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Les élus n’ont pas à définir le sens de l’histoire

Publie le jeudi 20 octobre 2005 par Open-Publishing

Les historiens et enseignants, toujours très hostiles à la loi qui leur demande de ne pas oublier "le rôle positif" de la colonisation française, accueillent avec une satisfaction prudente la décision du ministre de l’Education nationale de ne pas modifier les programmes scolaires dans ce sens.

Après plusieurs mois de tollé provoqué par le vote en février d’un article de loi demandant que "les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord", Gilles de Robien a en effet précisé dimanche que le texte "n’implique aucune modification des programmes actuels".

Le ministère de l’Education a par ailleurs assuré à l’Associated Press qu’aucune
instruction n’avait été donnée aux enseignants pour modifier l’approche de la colonisation, et que les programmes scolaires qui définissent le contenu des enseignements ne devraient pas changer.

La prise de position de Gilles de Robien "calme le jeu", a réagi Dominique Comelli, professeur d’histoire chargée de la réflexion autour de cette matière au Syndicat national des enseignements de second degré (SNES, majoritaire dans le secondaire).

"C’est le bon sens", a salué Claude Liauzu, professeur émérite à l’université Denis Diderot-Paris 7 et initiateur d’une pétition protestant contre l’instauration d’une "histoire officielle". "Mais il faut aller jusqu’au bout et dire qu’on va abroger cet article s’il ne sert à rien", a-t-il insisté, répétant l’exigence qu’il défend depuis le mois de mars.

En effet, les inquiétudes suscitées par l’article 4 de la loi du 23 février ne sont pas complètement levées, certains craignant toujours que l’enseignement actuel de la colonisation soit contesté : "On peut très bien imaginer un enseignant qui va expliquer que la colonisation c’était le paradis, ou un parent d’élève dire à un professeur qu’il ne respecte pas la loi parce qu’il ne parle pas de cette époque d’une façon suffisamment ’positive’ à son goût", s’alarme Claude Liauzu.

Surtout, les historiens et les enseignants continuent de rejeter cette intervention inédite du Parlement dans l’approche scolaire d’un fait historique. "A notre connaissance, c’est la première fois qu’il y a une incursion du politique dans la définition de l’interprétation d’un événement", souligne Benoît Falaize, chercheur en histoire à l’Institut national de recherche pédagogique.

Et malgré les assurances du ministre, cette loi a suscité une "réflexion" chez les éditeurs scolaires et pourrait influencer la présentation de la colonisation dans les futurs manuels. "On n’envisageait pas la colonisation sous un aspect négatif, mais on respecte toutes les directives officielles", a expliqué sous couvert d’anonymat la responsable d’une maison d’édition scolaire jointe par l’AP.

Quant à l’abrogation de la loi demandée par les historiens, le gouvernement renvoie la question au Parlement, qui avait pris l’initiative d’introduire cet article.

D’ores et déjà, une proposition de loi en ce sens a été déposée le 27 juin par le sénateur communiste Guy Fischer (Rhône), mais son examen par les parlementaires n’est toujours pas programmé. PARIS (AP)