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Les Etats-Unis ont un programme secret de sécurisation de l’arsenal nucléaire pakistanais

Publie le lundi 19 novembre 2007 par Open-Publishing

Les Etats-Unis ont un programme secret
de sécurisation de l’arsenal nucléaire pakistanais

LE MONDE | 19.11.07 | 14h41 • Mis à jour le 19.11.07 | 14h41
NEW YORK CORRESPONDANT

Sur les 10 milliards de dollars d’aide que Washington a fournis au Pakistan depuis le 11 septembre 2001 figurait une ligne budgétaire ultrasecrète : afin de sécuriser son arsenal nucléaire, l’armée pakistanaise a reçu 100 millions de dollars depuis six ans.

L’information a été révélée, dimanche 18 novembre, par le New York Times. L’aide américaine incluait la fourniture de matériel de détection et la formation de personnel spécialisé. Un centre de formation, qui aurait dû ouvrir cette année au Pakistan, n’est cependant pas achevé. Le quotidien américain a précisé "être au courant de ce programme secret depuis plus de trois ans" et avoir accepté de surseoir à la publication de ses informations "à la demande de l’administration Bush". La Maison Blanche aurait levé son opposition la semaine dernière.

Le journal rapporte qu’un vif débat oppose les experts et les militaires américains depuis qu’Islamabad a fait exploser sa première bombe atomique, en 1998. Son objet : les Etats-Unis doivent-ils fournir au Pakistan un système (le PALS) qui empêche l’utilisation d’une arme nucléaire à quiconque ne détient pas une série de codes d’accès ? Les Etats-Unis ont secrètement partagé ce système avec la France dans les années 1970, puis avec la Russie, après la chute de l’URSS.

Nombre de scientifiques jugent que ce système doit être mis à la disposition de tous les gouvernements dotés de l’arme nucléaire afin d’ôter à des forces non identifiables toute possibilité d’utilisation. Les militaires s’y refusent car le PALS permet à son détenteur de doter ses missiles de têtes nucléaires avec beaucoup moins de risques. A ce jour, Washington n’a pas fourni ce système à l’armée pakistanaise, seule maîtresse de son programme nucléaire.

Celle-ci, de son côté, aurait cherché par ses propres moyens à acquérir cette technologie. Et elle a toujours refusé de fournir aux Américains des détails précis sur l’état d’avancement de son arsenal.

Les généraux pakistanais craignaient que, livré par Washington, ce système ne soit doté d’éléments cachés lui permettant de mieux connaître son arsenal et, éventuellement, de le désactiver.

Ce débat prend d’autant plus d’ampleur aux Etats-Unis que l’avenir du Pakistan, sous l’égide du général Musharraf, apparaît incertain. Washington récuse l’instauration de la loi martiale, mais s’inquiète de la montée en puissance de forces djihadistes. Si une partie de l’armée basculait de leur côté, elles pourraient, craint-on, s’approprier l’arme nucléaire.

Comment gérer la crise pakistanaise ? La question devient très préoccupante à Washington. Avec son corollaire, qui faisait, ce week-end, l’objet de nombreux commentaires : à qui a bénéficié la "relation Bush-Mush", comme on la nomme ici par dérision ? Autrement dit : le président américain a-t-il eu tort, depuis six ans, de maintenir sa confiance à son homologue pakistanais ? M. Bush a souvent évoqué son "amitié" personnelle avec Pervez Musharraf. "Etes-vous avec nous ?", lui avait demandé le président américain en novembre 2001.

Sa réponse lui avait paru suffisamment catégorique pour qu’il bénéficie du "pacte" que l’Amérique avait conclu avec lui. Ce même homme, aujourd’hui, le "défie", après avoir signé, fin 2006, un accord avec les dirigeants des zones tribales pakistanaises qui, pour le président afghan Hamid Karzaï, officialise une base de repli des talibans le long de sa frontière.

Zian Mia, physicien pakistanais et spécialiste des questions nucléaires à Princeton, estime que Washington "critique publiquement Musharraf mais le soutient de fait, par absence d’alternative". "Si la situation se dégradait, il lui resterait à trouver un remplaçant plus fiable", ajoute-t-il.

Le nom qui revient parfois est celui d’Ashfaq Kiani, l’actuel chef d’état-major adjoint et ex-patron des services de renseignement (ISI) qui ont la haute main sur le programme nucléaire pakistanais.

Ambassadrice américaine à Islamabad lors du 11-Septembre, Wendy Chamberlin a déclaré récemment : "Notre relation avec l’armée et le peuple pakistanais est indispensable" mais, a-t-elle ajouté, "elle ne dépend pas d’un seul homme".

Sylvain Cypel

Article paru dans l’édition du 20.11.07.