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Le président Barroso maintient sa confiance au commissaire italien taxé d’homophobie

Publie le mercredi 13 octobre 2004 par Open-Publishing

Le cirque Buttiglione à la Commission

Par Eric JOZSEF et Jean QUATREMER

José Manuel Barroso n’a aucune intention de renvoyer à Rome Rocco Buttiglione. Hier, le président élu de la Commission européenne qui prendra ses fonctions le 1er novembre a « maintenu sa confiance » au commissaire italien, en dépit de ses propos jugés homophobes et machistes qui ont entraîné, lundi soir, un avis négatif sur sa candidature de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen. Barroso refuse même de décharger l’ancien ministre démocrate-chrétien du gouvernement Berlusconi du portefeuille Liberté, Sécurité et Justice, et de l’affecter à un poste moins sensible. Ce faisant, il choisit l’affrontement avec le Parlement qui doit investir, lors de sa session plénière du 27 octobre, l’ensemble de sa Commission.

« Péché ». Rocco Buttiglione, un proche de Jean Paul II, n’a pas fait dans la finesse en qualifiant, lors de son audition du 7 octobre, l’homosexualité de « péché » et en estimant que « la famille existe pour permettre à la femme de faire des enfants et d’être protégée par un mâle ». Lors du vote à bulletins secrets organisé par Jean-Louis Bourlanges (UDF, groupe des libéraux et des démocrates pour l’Europe, ADLE), président de la Commission des libertés civiles, 27 députés contre 26 ont estimé qu’il n’était pas apte à occuper le portefeuille de la Justice. Puis, par 28 contre 25, ils ont jugé qu’il devait rentrer chez lui... Un vote sans précédent depuis que le Parlement auditionne les candidats-commissaires.

L’affaire a mis en émoi la majorité de Berlusconi. Le chef du gouvernement italien a donné le ton, qualifiant la décision d’« obscurantiste ». La droite, soutenue par le Vatican, s’emploie à présenter la censure contre Buttiglione comme une manoeuvre anticatholique et antiberlusconienne. « C’est une attaque grave non seulement contre l’Italie mais contre le monde catholique », a estimé le ministre (Alliance nationale) pour les Politiques agricoles, Gianni Alemanno. « En sommes-nous à l’épuration ? Faut-il s’attendre à une vague de persécutions contre les catholiques ? » a affirmé le parlementaire de Forza Italia Maurizio Lupi. « On ne peut pas accepter d’être mis sous tutelle », aurait en outre confié Berlusconi à ses collaborateurs. « On n’en a rien à faire de cette Europe en proie à la dérive zapatériste et almodovarienne qui renie ses valeurs », a lancé le sénateur Riccardo Pedrizzi, d’Alliance nationale, tandis que son collègue de parti, ancien combattant de la république sociale de Salo et actuellement ministre des Italiens de l’étranger, Mirko Tremaglia, a choisi d’exprimer sa solidarité avec Buttiglione en déclarant : « Pauvre Europe, les tantouzes y sont majoritaires. »

Risque sérieux. Barroso a manifestement entendu ces complaintes. Après tout, il est lui-même de droite. Mais il prend un risque sérieux en maintenant Buttiglione, le groupe charnière des libéraux-démocrates ayant basculé, dans cette affaire, du côté de la gauche. Or le PPE-DE (conservateurs), qui soutient Buttiglione, même s’il est le principal groupe de l’Assemblée, n’a pas la majorité à lui seul (268 députés sur 732). L’ancien Premier ministre portugais espère manifestement que les eurodéputés hésiteront à censurer l’ensemble de sa Commission, puisqu’ils n’ont pas le pouvoir de rejeter les commissaires individuellement. Refuser la confiance, cela signifierait renvoyer tout le monde à la maison. Les eurodéputés oseront-ils déclencher une telle crise ?

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