Accueil > Les paysans sont sur la paille…

Les paysans sont sur la paille…

Publie le jeudi 22 octobre 2009 par Open-Publishing
6 commentaires

Mais ne va-t-on pas nous rouler dans la farine ?


ET voilà que la paysannerie est une fois de plus dans la rue… clamant sa misère et accusant l’Etat de la mettre sur la paille ! L’Etat ou l’Europe ? Là se trouve un distinguo d’importance car ne nous y trompons pas, les oukases réduisant les aides agricoles viennent bien de Bruxelles et non de Paris. Et le quidam de voir avec désolation des dizaines de tonnes de carottes, de pommes, etc… répandues dans les rues ou sur les trottoirs ; des dizaines de milliers de litres de lait déversés ici ou là « pour alerter ». Et pendant ce temps-là, un peu plus d’un milliard de personnes meurt de faim…

Outre le fait que beaucoup de Français ont des difficultés pour payer leur caddie de légumes, force est de constater que nous n’avons pas vu de carcasses de cochons jetées à la rue. Et pourtant voici des années qu’ils « vendent » à perte, en dessous du prix de revient.

Et qu’a-t-on vu encore ? Des milliers de tracteurs envahir nos villes, tous plus beaux les uns que les autres, avec air conditionné, GPS, radio, réfrigérateur et tout le toutim. Sur les places publiques, c’était un étalage de richesse et de misère. On a vu des banderoles réclamant de l’argent tout de suite « pour simplement boucler en trésorerie les semaines à venir ». On a vu des leaders haranguer un auditoire tout acquis aux revendications syndicales ; on a vu des préfectures arrosées de lisier…

Et les quidams de ne pas très bien comprendre la pièce qui se jouait devant leurs yeux car, si les paysans perdent de l’argent, ils payent toujours de plus en plus cher les denrées produites par les agriculteurs et les éleveurs. En fin de mois, au supermarché, leur caddie devient inabordable.

Alors à quoi joue-t-on ? Gageons sans grand risque d’erreur que les grands céréaliers de la Beauce ou de la Brie n’étaient pas présents dans les manifestations ; pas plus les exploitants agricoles actionnaires de Limagrain qui s’apprête à produire des semences OGM (voir l’article « Des OGM auvergnats ? »). Pas plus non plus ces sociétés propriétaires d’immenses terres agricoles et qui emploient des entreprisses pour labourer, pour semer, pour traiter et pour récolter ; pas plus encore ces propriétaires terriens privés qui se contentent de « ramasser » les dividendes que rapportent leurs propriétés (ce sont nos rentiers d’aujourd’hui).

Non ! Nous avons vu une partie de la paysannerie qui est de toute façon condamnée à plus ou moins long terme. Aujourd’hui, le paysan qui a moins de 100 hectares devient un forçat de la terre, même pas un smicard. Pour s’en sortir, il n’a que deux solutions : se rapprocher du consommateur par de la vente directe ou produire de grande qualité bio. La grande culture n’est plus pour lui car il n’a plus les moyens de se « payer » le matériel, ni de l’entretenir ce qui fait qu’il est obligé d’en passer par des entreprises extérieures à son exploitation notamment les moissonneuses pour les récoltes. Il n’a pas non plus les silos de stockage qui lui permettraient de vendre « au meilleur prix » selon des cours aujourd’hui mondiaux.

Nous avons donc bien face à face deux mondes paysans : le petit qui est en état de survie et qui tient grâce à des aides distribuées avec parcimonie et les gros qui ont du personnel, le matériel adéquat, des moyens de stockage et des terres immenses qui les mettent en grande partie à l’abri des aléas climatiques.

En fait, ce phénomène est connu depuis longtemps : la crise du Middle-West en 1929. A propos de celle-ci, dans les ouvrages d’histoire, on peut lire : « Les années 20 avaient été une décennie de prospérité et de hausse… Des stocks importants de matières premières, spécialement agricoles, s’étaient constitués dans les années 1925-29 alors que la production augmentait et que les prix baissaient… ». Et plus loin, on peut lire : « Un fermier qui fait faillite ruine ses créanciers… ». On ne peut être plus clair. Et des milliers d’agriculteurs et d’éleveurs furent contraints de vendre leurs terres et leurs cheptels à vil prix et d’aller s’embaucher dans les usines pour un salaire de misère. Aux USA, ce fut un choc brutal aggravé par la crise financière et industrielle.

La suite est facile à deviner : de très grands domaines terriens se sont constitués car les capitalistes étaient à l’affût. Aujourd’hui ils font la loi sur les cours mondiaux tant pour les céréales que pour le bétail. D’ailleurs la Bourse agricole n’est-elle pas installée à Chicago ?

En Europe, nous vivons un peu ce même phénomène. Il y a confrontation entre la très grande production et toute une mosaïque de petits paysans qui ne réussissent à vivre, plutôt à survivre, que grâce aux subventions européennes, cette fameuse PAC (politique agricole commune). Mais avec les nouveaux entrants de ces dernières années, notamment des anciens pays de l’Est, la donne est encore plus déséquilibrée du fait des différences de niveau de vie. Et le capitaliste veille, achetant pas cher des terres agricoles dans ces nouveaux pays européens pour constituer de grands domaines d’élevage ou agricoles. Les industries agro-alimentaire achètent là où c’est le moins cher faisant chuter les cours ce qui met en détresse la plus grande partie du monde paysan européen. Et bien sûr, les subventions européennes vont vers les nouveaux entrants pour leur permettre d’effectuer leur mutation et d’aborder sur un pied d’égalité leurs partenaires européens. Donc moins de subventions dans les pays européens « riches »…

Et nos paysans sont dans la rue !

Alors, comme nous ne sommes pas aux USA et leur capitalisme triomphant, mais dans une Europe qui se veut plus près des citoyens, nous allons aider les paysans qui réclament 1,4 milliard d’euros d’aides immédiates. Déjà, Bruxelles débloque de l’argent et d’autres mesures vont suivre… en attendent une remise à plat de notre système agricole européen. De belles empoignades en perspective…

Mais ne serait-ce pas le moment aussi de « repenser » nos modes de production agricoles de façon à les rendre moins polluants, moins gourmands en eau et en produits phytosanitaires ? Ne serait-ce pas aussi l’occasion de repenser l’empilage « d’étages à profits » car il n’est pas rare de voir le prix d’un produit être multiplié par dix entre la récolte et la vente au public ? Ne serait-ce pas l’occasion enfin de ne vendre « que » ce qui est de saison ? Bref, toutes choses que le simple bon sens réclame depuis longtemps.

En attendant, le quidam va payer. Il va payer l’aide qu’on va apporter aux paysans, mais celle-la il ne la plaint pas ; mais il va payer « aussi » tous les étages à profits qui, bien sûr, ne manqueront pas d’appliquer les hausses partout où ils le pourront. Cela ne sera-t-il pas l’occasion de nous rouler dans la farine ? Une fois de plus ?

Source : DEHELVET http://evolutionnaire.free.fr/paysa...

Messages

  • Les paysans, en tant que classe sociale sont hétérogènes, certes... mais une bonne partie - bon nombre de ceux qui sont aujourd’hui dans la merde - a massivement voté SARKO.

    Ce qui leur arrive n’est qu’un juste retour des choses.

  • les petits paysans.... ça fait des années qu’ils ont crevé, pas la peine d’essayer de faire revivre un monde mort avec une PAC qui ne fait que tuer l’agriculture du tiers monde au profit de l’agro bizness...

    mes parents "vivaient" avec 2O hectares en polyculture.....

    c’était avant les OGM, la PAC et les algues vertes, on ne parlait même pas de "bio" tout était naturel, arrétons de rêver,il n’y a plus de paysans.

    • Erreur, il y en a encore et ceux qui restent s’organisent très bien au travers de CUMA (Coopérative d’Utilisation du Matériel Agricole) et ont des rapports intelligents avec les consommateurs. De même des action sont menées à partir des AMAP qui font vivre pas mal de petits producteurs.

      Il ne faut pas être aussi systématqiue et dire qu’il n’y a plus que des gros agriculteurs... ce qui n’est pas vrai.

  • Qu’on verifie leur patrimoine immoblier deja apres on verra, bcp de paysan par chez moi 2 ou 3 maisons et ils n’arretent pas de pleurer, Ils ce fichent de la gueule de qui ?Moi j’ai du mal a avoir une maison a moi et ma femme et moi Travaillons tout les deux.