les manifestants affrontent des CRS postés en hauteur avant de se mettre en route. Ils marcheront à peine une heure sur un parcours réduit des deux tiers par un barrage immédiatement "caillassé" par les extrémistes. Un quinquagénaire craque. Il fonce, se plante devant les casseurs et hurle en allemand qu’il est là pour la paix. Attaque des CRS, grenades lacrymogènes, flash balls.

Un tout jeune garçon se fige en pleurant de peur plus que de douleur. Son père l’oblige à courir. Demi-tour général et retour au lieu des incendies protégé par un nouveau barrage. C’est à ce moment-là qu’interviendra Anne-Véronique.

Peut-être eux qui ont raison

Tout comme dans le campement des anti-Otan, dès jeudi soir après les premiers affrontements dans le quartier populaire du Neuhof, où les casseurs ont eu l’occasion de s’exercer et de recruter, certains répliquent que c’est le principe : "On n’a pas les mêmes méthodes mais on a décidé de cohabiter et de manifester ensemble pour changer la société." "Qui sait, c’est peut-être eux qui ont raison", commente l’un d’entre eux.

Comprenant que la messe est dite, tous repartent vers leur "village". Des gamins de cinq-six ans leur emboîtent le pas, tout fiers. Ils n’auront pas vu Barack Obama mais se seront quand même tricoté un bout de souvenir du Sommet de l’Otan dans leur ville. Les quelque 200 privilégiés triés sur le volet par la Préfecture - essentiellement parmi les militants UMP - et emmenés en car dans un centre ville hyper sécurisé pour faire foule lors de l’arrivée du président américain au Palais des Rohan, vendredi, ont, quant à eux, vécu un moment "historique".

http://www.lalibre.be/actu/monde/article/493759/le-port-du-rhin-a-t-il-ete-sacrifie.html

Messages

  • J’étais présente à la manif ce samedi et je pose la question suivante :

    Les blacks blocks incriminés à longueur d’antenne depuis samedi étaient-ils les seuls casseurs car alors, ils étaient très nombreux, du moins ceux étant vêtus de noir et cagoulés et si j’ai cru comprendre leur philosophie, ils attaquent des bâtiments représentant le capitalisme. Pour la pharmacie de quartier je ne comprends, ni le caillassage sur les manifestants.

  • il faut arrêter d’appeler ces jeunes des "casseurs", comme s’ils étaient des ennemis de classe.

    Ils font partie de Notre Classe, pas de celle de nos ennemis !

    Il faut voir que ces violences résultent d’une stratégie de la tension soigneusement provoquée par le Ministère de l’Intérieur !

    Une ville mise en état de siège, un dispositif policier et militaire digne d’une guerre civile : voila ce que l’on nous présentait depuis une semaine.

    Quand on empêche les gens de manifester pacifiquement, jusqu’à faire enlever les drapeaux anti-otan des fenêtres, que l’on poursuit "préventivement" les jeunes jusqu’au camp de rassemblement, quand on protège les quartiers riches de la ville, que l’on filtre le passage des habitants, quand on arrose "préventivement" de gaz lacrymogènes le départ de manifestation (alors qu’il ne s’est rien passé) comment s’étonner que la colère de ces jeunes explose (y compris accompagnée par les jeunes des quartiers populaires de la ville)

    Sans compter très certainement quelques dizaines de provocateurs

    Effectivement, ces actions improductives sont récupérées par le pouvoir, et les médias déchainés

    Mais.....

    pour mémoire

    La possibilité de résistance à l’oppression par la déclaration du 29 mai 1793 est précisée en son article 29

    "dans tout gouvernement libre, les hommes doivent avoir un moyen légal de résister à l’oppression ; et lorsque ce moyen est impuissant, l’insurrection est le plus saint des devoirs"

    et confirmée par la déclaration du 24 juin 1795 en son article 35

    "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.".

    Le tout est effectivement d’arriver à une meilleure organisation de cette révolte, sans violence