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Le menuet entre Royal et Bayrou et Sarkozy qui se pose en victime

Publie le mardi 1er mai 2007 par Open-Publishing

de Daniele Zaccaria traduit de l’italien par karl&rosa

"Après vous", "Non, après vous, je vous en prie".

Plutôt qu’un débat, un ballet courtois entre de vieux amis, celui entre Ségolène Royal et François Bayrou, la finaliste et le « troisième homme » des présidentielles françaises.

Un « dialogue transparent » précisent les protagonistes, qui ont discuté et péroré pendant deux heures, en tombant d’accord sur presque tous les grands dossiers de la politique, des réformes institutionnelles à la liberté d’information, de la solidarité sociale à l’école, en passant par les questions environnementales.

Les seules divergences concernent l’économie : Bayrou considère "trop étatistes" les recettes de Royal, qui selon lui, voudrait dépenser "de l’argent qu’il n’y a pas", la candidate socialiste a exhibé un grand optimisme, soutenant que la France a "d’amples marges de croissance économique".

Mais il s’agit de divergences largement négociables. La véritable substance politique de la rencontre est dans les paroles par lesquelles Ségolène a salué son interlocuteur : « Nous ferons un bout de chemin ensemble. »

Aucun accord politicien, expliquent les intéressés, aucune « adhésion » au projet de l’autre, pour l’amour de Dieu. Le risque de la performance qui a eu lieu hier (que le quotidien de gauche Libération qualifie d’ « étrange exercice de convergence ») est très clair, surtout pour Royal, qui, malgré les sondages défavorables, a encore toutes ses chances de devenir présidente. En échangeant des gentillesses et des civilités, comme des sourires et des galanteries œcuméniques, les deux personnages ont souligné face à des millions de Français un rapport d’estime et de respect réciproques.

Mais ils peuvent aussi avoir donné l’impression d’animer un débat ennuyeux, instrumental et consensuel à tout prix, en particulier aux indécis, à ceux qui ne se sentent représentés par aucun parti et qui au contraire, sont déçus et écoeurés par les magouilles de la politique politicienne : « Il n’y aura aucune alliance entre nous, ce n’est pas à cela que s’attendent les électeurs. », a souligné Ségolène. Mais la précaution rhétorique n’élimine pas la suspicion qu’un petit marché politique, un échange de faveurs à restituer avec les intérêts aux élections législatives de juin soit en cours entre les socialistes et les centristes.

Nicolas Sarkozy, le spectre jamais nommé mais qui planait toujours dans les presque deux heures de confrontation entre la candidate du PS et le député centriste, le sait bien. Hier, le grand favori du ballottage de dimanche (les derniers sondages publiés par l’institut Ifop le voient en tête 52,5% à 47,5%) a dû être plus d’une fois mal à l’aise.

Surtout quand Royal et Bayrou se sont attaqués au thème controversé de la liberté de l’information française en lançant un cri d’alarme inquiétant sur le « contrôle politique » des médias, sur la collusion entre de grands groupes et la classe dirigeante, sur le « pluralisme » menacé par « l’ arrogance ». La référence au lobbysme médiatique de Sarko, ami personnel des plus grands éditeurs et magnats de l’information (de Serge Dassault à Martin Bouygues, d’Edouard Rothschild à Arnaud Lagardère), accusé explicitement par Bayrou d’avoir « intimidé » la direction de Canal+ pour faire sauter la rencontre télévisé avec Royal, semble plus qu’évidente.

Et elle confirme la stratégie du « bloc anti-sarkoziste » qui est en train de se former entre les deux tours présidentiels, un projet « en négatif » qui, bien qu’il renforce la candidature de Royal, possède un haut coefficient de risque : faire passer l’adversaire comme une victime de la politique des palais du pouvoir et d’une campagne « de haine » contre sa personne. Et alimenter par conséquent l’illusion qu’il serait vraiment « l’homme nouveau » de la scène française, l’électron libre qui n’a pas besoin de marchander avec les partis, lesquels, animés par leur mauvaise foi et par des complexes d’infériorité, s’allient contre lui pour l’empêcher de rénover le Pays par ses « ruptures » et ses « visions » révolutionnaires.

Naturellement, cela est absolument faux. Au contraire, les premiers à avoir ouvert le marché des transferts, en promettant des fauteuils et des places au soleil aux notables de l’UDF sont justement les prétoriens de Sarko, qui ont déjà « acheté » la moitié du groupe parlementaire de Bayrou. Mais il s’agit d’opérations sous la table, et donc peu identifiables par les électeurs. Le menuet de l’hôtel Westin s’est, au contraire, disputé au grand jour, en prêtant le flanc au vaste répertoire populiste de Sarko, lequel a commenté le débat par un classique du genre : « Ce sont des combines d’hôtel, mon hôtel est ici, sur le terrain. »

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