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Logement : reprise des expulsions en France lundi

Publie le lundi 15 mars 2004 par Open-Publishing

PARIS (AP) - L’approche du printemps ne fait pas que des heureux. Après quatre mois et demi de
"trêve hivernale", les expulsions locatives vont reprendre dans toute la France à partir de lundi. La
"loi d’hiver" qui, tous les ans à partir du 1er novembre, les interdit sur l’ensemble du
territoire, prend en effet fin le 15 mars.

Chaque année, entre 90.000 et 100.000 demandes d’expulsions sont déposées devant les tribunaux
pour des impayés de loyers, selon les associations de défense des mal-logés, demandes qui concernent
dans la plupart des cas des ménages en grande difficulté.

Samedi, pour protester contre cette reprise -et plus largement la politique sociale du
gouvernement- et réclamer notamment un "moratoire sur les expulsions", 4.000 personnes selon la police,
10.000 selon les organisateurs -une quarantaine d’associations et de syndicats en tête desquels
l’association Droit au logement (DAL)- ont manifesté à Paris et dans une dizaine de villes en province.

Face à cette reprise des expulsions, certains élus locaux de gauche ont d’ailleurs décidé de se
mobiliser. Vendredi, le maire communiste de Bobigny (Seine-Saint-Denis) Bernard Birsinger a ainsi
pris un arrêté déclarant sa ville "zone hors expulsion locative".

"Nous rejetons cette pratique inhumaine qui ne fait que précipiter des hommes, des femmes et des
enfants en souffrance dans la grande spirale de l’exclusion", a déclaré M. Birsinger dans un
communiqué.

Cet arrêté n’a toutefois qu’une valeur symbolique, puisqu’il appartient au préfet de déterminer
s’il est en accord avec la loi, mais la municipalité de Bobigny dit espérer que d’autres villes
imiteront son initiative.

Sur un autre front, à l’occasion de cette reprise des expulsions, le DAL et le Syndicat de la
magistrature (SM) ont décidé d’interpeller les juges, ces derniers ayant la possibilité légale
d’octroyer des délais aux ménages en difficulté, mesure qui, selon les deux organisations, n’est pas
assez utilisée.

"Dans le cadre de la procédure d’expulsion de logement, le juge qui prononce l’expulsion peut
accorder aux occupants un délai de 3 mois à 3 ans pour quitter les lieux, chaque fois que le
relogement des intéressés ne pourra pas avoir lieu dans des conditions normales", soulignent ainsi le DAL
et le SM, qui citent les articles L631-1 et L613-2 du Code de la construction et de l’habitation.

"Depuis la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, le juge
peut accorder d’office ces délais, même en l’absence de toute demande de l’occupant. Cette loi
modifie profondément le rôle du juge qui devient de ce fait un véritable régulateur social, et un
acteur de la prévention de l’exclusion", poursuivent le SM et le DAL.

Les deux organisations expliquent qu’au "fil des années, les pouvoirs publics ont donc élaboré un
ensemble de dispositions législatives et réglementaires visant à protéger les personnes menacées
d’expulsion qui ne peuvent se reloger par leurs propres moyens".

Toutefois, "le nombre d’expulsions ne cesse d’augmenter" et, "selon toutes les informations
émanant des associations de terrain et des professionnels, ces dispositions sont très rarement
appliquées".

Selon les chiffes fournis par le SM et par le DAL, 43.017 jugements d’expulsion ont été prononcés
en 1999, 50.858 en 2000, 52.145 en 2001, et 52.351 en 2002, les chiffres de 2003 n’étant pas
encore disponibles.

Sur ce total, le concours de la police a été octroyé -et effectivement utilisé- dans 4.866 cas en
1999, 5.936 en 2000, 6.337 en 2001, et 7.534 en 2002.

Autre initiative, le Premier secrétaire du PS François Hollande a demandé mercredi dernier au
gouvernement de décider un moratoire des expulsions locatives pour les familles qui rencontrent des
"difficultés sociales". Une mesure qu’aucun gouvernement, de gauche comme de droite, n’a jamais
appliquée, malgré les demandes répétées des associations ces dix dernières années. AP