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"Le direct de« Star Academy »interrompu par des intermittents

Publie le dimanche 19 octobre 2003 par Open-Publishing

PAR UN CONCOURS de circonstances, nous étions hier soir au milieu du public de « Star Academy ». Et nous avons assisté, du coup, à des scènes ahurissantes. Il est 21 h 10. Le jeune Basque Patxi s’apprête à chanter en direct du Jacques Dutronc lorsque, soudain, déboulent sur le plateau 40 à 60 inconnus. Quelques-uns sont âgés. Beaucoup sont vêtus de manteaux, de parkas et parfois de bonnets. Tous, se plantant au milieu de la scène, entreprennent de déployer (dans une premier temps à l’envers) une grande banderole : « Eteignez vos télés ». A cet instant, TF 1 « flotte », et le direct continue. Ces intermittents-là ont-ils bénéficié de complicités parmi les intermittents qui travaillaient hier soir pour TF 1 ? Une certitude en tout cas : les « gros bras » du service de sécurité ne s’attendaient pas à pareille invasion et ont été complètement débordés. Dans la salle, remplie d’ados, mais aussi de très jeunes enfants accompagnés de leurs parents, c’est la stupéfaction, puis l’incompréhension. Se retrouvent, il est vrai, face à face, une assemblée très jeune, très colorée et parfaitement ludique, et un groupe sombre, amer, incapable de surcroît de communiquer correctement.

La confusion devient totale Nikos Aliagas tente une conciliation : il propose aux envahisseurs de s’exprimer et cherche (mais en vain) leur porte-parole. Un intermittent se dévoue à reculons, mais la salle - qui avait d’abord applaudi les intermittents, comme pour mieux les inviter à partir - ne comprend rien à ce que beaucoup tiennent, disent-ils, pour du « charabia ». La confusion devient totale car d’autres intermittents affirment alors qu’ils ne diront et ne feront rien tant que leurs camarades restés à l’extérieur seront empêchés de les rejoindre. Au micro, quelqu’un assure même qu’il y a un blessé. Nikos demande que le médecin de service se rende sur les lieux. Très vite, le « chauffeur de salle » (celui qui, responsable de l’ambiance, a expliqué aux spectateurs, avant le direct, les « règles du jeu » et la bonne façon de manifester leur... enthousiasme) vient démentir : il n’y a aucun blessé. Dutronc, mal à l’aise, propose (laborieusement) aux intermittents de chanter leur colère, et leur tend son micro. Echec. La salle, retournée, siffle et hue.

Alertés, les CRS prennent position Dès lors, c’est le chauffeur de salle, devenu l’homme clé de la situation, qui va passer les consignes. Elles sont d’autant plus formelles que la moyenne d’âge dans la salle est très basse, et que quelques parents ont entrepris d’invectiver les intermittents pendant que plusieurs enfants pleurent : « Je demande à tous d’être extrêmement calmes. Surtout pas d’incidents. La direction du TF 1 a décidé d’annuler l’émission de ce soir. On ne peut pas faire autrement. Je sais que vous êtes très tristes. Mais je vous fais, au nom de TF 1, une promesse formelle : la semaine prochaine, l’émission reprendra, et vous serez tous invités. » Le public, décontenancé et furieux, quitte le studio qu’occupent toujours, sur scène, les « interrupteurs ». Au vestiaire, chacun, en maugréant, récupère ses affaires. A deux cents mètres, d’autres intermittents, se regroupant, s’autocongratulent devant les quelques vitres qu’ils ont brisées. Alertés, les CRS prennent position. Et puis, mystérieusement, à 23 h 10, sur le petit écran, succédant à « Julie Lescaut », « Star Academy » réapparaît à l’antenne. Mais d’où a surgi ce nouveau public ? Certaines séquences ne sont-elles pas préenregistrées ? Une heure et demie plus tôt, en quittant les lieux en larmes, une enfant, ahurie qu’on puisse pénétrer sur un plateau de télévision aussi aisément, avait lancé : « Et si ça avait été des terroristes, papa, qu’est-ce qu’ils faisaient ? »

Dominique de Montvalon

Le Parisien , dimanche 19 octobre 2003"