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Le scandale du vrai

Publie le lundi 14 septembre 2009 par Open-Publishing
3 commentaires

de Hermes

Quelque chose de scandaleux aura donc agité l’actualité. Non pas les propos ouvertement racistes d’un Ministre mais le fait qu’ils puissent avoir été diffusés sur Internet.


"Le vrai sujet n’est pas sur la scène elle-même" mais la façon dont la vidéo a atterri sur internet et dont "l’ensemble du monde médiatique" s’est "emballé sur cette histoire", a estimé le patron des députés UMP.
"Il y a derrière ça un débat de fond qui est celui du rôle que nous allons laisser à internet en matière de diffusion de l’information", a encore dit Jean-François Copé.

Qu’un des hommes clés du parti au pouvoir puisse s’exprimer ainsi est révélateur de cette tentation d’un internet à la chinoise et à l’iranienne : cet idéal d’un univers muselé pour ceux qui méprisent la démocratie.

Ainsi l’événement devient-il « la scène » - puisqu’il n’y aurait plus de réel mais une « mise en scène » qui ne serait plus un « vrai » sujet !

Cette scène ne relèverait donc que d’un montage, d’’une fiction. Et toujours ce jeu de passe passe où les escrocs désignent un leurre pour une réalité. Donc ce qui s’est produit serait le contraire de l’information.

Celle que Copé se promet de défendre en muselant internet : « Le rôle que nous allons laisser à internet en manière de diffusion de l’information. »
Il ne s’agit ni d’un avertissement ni d’une menace mais bel et bien d’une annonce relayée, ici ou là, par ces « professionnels » de l’information.

Les joueurs de bonneteau ont de l’avenir dans ce cirque médiatique.

Rappelons quand même ce qu’ils sont : les salariés de Lagardère et des autres grands amis du pouvoir, les obligés du Cac 40 et pour le service public des journalistes contrôlés par celui que le Président aura lui-même nommé ! Voila donc du sérieux, de la déontologie : la réalité sera bien interprétée.

Quant à Sarkozy, il a déclaré : » Je n’ai vraiment pas de temps à perdre avec ça. »

« Ça », cette scène obscène d’un réel qu’il ne veut plus voir au point de transformer les travailleurs par des figurants comme hier les fausses vitrines s’alignant sur les boulevards de Berlin Est.
« Ça » doit disparaître et la fiction sarkozienne devra s’imposer. Ainsi la grosse caisse médiatique forte de ses appuis et de ses prérogatives, elle, la vraie professionnelle, est convoquée pour cette triste besogne.

Dans son article « Internet, bouc émissaire des lâchetés journalistiques »,Pierre Haski dans Rue 89 écrit :

« On croit rêver : un des principaux ministres de la République fait une plaisanterie raciste sous les regards d’une caméra de télévision, et le problème, ce serait … internet ! Dans la déferlante des commentaires qui entoure l’« affaire Hortefeux » depuis deux jours, il n’y a rien de plus stupéfiant, de plus consternant à mon sens, que ces brillantes analyses qui ne voient qu’un seul coupable : le web.
Notre confrère Jean-Michel Blier,
dans le journal de Soir3 vendredi, en a donné l’exemple le plus caricatural, en opposant les « rumeurs » et le « caniveau » véhiculés par Internet, et « les informations vérifiées comme celles du journal télévisé »….
Transformer la réalité pour appuyer sa démonstration, ça s’appelle de la manipulation, pas de l’information. Quand on veut donner des leçons, on devrait éviter cette pratique peu éthique. »

Alors ne rêvons pas : les pressions exercées sur tel ministre pour obtenir sa démission sont d’un autre âge. Plus celles-ci augmenteront, plus le pouvoir exhibera son cynisme. Quand on détient tout y compris la justice et les médias, pourquoi se gêner ?

Or la suite on peut l’anticiper quand on sait cette conduite addictive de Sarkozy lui-même : Toujours plus ! Le pouvoir est pour lui cette drogue dont la dose doit être sans cesse multipliée. Soyons certains que sur les traces de Berlusconi c’est toute la presse indépendante, en France, qui sera bientôt la cible du pouvoir.

Que les journalistes comprennent donc qu’opposer les « rumeurs » d’internet à leur « professionnalisme » est cette fiction dont ils seront victimes demain.


Ps : Le pouvoir en rajoute aujourd’hui une couche sous la plume d’Henri Guaino, cité par Rue 89 et accusant Internet d’être une zone de non-droit et de non-morale ! Oui nous ne rêvons toujours pas...Henri Guaino juge qu’Internet, accusé de favoriser la diffusion de ces images embarassantes, n’est pas encore un espace mûr, en terme de rapports éthiques et sociaux :

« Pour l’instant nous n’avons pas appris collectivement à nous servir de la meilleure façon des nouvelles technologies de communication. Internet ne peut être la seule zone de non-droit, de non-morale de la société, la seule zone où aucune des valeurs habituelles qui permettent de vivre ensemble ne soient acceptées. Je ne crois pas à la société de la délation généralisée, de la surveillance généralisée. "

HADOPI, c’est quoi Monsieur Guaino ?

http://nouvelhermes.blogspot.com/2009/09/le-scandale-du-vrai.html

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