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Le droit et l’ordre israéliens

Publie le vendredi 16 juin 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

"Israël a prouvé maintes et maintes fois qu’il imposait le droit et l’ordre de façon sélective, en fonction de l’ethnie du meurtrier et de celle de la victime."

de Jonathan Cook

Pour les Arabes seulement

Imaginez le scénario suivant. Un Palestinien armé monte à bord d’un bus en Israël pour se rendre dans la cité de Netanya. Un peu avant la fin de la ligne, il se dirige vers le conducteur, braque son fusil automatique sur la tête de l’homme et tire ses balles. Il se retourne et vide le reste de son chargeur - l’un des 14 qu’il a dans son sac à dos - sur le passager derrière le conducteur et sur deux jeunes femmes assises en travers de l’allée.

Alors que les passants dans la rue à l’extérieur assistent horrifiés, notre homme armé recharge son arme et arrose le bus à tir nourri, blessant 20 personnes. Il s’approche d’une femme qui s’est réfugiée sous un siège pour essayer de se cacher de lui, il abaisse son fusil sur sa tête et appuie sur la détente. Mais son chargeur est vide. Alors qu’il essaie d’en engager un troisième, la femme se saisit du canon brûlant du pistolet pendant que les autres passagers se ruent sur lui.

Voyant l’occasion, les passants donnent l’assaut au bus et animés d’un mélange de passions - fureur, indignation et peur d’une autre attaque - ils battent l’homme armé à mort.

Recevant l’info, la télévision israélienne préfère poursuivre sa couverture d’un match de football local plutôt que de passer les meurtres. Plus tard, quand les chaînes vont couvrir ces morts, elles commencent par montrer l’image du bandit armé avec la légende « Dieu bénisse son âme » - comme ils l’auraient fait normalement pour une victime d’un attentat terroriste.

Bien que, pour le monde, le Premier ministre ait qualifié l’homme armé de terroriste, les médias à l’intérieur du pays et la police ont ciblé à la place sur le « lynchage collectif » qui a tué l’homme. La police a lancé une enquête secrète qui, après 10 mois, a conduit à l’arrestation de 7 hommes accusés de l’avoir assassiné, promettant de nouvelles arrestations par la suite. Le porte-parole de la police a qualifié l’acte de ces hommes contre le bandit armé, de « meurtre de sang-froid ».

Extravagant ? Ridicule ? Bien. Ces événements se déroulés effectivement en Israël, durant l’année passée ; sauf que le lieu n’était pas la cité juive de Netanya, mais la ville arabe de Shafa’amr, en Galilée ; sauf que l’homme armé n’était pas un Palestinien mais un soldat israélien utilisant son fusil M-16 ; sauf que les victimes n’était pas des Juifs israéliens, mais des Arabes israéliens.

Voyez comment l’histoire commence pour comprendre.

Le meurtre de 4 citoyens palestiniens d’Israël par un soldat de 19 ans, Eden Natan Zada, le 4 août de l’an dernier, peu avant le désengagement de Gaza, a été bien vite oublié par le monde. Après que les victimes arabes aient été enterrées, la seule question qui a intéressé les Israéliens était : qui a tué Zada ? Hier, ils ont apparemment obtenu leur réponse : sept hommes de Shafa’amr ont été rassemblés par la police israélienne pour passer en jugement pour meurtre de « sang-froid ».

Personne n’a remarqué l’indifférence des officiels à l’égard des familles des tués de Shafa’amr, toutes se sont vu refuser le paiement des fortes indemnités qui sont versées aux victimes israéliennes du terrorisme palestinien. Un comité ministériel a jugé que, Zada étant un soldat en service, son attaque ne pouvait être considérée comme un incident terroriste. Apparemment, seuls les Arabes peuvent être des terroristes. A ce jour, l’Etat n’a pas donné aux familles un penny d’une indemnité qui est automatiquement attribuée aux familles juives.

Il n’y a eu aucune enquête pour savoir pourquoi Zada, bien connu pour ses idées extrémistes, a été autorisé à quitter son unité « en absence illégale » pendant des semaines, sans qu’on cherche sa trace. Ou pourquoi les avertissements répétés de sa famille, selon lesquels il avait menacé de faire quelque chose d’« épouvantable » pour arrêter le désengagement, ont été ignorés par les autorités. Personne n’a demandé pourquoi, quelques jours avant son attaque, la police a renvoyé Zada alors qu’il voulait rendre son fusil.

Plus troublant encore, personne n’a cherché à savoir pourquoi Zada, qui a appartenu à un mouvement raciste et illégal, le Kach, qui exige l’expulsion, sinon l’élimination des Arabes de la Terre sainte, a été autorisé à servir dans l’armée. Comment, lui et des milliers d’autres partisans du Kach ont pu être laissés en paix pour promouvoir leurs idées monstrueuses ? Pourquoi ces activistes du Kach, de jeunes israéliens essentiellement, peuvent manifester ouvertement contre le désengagement de Gaza, assaillir les policiers et les soldats, alors que le groupe est supposé clandestin ?

Et pourquoi les autorités n’ont-elles pas interpellé et questionné les amis du Kach de Zada, en Cisjordanie, dans la colonie de Tapuah, après l’attaque ? Pourquoi leur participation possible dans le projet n’a-t-elle jamais été examinée, ni leur rôle pour l’inciter à la commettre ?

La question fut que les autorités israéliennes ont voulu que Zada soit isolé comme malfaiteur, seul et fou, comme Baruch Goldstein avant lui, le docteur armé qui, en 1994, a ouvert le feu dans la ville palestinienne d’Hébron, tuant 29 fidèles musulmans sur la Tombe du Patriarche et en en blessant 125 autres. Bien qu’Yitzhak Rabin, le Premier ministre de l’époque, ait dénoncé Goldstein comme de la « mauvaise herbe », un tombeau et un parc ont été érigés pour lui tout près, dans la colonie de Kyriat Arba, où il est vénéré comme un « saint » et « une homme juste et béni ». Loin d’être isolé, son tombeau attire régulièrement des milliers de Juifs israéliens qui se rassemblent en plein territoire palestinien pour l’honorer.

Au lieu de s’en être pris à cette pression croissante du fondamentalisme juif et de l’éradiquer à la suite de l’attaque terroriste de Shafa’amr, Israël a annoncé que rechercher et punir les hommes qui avaient tué Zada était la priorité. C’était une question de droit et d’ordre, a dit Dan Ronen, le commandant pour le secteur nord des forces de police. Il a déclaré à un média hébreu : « Dans un pays de droit et d’ordre, en dépit des sensibilités, les gens ne peuvent pas faire ce qu’ils jugent bon. J’espère que le secteur arabe fera preuve de maturité et de responsabilité. »

Cela résonne comme un deux poids deux mesures scandaleux pour les citoyens de Shafa’amr, et pour plus d’un million de citoyens palestiniens. Faire respecter la loi n’a jamais été un souci premier quand les victimes sont des Juifs et les victimes des Arabes, même quand les meurtres se produisent en Israël.

Les citoyens arabes n’ont pas oublié le massacre de 49 hommes, femmes et enfants par une unité de l’armée qui a imposé un couvre-feu de dernière minute sur le village israélien de Kfar Qassem, en 1956, exécutant les villageois - arabes, naturellement - au check-point, un par un, alors qu’ils rentraient sans méfiance à leur domicile après une journée de travail dans leurs champs. Pendant le procès des soldats, les journalistes d’Ha’aretz ont écrit que les soldats avaient reçu une augmentation de salaire de 50 % et qu’il était évident que les hommes « n’étaient pas traités comme des criminels mais comme des héros » ; le commandant a été condamné à une amende d’un penny.

Personne n’a rendu compte quand six citoyens arabes désarmés ont été abattus par les services de sécurité dans la ville de Sakhnin, en Galilée, en 1976, alors qu’ils manifestaient contre une nouvelle vague de confiscations de terre qui privaient les communautés rurales arabes de leurs terres arables. Le Premier ministre de l’époque, encore Rabin, avait même refusé d’ordonner une enquête.

Quelque 25 années plus tard, en octobre 2000, une enquête a été ordonnée pour le meurtre par la police de 13 Arabes non armés en Galilée, alors qu’ils protestaient contre la mort de Palestiniens sur le noble Sanctuaire à Jérusalem - ce fut le déclanchement de l’Intifada. Six années plus tard, cependant, pas un seul policier n’a été inculpé pour ces morts en Israël. Même les commandants qui ont illégalement autorisé l’usage d’une unité de snipers anti-terroristes contre des manifestants armés seulement de pierres, n’ont pas été punis.

Les citoyens arabes d’Israël connaissent bien aussi le récit de « l’affaire du bus 300 » de 1984, quand deux Palestiniens armés des Territoires occupés ont été capturés après le détournement d’un bus en Israël. Embarqués menottés par le service de sécurité du Shin Bet, les deux hommes ont été plus tard signalés morts. Personne n’a jamais été inculpé pour les meurtres, bien qu’on savait largement à l’époque qui avait tué ces hommes ; plus tard, un dirigeant en fonction du Shin Bet, Ehud Yatom, a reconnu que le crâne des hommes avait été brisé à coups de pierres. En 1986, pour prévenir toute menace d’accusations, le Président de l’époque, Chaim Herzog, a accordé aux agents du Shin Bet impliqués, une amnistie contre toute poursuite.

S’il était démontré devant le tribunal que Zada avait été en fait battu à mort, après que la foule ait sut qu’il avait été maîtrisé, alors il faudra prendre ce récit en considération, avec tous ces dénis de justice successifs de l’Etat pour les Arabes, victimes de sa violence. Car personne ne peut raisonnablement s’attendre à ce que des spectateurs restent impassibles sachant que Zada, comme d’autres émissaires juifs de l’Etat avant lui, n’aurait reçu aucune condamnation ni même quelques années de prison, mais qu’il aurait reçu le pardon pour avoir tué des Arabes plutôt que des Juifs.

Israël a prouvé maintes et maintes fois qu’il imposait le droit et l’ordre de façon sélective, en fonction de l’ethnie du meurtrier et de celle de la victime.

Le commandant Ronen faisait observer lors d’une conférence de presse après les arrestations de Shafa’amr : « Depuis octobre 2000, nous sommes revenus de loin dans nos relations avec le secteur arabe ». Si cela était vrai, ce qui est douteux, les autorités ont encore fait bien des efforts pour mettre en pièce ce qui restait de confiance.

Jonathan Cook est un écrivain et journaliste basé à Nazareth, Israël. Il est l’auteur du prochain Sang et Religion : démasquer l’Etat juif et démocratique, publié par Pluto Press, et disponible aux USA à la presse de l’université du Michigan.

Son site : http://www.jkcook.net

http://www.protection-palestine.org...

Messages

  • Ce fait est abominable et passé sous silence, bien-sûr. Deux poids, deux mesures. Cela n’aide pas à construire la paix. Si on pouvait condamner avec autant de force TOUS les attentats, meurtres, violences, d’où qu’ils viennent, on ferait un grand pas dans la bonne direction.

  • Pourquoi Monsieur Olmert peut-il venir à Paris demander :le « respect de tous les accords conclus par le passé » sans qu’un énorme éclat de rire lui réponde ?

    « En fait cette différence française ne choque pas outre-mesure car Ehoud Olmert lui-même a toujours affiché sa volonté de discuter avec le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et n’a pas manqué de le rappeler au cours de son séjour parisien au grand soulagement de ses interlocuteurs. Pour cela, le premier ministre israélien pose des conditions connues et dans l’ensemble acceptées par la communauté internationale : arrêt du terrorisme, respect de tous les accords conclus par le passé et reconnaissance d’Israël. »

    http://www.lemonde.fr/web/article/0...

    << RESPECT DE TOUS LES ACCORDS CONCLU PAR LE PASSE >>

    Que Monsieur Olmert respecte le droit international et la paix juste suit aussitôt.

  • Il n’y a pas de mots pour dire toute l’horreur que cet Etat suscite, le dégoût, la révolte.

    Israël est un Etat (si l’on peut parler d’Etat) monstrueux. Illégal. Raciste. Une théocratie fanatique. Le chancre de la planète. Un condensé d’assassins. L’allégorie -matérielle, hélas- de l’injustice et de l’inhumanité.