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Lettre ouverte à Mesdames et Messieurs les parlementaires sur l’histoire de la présence française outre-mer

Publie le jeudi 10 mars 2005 par Open-Publishing
1 commentaire

Le 23 février 2005, a été promulguée une loi portant « reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». Au moins deux des dispositions de ce texte posent question à la fois à l’historien et au juriste et font problème pour le citoyen.

L’article 1er de cette loi énonce que « la Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française. Elle reconnaît les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires des événements liés au processus d’indépendance de ces anciens départements et territoires et leur rend, ainsi qu’à leurs familles, solennellement hommage ». Rendre justice aux nombreux témoins ou acteurs de la période coloniale et de la décolonisation est louable. Très souvent, quel que soit le bord auquel ils appartiennent, ils ont le sentiment d’être des oubliés de l’histoire. C’est le cas, en particulier, des harkis, que la République a laissés croupir dans des camps misérables, après avoir abandonné leurs frères entre les mains du FLN. C’est le cas aussi des pieds-noirs, dont les mémoires sont blessées et qui se sentent fréquemment traités comme les boucs émissaires d’un passé douloureux. Fallait-il, pour autant, exprimer cette reconnaissance dans la loi ? Le juriste vous répondra non, car le rôle de la loi n’est pas de proclamer des sentiments ou des hommages ; c’est, vous le savez bien, de créer des règles et uniquement cela.

Mais peu importe, l’essentiel se trouve, à notre sens, dans l’article 4 de la loi, qui dispose, entre autres choses, que les programmes scolaires « accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». En agissant ainsi, vous vous êtes arrogé le droit de déterminer le contenu des programmes scolaires. Comme vous le savez, cette mission relève du domaine réglementaire, puisqu’en matière d’enseignement, la Constitution ne vous confie que le soin de poser les principes fondamentaux. Normalement, les programmes scolaires font l’objet d’une concertation entre le ministère de l’Education Nationale, l’inspection générale et les représentants des enseignants. Cela étant, vous êtes coutumiers de ce genre d’empiètement sur les prérogatives du pouvoir exécutif. Votre texte rappelle d’ailleurs singulièrement une loi du 21 mai 2001, qui déclare que les programmes scolaires doivent accorder « à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent ». Cette fois, c’est à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de l’outre-mer qu’il faut attribuer « une place éminente » dans les programmes.

Vous auriez pu en rester là, mais vous êtes allés encore plus loin en écrivant, toujours dans l’article 4, que les programmes scolaires « reconnaissent (...) le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». En adoptant cette disposition, vous avez pris parti sur le sens à donner à la colonisation dans l’enseignement. Sur le fond, votre position est extrêmement contestable. Qu’il y ait eu des aspects positifs dans le phénomène colonial est indéniable ; il n’est qu’à penser aux hôpitaux, aux routes ou aux écoles que la France a bâtis dans les pays intégrés à son empire colonial. Mais comment peut-on dire de manière générale que le rôle joué par notre pays outre-mer a été positif, quand on en connaît les aspects les plus révoltants ? Faut-il rappeler les massacres des conquêtes, les tortures, les dépossessions, le travail forcé, les lois dites de l’indigénat, les trois siècles et demi de traite et d’esclavage, qui ont marqué de manière indélébile les Antilles et La Réunion ?

L’article 4 pose la question du rôle que vous vous attribuez à l’égard de l’histoire. Vous appartient-il d’en imposer une version légale, légitime et officielle ? Certains diront que vous l’avez fait, en 1990 et en 2001, d’abord en érigeant en infraction la négation du génocide perpétré par les nazis pendant la seconde guerre mondiale, puis en reconnaissant le génocide arménien de 1915. Invoquer ces précédents, de même que celui de la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité, ce que feront peut-être certains activistes de la mémoire, ce serait comparer ce qui n’est pas comparable. En 1990 et en 2001, vous étiez confrontés à l’innommable et à des événements sur l’existence desquels un consensus a été établi par quantité d’études sur lesquelles les historiens sérieux s’accordent. Ceci légitimait votre intervention. Toute différente est la situation dans laquelle vous vous trouviez à l’égard de la colonisation, spécialement celle de l’Afrique du Nord, car elle fait l’objet de débats et son évaluation est extrêmement controversée au sein de la communauté des historiens, que vous n’avez même pas jugé bon de consulter. Vous avez pris position arbitrairement dans un débat auquel la loi devrait rester étrangère. Légiférer consiste à créer des normes, à énoncer ce qui doit être ; cela ne consiste pas à dire ce qui est ou ce qui a été. Vous avez pris le risque d’exacerber les passions dans un domaine où toutes les blessures ne sont pas encore refermées. On doit respect aux morts, on ne doit que la vérité aux vivants, disait Anatole France. Cette vérité est indispensable pour permettre aux enfants qui vivent ici de comprendre pourquoi et comment ils sont appelés à bâtir ensemble leur avenir. Enfin et surtout, vous avez instauré un précédent fâcheux. La neutralité scolaire est un principe qui a permis de ne pas faire des salles de classe le champ clos des guerres civiles de notre histoire.

Nul n’a envie de vivre dans une société où le législateur indiquerait au citoyen ou à l’écolier ce qu’il faut penser et à l’enseignant ce qu’il faut dire. Notre passé collectif ne vous appartient pas. L’article 4, alinéa 2, de la loi du 23 février 2005 n’est pas digne d’une démocratie. Nous vous demandons de l’abroger.

Thierry LE BARS
Professeur de droit à l’Université
De Caen Basse-Normandie
 
Claude LIAUZU
Professeur émérite d’histoire
contemporaine à l’Université
Denis Diderot Paris VII

Messages

  • Puisque vous censurez nos droit de réponse, on revient par la fenêtre :

    Tiens donc ?

    Les Harkis abandonnés aux massacres par de Gaulle sont des colonialistes ?

    C’est drôle cette façon que vous avez de juger l’Histoire en omettant ce qui vous gêne.
    Je n’ai jamais lu quelque chose sur le colonialisme ou l’impérialisme russe.

    Vous découvrez seulement aujourd’hui la tchéchénie. Pourtant sous Staline, les populations étaient déportées et massacrées.

    Vous critiquez cette journée offerte aux Harkis, faute de mieux mais aussi pour ne pas reconnaître la responsabilité de La France.

    Vous critiquez facilement cette loi, mais vous ne dites rien sur la loi gayssot, peut-être parceque d’inspiration stalinienne.

    Vous vous en prenez aux ouvriers, aux enfants de communards, aux exilé de d’Alsace Lorraine fuyant l’invasion Prussienne qui n’ont fait que transformer un territoire conquis et repris aux Turcs.
    Ces Turcs et leur janissaires ne se souciaient de l’arrière pays que pour le piller ou prélever leur impôts sans aucune contre partie.

    Et le colonialisme islamique, il ne vous gêne pas ? Et la situation des vrais indigènes, les Kabyles non plus ? Pas assez vendeurs ?

    Vous en prenez aux Harkis car c’est une communauté faible ? Vous ne prenez pas beaucoup de risques.

    Alors pour vous les Harkis étaient des idéologues qui soutenaient le grand capital contre les camarades du FLN.
    Vous ne connaissez pas Melouza, le terrorisme ?

    Vous croyez être dans le vrai ? Alors faites une recherche sur la promotion Lacoste. Vous serez surpris !

    Le "Grand Capital" est toujours présent en Algérie. On appelle ça le colonialisme économique.
    La différence c’est qu’il n’y plus de communistes, plus de lutte des classes etc...
    toutes les mauvaises idées occidentales.
    Une dictature, des islamistes pour la justifier, voilà le progrès atteint par les vôtres pour ce pays.

    Alors foutez la paix aux Harkis, les enfants ne se laisseront pas faire comme leur parents.

    Continuez votre "lutte" mais essayez de nous oublier.

    Actus

    Harkis.info