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Les familles expulsées de deux squats parisiens attendent, déterminées, "une solution de relogement décent"

Publie le dimanche 4 septembre 2005 par Open-Publishing

de Pascal Ceaux

Le vieil arbre est devenu un point de ralliement. Les familles africaines ont pris racine à l’ombre du feuillage, vendredi 2 septembre, au milieu de ce square du 19e arrondissement de Paris, dont elles veulent faire leur domicile provisoire. Elles ne sont qu’à une centaine de mètres du squat qu’elles occupaient illégalement et dont elles ont été expulsées par la police, le matin, rue de la Fraternité (Le Monde du 3 septembre). Elles attendent les tentes qu’une association doit leur apporter.

Les enfants, qui ont manqué la rentrée des classes, courent sur l’herbe, et les parents discutent. Ni cris, ni énervement, mais une détermination tranquillement affirmée. "On ne bougera pas de là, tant que nous n’aurons pas de solution de relogement décent", lance Karim, un Ivoirien de 28 ans, au nom de la centaine d’occupants du square.

A la différence des personnes expulsées au même moment, vendredi matin, dans le 14e arrondissement, les habitants de l’ancienne imprimerie de la rue de la Fraternité ont refusé l’hébergement dans des hôtels.

"UNE VRAIE VIE EN COMMUN"

Ousmane, 35 ans, marié, et père d’une petite fille de 4 ans née en France, est arrivé à cette adresse en 2000. Originaire de Côte d’Ivoire, comme la majorité des habitants du squat, il vit de petits boulots au noir dans la sécurité. "Je suis venu en France en septembre 1998, raconte-t-il. J’ai d’abord habité en banlieue, chez un parent. Puis, ma femme m’a rejoint. Et nous nous sommes installés là. Il y avait beaucoup d’entraide, une vraie vie en commun, comme en Afrique. On faisait attention à la sécurité".

"On ne comprend pas pourquoi ils s’en sont pris à nous, poursuit Karim. Il n’y avait pas de squat mieux organisé que le nôtre". Extincteurs, exercices d’évacuation, rondes de nuit, les habitants assurent qu’ils s’étaient prémunis des risques d’incendie. Il était, en outre, acquis que l’ensemble des familles serait relogé d’ici à mars 2006, à la suite d’une négociation avec la mairie (PS) d’arrondissement. Avant l’intervention policière, une nouvelle réunion était prévue, samedi, sur le sujet. "En plus, le lieu n’était pas vraiment insalubre", affirme François Dagnaud, premier adjoint (PS) au maire du 19e arrondissement.

La préfecture de police a estimé le contraire, indiquant dans un communiqué que le lieu, comme celui du 14e arrondissement, était connu "pour comporter des risques à l’occupation". Le bâtiment est la propriété d’une société civile immobilière (SCI) qui avait obtenu une ordonnance d’expulsion des occupants illégaux. Vendredi après-midi, alors que l’entrée de la rue était encore barrée par les policiers, les accès au squat d’un étage étaient en train d’être murés. Un escalier raide donne accès au bâtiment. Deux extincteurs, un par niveau, sont en place depuis décembre 2004, aux dires des familles. Une sortie de secours est désignée par des flèches. Des bouteilles de gaz traînent dans les cuisines ; l’électricité et l’eau fonctionnent normalement. Des cafards courent sur les murs.

Ultimes vestiges de la présence des habitants : un poster de Bob Marley, des chaussures de sport qui jonchent le sol, et des vêtements en pagaïe sur la coursive qui entoure l’étage supérieur où se concentrent l’essentiel des chambres. Les meubles de poids et le matériel ménager sont restés là. Ils seront placés au garde-meuble aux frais du propriétaire.

"Chaque été, c’était l’inquiétude, la peur de l’expulsion, témoigne B. A., 31 ans, neveu de l’une des victimes de l’incendie du boulevard Vincent-Auriol. Et cela a fini par arriver, quand on ne s’y attendait pas vraiment". Vendredi matin, la police s’est abstenue de demander leurs papiers aux occupants. Quelques-uns d’entre eux, comme Ousmane, sont en situation irrégulière. "Sans titre de séjour, je crains de ne pas avoir droit à quoi que ce soit. Il va falloir qu’on se batte".

Les familles expulsées de la rue de la Tombe Issoire, dans le 14e arrondissement, ont été relogées dans des hôtels. Elles aussi originaires de Côte d’Ivoire doivent rencontrer, lundi 5 septembre, des représentants de la préfecture. "On nous a promis des solutions, assure le délégué Souleyman Kone. Si nous ne voyons rien venir, nous entamerons une action".

Une première réunion s’est tenue, vendredi soir, entre représentants de l’Etat et de la mairie. Selon l’un des participants, le préfet de Paris a dit que l’Etat tiendrait ses engagements de relogement pour les expulsés du 19e arrondissement. Et examinerait avec bienveillance certaines demandes de régularisation.

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