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Les services publics restent dans le flou (l’europe !! dans libre belgique)

Publie le mardi 20 novembre 2007 par Open-Publishing

Union européenne

Les services publics restent dans le flou
Olivier le Bussy

La Commission ne légiférera pas sur les services d’intérêt général.
Elle privilégie une approche sectorielle et pragmatique.
Au grand dam de ceux qui espéraient une définition claire des services publics et des règles pour les protéger.

Christophe Bortels

Les appels de certains groupes politiques du Parlement européen, de nombreux acteurs du secteur social et de la Confédération européenne des syndicats (CES) resteront lettre morte. Ils attendaient de la Commission européenne qu’elle propose une législation-cadre qui aurait clairement défini ce qui relève des services d’intérêt général (SIG) et la mise en place de règles permettant à ces derniers de ne pas être soumis aux seules lois du marché et de la concurrence.

Divisé sur la question, l’exécutif européen n’a cependant pas souhaité s’aventurer sur ce terrain miné. Plutôt que légiférer, la Commission a privilégié une "approche essentiellement pragmatique" et sectorielle détaillée dans une communication qui sera présentée aujourd’hui - dont "La Libre" a obtenu copie.

L’exécutif européen avait d’autant moins de raisons de prendre l’initiative législative qu’elle considère, comme le souligne le document, que le protocole sur les services d’intérêt général annexé au traité européen qui sera signé, le 13 décembre, par les Vingt-sept, "constitue un cadre suffisant qui guidera l’action de l’Union et servira de référence pour tous les niveaux de pouvoir". Autrement dit : pour Bruxelles, le débat sur le sujet est clos, après une dizaine d’années de discussions parfois vives.

Inquiétudes

La Commission laisse donc aux Etats membres le soin de modifier ou non leurs législations sur les services publics "en fonction de leur tradition nationale ou de leur culture". Le texte n’omet pas de préciser que les services d’intérêt général à caractère économique - les télécoms, les transports, l’énergie, la poste, pour ne citer qu’eux - entrent dans le champ des règles européennes de concurrence.

L’eurodéputé belge Dirk Sterckx défend la position adoptée par l’exécutif européen : "Nous, les libéraux (comme le PPE, NdlR) , avons toujours été opposés à une directive-cadre parce que nous sommes favorables à une approche sectorielle. Il est difficile de donner une définition générale des services publics. Elle évolue chaque année, en fonction de critères politiques et techniques."

Ceux qui plaidaient, en revanche, pour une législation européenne, déplorent que l’absence d’initiative communautaire entretienne le flou juridique. "Il aurait fallu définir en droit positif quelque chose sur lequel les opérateurs peuvent s’appuyer", regrette l’eurodéputé vert Pierre Jonckheer. En l’absence de règles précises, c’est la jurisprudence de la Cour européenne de justice qui résout les conflits entre les obligations de mission publique et les libertés du marché unique. Mais, souligne la CES, elle est en perpétuelle évolution et ne s’applique qu’à des cas concrets.

Plus largement, c’est l’avenir même des services publics qui est menacé, prophétisent certains. Selon la Commission, la compétition améliore la qualité, l’efficacité, la disponibilité et le choix de certains services grâce à une offre étendue. Tout le monde est loin d’être de cet avis. "La fourniture de biens et de services publics est un élément fondamental de solidarité", soutient Pierre Jonckheer. "Or les orientations politiques et budgétaires actuelles tendent plutôt à réduire les dépenses. Sans règles clairement définies, on peut avoir des craintes pour le devenir des services publics dans le contexte actuel de mondialisation. La tendance est de tout ouvrir à la concurrence. On constate pourtant que là où certains services ont été libéralisés, le résultat est plutôt mitigé. Mais pour la DG Marché intérieur de la Commission, tout ce qui entrave la concurrence est considéré comme suspect."

Le fait que la Commission n’a pas jugé utile de différencier les services sociaux des autres services publics est un autre motif d’inquiétude des pro-législation. "On pourrait très bien imaginer qu’une entreprise écrête le marché de l’aide aux personnes à domicile, ne s’occupant que de ce qui est rentable, et laisse aux autorités publiques le soin de s’occuper des plus défavorisés", prédit Pierre Jonckheer.