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Le chanteur cubain Ibrahim Ferrer est mort, samedi 6 août, dans un hôpital de La Havane

Publie le lundi 8 août 2005 par Open-Publishing

Ibrahim Ferrer, le crooner de Cuba épris de boléro

de Patrick Labesse

Le chanteur cubain Ibrahim Ferrer est mort, samedi 6 août, dans un hôpital de La Havane. Il était âgé de 78 ans.

Le crooner à la voix chaude qui venait de se produire, en France, sur la scène de Jazz in Marciac, après une longue tournée européenne, est une sorte de revenant. Ibrahim Ferrer a connu une deuxième carrière et une célébrité mondiale après sa retraite, grâce à Buena Vista Social Club, le film du cinéaste allemand Wim Wenders, sorti en 1999, plus de deux ans après l’album du même nom, enregistré avec le guitariste américain Ry Cooder. Ce dernier l’avait retrouvé pour le remettre en lumière, aux côtés d’autres musiciens de la même génération : Compay Segundo, Ruben Gonzalez, Eliades Ochoa et Omara Portuondo. Le disque, primé d’un Grammy Award l’année suivante, s’est vendu à 630 000 exemplaires en France et à près de 7 millions dans le monde.

Du coup, le chanteur à la retraite retrouve une renommée internationale lors de tournées qui le conduisent en Europe comme aux Etats-Unis. Il enregistre deux nouveaux albums, Buena Social Club Presents Ibrahim Ferrer (1999) et Buenos Hermanos (2003). Gorgé de boléros et de musiques à danser, ce deuxième album solo offre à nouveau sa voix, entre satin et fêlure.

Ibrahim Ferrer est né le 20 février 1927 à San Luis, dans la région de Santiago, quittée pour La Havane à la fin des années 1950. Noir de peau, il connaît le racisme féroce sous le régime du président Batista. De son enfance, il reste des souvenirs ­ - n’ayant que peu à voir avec les jeux et l’insouciance ­ - qu’il confiait au Monde en 2003. Il évoque notamment l’absence de son père : "Il ne s’est pas du tout occupé de moi, puis est mort juste avant mes 9 ans. Ma mère est morte trois ans plus tard. Quand elle est partie, j’ai dû commencer une nouvelle vie. Je me suis mis à faire des petits boulots et à chanter pour vivre."

Ibrahim Ferrer passe dans des groupes successifs (Los Jovenes del Son, Conjunto Wilson, Conjunto Sorpresa...) avant de rejoindre l’Orquesta Chepin-Choven, l’ensemble le plus fameux de Santiago à l’époque. "Pendant le carnaval, toutes les rues étaient louées par des sociétés, comme la bière Hatuey. Celle que l’on animait avait été plantée de bananiers et appelée "El Platanal de Bartolo". C’est la rue où il y a eu le plus de danseurs. Le patron de la société locataire était tellement content qu’il a fait un pot pour nous féliciter."

"ÉMOUVANTES RENCONTRES"

Electo Rosell Horruitinier, dit "Chepin", cofondateur avec le pianiste Bernardo Garcia Choven de l’orchestre Chepin-Choven, s’inspirera de cette histoire pour écrire justement El Platanal de Bartolo, le titre avec lequel Ibrahim Ferrer connaît son premier succès. A La Havane, le chanteur intègre l’Orquesta Ritmo Oriental du fameux Benny Moré (1919-1963) ­- pour les Cubains, le nom le plus célèbre de la musique populaire. De ses nombreuses collaborations, celle qu’il entame avec le groupe Los Bocucos, de Pacho Alonso, sera la plus longue : trente- quatre ans, jusqu’à ce qu’il décide de prendre sa retraite, amer et désabusé, dans les années 1980.

Car, avant 1997, l’année de l’enregistrement de Buena Vista Social Club, le nom d’Ibrahim Ferrer est absent des pochettes des nombreux albums auxquels il participe. Une injustice, un paradoxe qui l’inciteront à déclarer un jour : "La musique m’a fait beaucoup souffrir. C’est vrai qu’à une époque j’ai été un peu dégoûté. Des gens ont abusé de ma gentillesse."

Grand sentimental, épris de boléro, "le genre romantique par excellence", Ibrahim Ferrer n’a pas l’esprit de revanche. Il savoure sa nouvelle vie comme un rêve ponctué "d’émouvantes rencontres". Ainsi ce rendez-vous avec Fidel Castro, en 2001, "l’un des plus beaux jours de ma vie".

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