Accueil > Le centre fermé d’Epivie dispose d’un mois pour rouvrir

Le centre fermé d’Epivie dispose d’un mois pour rouvrir

Publie le samedi 24 avril 2004 par Open-Publishing

L’Etat constate de graves dysfonctionnements et éloigne ses pensionnaires.
Par Eric MOINE

Moulins (Allier) correspondance

Les sept jeunes délinquantes multirécidivistes, pensionnaires du premier centre éducatif fermé (CEF) pour filles ouvert en France, Epivie, dans l’Allier, ont toutes quitté les lieux. Renvoyées en prison, ou placées par les juges pour enfants dans des structures d’encadrement plus classiques.

L’Association pour l’éducation renforcée (Apler) (1) qui gérait cet établissement ouvert près de Moulins, à Lusigny, en mars 2003, avait déjà eu des ennuis. Trois mois après l’inauguration, le directeur, ex-rugbyman et commercial, avait été mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur une surveillante. De plus, le centre avait provoqué plusieurs polémiques ­ émanant de syndicats de magistrats, d’éducateurs professionnels de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) comme de mouvements de défense des droits des femmes ­ à cause de son projet rétrograde : les jeunes pensionnaires devaient suivre des cours de maquillage et apprendre à faire des bouquets de fleurs.

A zéro.

Le préfet avait alors placé l’association sous surveillance. Des membres expérimentés de la PJJ et des éducateurs tous diplômés ont été recrutés. Des projets éducatifs ont été mis en place, avec l’embauche d’enseignants détachés par l’Education nationale. Les professeurs avaient été cruellement absents de cet établissement qui se veut éducatif.

Il avait fallu tout reprendre à zéro, se souvient un ancien éducateur : « Les actes médicaux des filles étaient mélangés avec les papiers des chevaux, et c’était la politique de la "baffe éducative !" » En novembre, au moment où le centre semblait retrouver sa sérénité et son efficacité, la tutelle de l’Etat, légalement limitée à six mois, a été levée. L’association a alors repris la main. Moins de trois mois plus tard, l’établissement est de nouveau parti à vau-l’eau. Des licenciements de diplômés ­ dont l’infirmière ­ et des fugues à répétition des adolescentes ont alerté les milieux judiciaires. Le préfet a alors lancé une inspection de la PJJ.

Un seul diplômé.

Les services de l’Etat viennent de relever des dysfonctionnements assez graves pour, de nouveau, s’impliquer directement dans la gestion de la maison. Un comité de pilotage a été mis en place, réunissant le préfet, le procureur de la République et les services départementaux de la PJJ. Un nouveau directeur est recruté. Avec la mission, une seconde fois, de repartir de zéro : « En fait, il y a tout à remettre sur la table », concédait, hier, Françoise Thomas, conseillère au cabinet du ministre de la Justice, Dominique Perben. Aussi bien au niveau du projet éducatif qu’au niveau des personnels. Car, sur onze éducateurs, il ne restait qu’un seul diplômé pour encadrer ces « publics spécifiques » que sont les mineurs délinquants. « D’autant plus spécifiques, insiste un éducateur, qu’il s’agit de filles. Plus que les garçons, les adolescentes qui se retrouvent dans ces centres ont été victimes ­ souvent de viols ­ avant de devenir à leur tour des délinquantes. »

Un mois.

La tâche du nouveau directeur recruté par le préfet, le procureur et la PJJ, est d’autant moins simple que l’Apler recrutait le plus souvent en CDI, diplôme ou pas. Malgré tout, au ministère, Françoise Thomas se veut confiante : « On ne peut pas à la fois dénoncer des dysfonctionnements importants et ne pas donner la possibilité de remettre la structure en route. » Le ministère de la Justice donne à l’association un mois pour élaborer les projets et recadrer les personnels, et deux mois pour fonctionner : « Si ça ne marche pas, prévient-elle, nous ferons ce que nous avons dit. » C’est-à-dire retirer l’habilitation de l’Apler, sa délégation de service public, fermer l’établissement et les autres centres de l’association.

(1) Emanation du club de rugby de Lapalisse (Allier) l’Association pour l’éducation renforcée gère, outre Lusigny, cinq centres éducatifs renforcés, trois pour garçons (un à Andelaroche, près de Lapalisse, un dans le Puy-de-Dôme et un dans la région lyonnaise), deux pour filles (un en Isère, un en région lyonnaise).

Libération 23-04-04