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MASSACRES du 8 mai 1945 Amnésie française

Publie le samedi 8 mai 2004 par Open-Publishing

PROGRAMME DE L’ASSOCIATION POUR SE SOUVENIR DU 8 MAI
Lyon. Se souvenir des massacres coloniaux du 8 mai 1945

L’association Ici & Là-Bas organise du 3 au 8 mai 2004 une série d’événements (film, conférence-débat, rassemblement, etc.) afin d’en savoir plus sur cette date occultée par l’histoire officielle et d’en discuter dans de nombreux endroits de la région lyonnaise. Voici le programme.

lire la suite ici : http://www.icietlabas.lautre.net/article.php3?id_article=86

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Les origines du 8 mai 45 en Algérie
jeudi 25 décembre 2003, par Hicheme Lehmici

Le 8 mai 1945, jour de l’armistice signifiant la fin de la guerre en Europe. L’Algérie allait connaître un des événements les plus sanglants de son histoire. Suite à un soulèvement des Algériens contre l’occupation coloniale française, une répression sauvage devait s’abattre sur les populations de Sétif, Guelma, Kheratta, dans l’est du pays.

Une répression qui devait s’espacer sur près de 10 jours et qui provoquèrent l’extermination d’au moins 45000 civils. Pour les autorités coloniales de l’époque, il fallait frapper fort pour dissuader toute nouvelle tentative de révolte. On croyait ainsi sauver le régime colonial dans tout ce qu’il avait de plus banal, le racisme institutionnalisé, le mépris absolu des vies algériennes. N’est-ce pas le général Duval en personne qui déclara à sa hiérarchie : "on est tranquille pour 10 ans". Tout en prévenant : "je vous ai donné la paix pour 10 ans, mais il ne faut pas se leurrer, tout doit changer en Algérie". Il ne croyait pas si bien dire.

Sétif allait marquer une étape cruciale, rien ne sera plus comme avant. Le fossé allait se creuser considérablement entre algériens et colons. La guerre de libération devait commencer 10 ans plus tard, elle avait en fait joué son premier acte à Sétif. Nul d’ailleurs ne pouvait mieux l’exprimer que le grand écrivain algérien Kateb Yacine lorsqu’il écrivit : "à Sétif, se cimenta mon nationalisme, j’avais 16 ans".

Pour comprendre les raisons de cette prise de conscience chez le peuple algérien, il faut revenir sur l’essence profonde de ce que fut le système colonial français. Tout d’abord, il faut voir que la présence française ne reposait sur aucune légitimité. L’Algérie a été conquise par la force dés 1830 et allait se voir imposer une domination et un joug qui devait aboutir à la déstructuration complète de sa société. Avec la colonisation, non seulement les cadres politiques traditionnels ont disparu, mais les structures profondes de l’ordre social ont été violemment attaquées ; que ce soit avec l’interdiction progressive des "medrassas", la confiscation des propriétés collectives et la remise en cause du système tribal.

A cela, il fallait rajouter une situation économique désastreuse et de plus en plus précaire pour les Algériens. En fait, deux Algéries existaient, celles des colons européens minoritaires et maîtres du pays, et celle des Algériens majoritaires condamnés à la plus terrible des misères. Pour ce qui était du droit, "l’apartheid républicain" était de mise. Les Algériens dépendaient du code de l’indigénat. Un code officialisé en 1881 qui prévoyait l’instauration de pénalités exorbitantes de droit commun et d’une série de mesures relevant d’un droit parallèle discriminatoire ne s’appliquant que pour les Algériens musulmans. En fait, plus de 90% de la population se trouvait exclue de tous les droits civiques et civils fondamentaux sur le seul critère de l’appartenance raciale et religieuse.

C’est parce que ce système ne pouvait plus être reconduit que déjà se multipliaient dans l’Algérie de l’après deuxième guerre mondiale, des mouvements de contestation qui tournèrent souvent à de sanglantes émeutes anti-européennes dans l’est algérien. De fait, la donne internationale avait profondément évolué. La guerre a remis en question la place des puissances coloniales. Les multiples défaites de l’armée française ont non seulement prouvé aux Algériens que le colonisateur n’était pas invincible ; mais surtout, l’appel massif de conscrits algériens pour libérer l’Europe confortait le désir des Algériens d’en finir avec le statut quo colonial. Les Algériens de retour chez eux, attendaient des changements à la hauteur du prix du sang que leurs camarades morts ont versé. Ils exigeaient l’égalité des droits avec les colons et le respect de leur identité.

Pour toute réponse, rien, la barbarie coloniale continue. L’après guerre allait donc sonner le glas de la révolte et du changement. C’est comme cela que les Algériens voulurent marquer leur 8 mai 1945, jour de la reddition allemande et fin de la guerre en Europe.

La mort d’un scout tué par la police française mettra le feu aux poudres à Sétif. Ce sera l’émeute. Un soulèvement spontané, appuyé par des militants nationalistes laissera place aux frustrations trop longtemps contenues. On s’en prendra aux colons européens, à Sétif, Kherrata, dans les campagnes environnantes et même à Guelma, pourtant éloignée de plus d’une centaine de kilomètres. Le 8 mai au soir, on relèvera parmi les colons européens 103 morts et 110 blessés.

Dés le 10 mai, la réaction française allait prendre forme par une répression sans pitié sur la population civile. A Sétif, Guelma, Kherrata, de terribles massacres ont été exécutés. L’armée coloniale, conduite par le général Duval "le boucher de Sétif", fusille, exécute, torture et viole tandis que l’aviation et la marine bombarde les villages. A Guelma, les B23 ont mitraillé des journées entières tout ce qui bougeait. A Kherrata, ce furent des familles entières que l’on jetait du haut d’un précipice. Des dizaines de milliers de morts à comptabiliser, plus de 45000 d’après les sources algériennes et américaines. Sans oublier non plus, les milliers de blessés, d’emprisonnés envoyés dans les camps.

Ces massacres allaient marquer un tournant irréversible dans l’histoire de la colonisation de l’Algérie. Les Français ont voulu frapper fort, du fait même qu’ils appréhendaient déjà cette révolte. Appréhension compréhensible quand l’on connaissait les recrues limitées dont pouvait disposer à ce moment la puissance coloniale pour un pays aussi grand et aussi rebelle. Il fallait massacrer le plus pour assurer la survie du système.

En fait, le premier acte de la guerre d’Algérie venait d’être joué. Pour les Algériens, la lutte armée devenait le seul moyen de libération. La révolution algérienne était en marche...

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LES MASSACRES DU 8 MAI 1945 EN ALGERIE
dimanche 2 novembre 2003

Introduction

Le 8 mai 1945 marque la libération de la France du régime fasciste de Vichy et du joug nazi. C’est ce jour symbolique synonyme de liberté et de réjouissances populaires, qu’avaient choisi les Algériens pour exprimer à leur tour leur soif de liberté. Mais à Sétif et à Guelma, la joie et l’allégresse ont été remplacées par l’effroi et la terreur. Les manifestants furent impitoyablement réprimés par les forces coloniales françaises. Le bilan de cette barbarie s’élèvera à plusieurs dizaines de milliers de morts. Or aujourd’hui qui évoque ce douloureux épisode lors des commémorations officielles du 8 mai 1945 ? Pour ne jamais oublier et par devoir de mémoire, il est important que chacun sache ce qui s’est passé lors de cette tragédie du 8 mai 1945.

Contexte national des événements du 8 mai 1945 : unification du mouvement nationaliste et création des Amis du manifeste de la liberté.

Le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord a suscité un immense espoir au sein du mouvement nationaliste. L’anti-colonialisme affiché des Américains laissait entrevoir des jours meilleurs pour les Algériens subissant famine et humiliation. Des rencontres entre des leaders nationalistes comme Ferhat Abbas et les forces alliés ont lieu. L’effervescence nationaliste est d’autant plus grande que des milliers d’Algériens ont combattu le nazisme et le fascisme. La maturation politique des masses est à son comble tandis que le désir d’unité s’exprime de plus en plus fortement au sein du mouvement nationaliste. Depuis la création du premier parti indépendantiste l’Etoile Nord Africaine dans les années 30 par Messali Hadj, le mouvement nationaliste était constitué de différentes composantes. Les Ulémas et les assimilationnistes emmenés par Ferhat Abbas et le Docteur Bendjelloul militaient avant tout pour l’octroi de la citoyenneté française pour que les Algériens puissent bénéficier des mêmes droits que les autres citoyens français. Nourris pour certains d’entre eux aux idées de la Révolution Française, ils espéraient que les valeurs universelles portées par 1789 trouveraient leur application en Algérie. Le parti du peuple algérien créé également par Messali Hadj après la dissolution de l’ENA, plus proche des couches populaires subissant de plein fouet les affres de la colonisation, prônait déjà l’indépendance de l’Algérie. Le contexte de la seconde guerre mondiale et les promesses contenues dans la Charte Atlantique cristallisent les énergies nationalistes. Le 14 mars 1944 est créé le mouvement des Amis du Manifeste de la Liberté sous la houlette de Ferhat Abbas. Celui-ci rassemble pour la première fois toutes les tendances sociales et politiques du nationalisme algérien. Le mouvement est provisoirement toléré par les autorités coloniales, qui voient d’un mauvais œil le succès grandissant du mouvement. Des actions sont effet mises en place dans tous le pays : en mars 1945, 165 sections seront représentées au congrès des AML. Les jeunes trouvent enfin un espace pour exprimer leur soif de dignité ; le peuple des villes et des campagnes s’enrôle. Les AML et particulièrement Ferhat Abbas militent pour la "Révolution par la loi" et pensent encore que la solution d’un Etat autonome fédéré à la France est possible. L’humiliation subie par les couches populaires montre pourtant déjà que les autorités coloniales ne lâcheront rien. Le PPA plus à l’écoute des masses et majoritaire au sein des AML rejette lors du congrès de mars 1945 la solution féderationniste, réaffirme la revendication indépendantiste et propose l’internationalisation du problème algérien pour y parvenir. Les manifestations du 1er mai : prélude à la tragédie du 8 mai 1945

A l’occasion de la fête du travail la commémoration est prise en charge comme à l’accoutumée par les syndicats. La CGT veut faire cette journée une manifestation unitaire contre le nazisme à l’agonie et une célébration de la victoire annoncée. Les forces de l’ordre, bien renseignées sont prêtes à réprimer tous les signes distinctifs en lien avec les mots d’ordre du mouvement nationaliste. Les autorités coloniales espèrent également profiter de cette occasion pour lancer une vaste campagne d’arrestation et décapiter ainsi le mouvement nationaliste. Du côté des Amis du manifeste de la Liberté, les militants s’activent pour l’organisation de manifestations pacifistes. Ce mot d’ordre est ainsi transmis à toutes les structures du pays. Après l’arrestation et la déportation de Messali Hadj en avril 1945 à Brazzaville, le mouvement nationaliste est en effet décidé à réagir. Les slogans prouvent leur détermination : "Libérez Messali, Libérez les détenus. Indépendance.". Le drapeau algérien doit être brandi. Dans la plupart des villes algériennes les manifestations, encadrées par les services d’ordre du PPA se déroulent dans le calme. Calme parfois apparent puisque à Guelma, le sous-préfet Achiary, qui fera encore parler tristement de lui lors du 8 mai, ordonne l’arrêt de la manifestation. La dispersion se fait dans le calme mais le soir même, le sous-préfet menace devant quelques militants : "Je vous pardonne, mais si cela se répète, vous le paierez cher." Les deux grandes villes Alger et Oran n’ont quant elles pas échappé à la répression. Ahmed Bouda militant du comité de la jeunesse de Belcourt, proche du PPA témoigne du déroulement de la manifestation à Alger : " Nous avions réparti les militants en trois groupes. Rendez-vous place du gouvernement (pour le groupe de Belcourt et des avoisinants), Sidi Abderrahmane (groupe de la Kasbah), prison (Birkhadem-El Biar). (…) Les groupes devaient démarrer à 17 heures et converger vers la rue d’Isly. (…) Ils étaient plusieurs milliers. (…) Ordre formel avait été donné aux militants de ne porter aucune arme, même blanche, mais de se munir de la carte d’identité. Ils scandaient les mots d’ordre du parti (…) et marchaient pacifiquement, drapeau déployé en tête du cortège. Quand celui-ci est arrivé rue d’Isly, à la hauteur des Galeries, on leur a tiré dessus des balcons, de la Bourse du travail et d’une voiture des PTT, semble-t-il. Il y a eu quatre morts et non pas deux." Trente-deux militants sont également arrêtés et le même scénario se répète à Oran. Pourtant ces manifestations nationales montrent la maturation politique des masses et le dynamisme du mouvement nationaliste. Les Algériens ont exprimé leurs revendications indépendantistes au grand jour. Pour les forces coloniales et les populations européennes ce type de démonstrations « insupportables » ne doit pas se reproduire. Notons que même pour les partis de gauche le PPA ne représente qu’une bande de fanatiques dont « il faut déjouer les manœuvres » puisqu’ils sont « l’expression fidèle de Radio Berlin. » La répression du 1er mai n’a pas pour autant entamé la détermination du mouvement nationaliste qui prépare déjà les prochaines manifestations pour le 8 mai.

Les Evénements du 8 mai 45

Tout comme lors des manifestations du 1er mai, les militants encadrent étroitement les manifestants. Les mots d’ordre sont formels : la manifestation pacifique du 8 mai doit se dérouler sans arme (même pas un canif), mais les slogans doivent apparaître sur les banderoles et le drapeau algérien doit être brandi au milieu des drapeaux alliés. Les militants, encore choqués par la répression du 1er mai, organisent donc la manifestation avec le maximum de précautions : services d’ordre, porte-drapeau, slogans, lieux de rendez-vous et de dispersion de la manifestation. Le matin même du 8 mai, des rassemblements ont lieu afin de vérifier l’absence d’armes. A Sétif, la manifestation commence à partir de 8h30. La discipline règne dans les rangs des manifestations. L’arrivée en centre ville avec le déploiement du drapeau algérien met pourtant le feu aux poudres. La police exige le retrait du drapeau tandis que les manifestants résistent. Un responsable politique de Sétif témoignera plus tard en précisant : « Vous savez combien le drapeau est sacré et quand il est sorti, il n’est plus question de le remiser. (…) Lorsque les policiers ont voulu le saisir, ils se sont heurtés à un véritable rempart humain.(…) C’est ainsi qu’éclate la fusillade. » La provocation policière entraîne la panique chez les manifestants. La confusion règne et des Européens sont tués. Les militants tentent pourtant de reprendre la situation en main. Une gerbe de fleurs est déposée au monument à 10 heures mais le car de gendarmerie intervient à nouveau et fauche tous les présents. 21 Européens sont tués au cours des affrontements tandis que le nombre de victimes algériennes est alors inconnu. Dès le 8 mai au soir, la loi martiale est décrétée. Des armes sont distribuées aux milices européennes. « La chasse à l’Arabe » commence dès lors avec une terrible férocité. On voyait « des cadavres partout dans toutes les rues, la répression était aveugle ; c’était un grand massacre. J’ai vu les Sénégalais qui tiraient, violaient, volaient. (…) Bien sûr, après l’état de siège, l’armée commandait » se souvient Kateb Yacine en 1984. « Tout Arabe non porteur d’un brassard est abattu. » Dans une enquête effectuée par le Parti communiste algérien le 15 mai 1945, un militant explique : « Les musulmans ne peuvent circuler sauf s’ils portent un brassard blanc délivré par l’autorité et justification d’un emploi dans un service public. A l’assassinat de 27 Européens ont fait suite des exécutions sommaires en grand nombre. L’exécution individuelle est tolérée. En plein centre ville, un Européen rencontre un Arabe non porteur d’un brassard et le tue d’un coup de revolver. Nul ne proteste. Dans un jardin un bambin cueille des fleurs, un sergent passe et le tue comme on fait un carton dans les fêtes foraines. Les Européens possèdent en fait le droit de vie et de mort sur les musulmans. » Pendant plusieurs jours, des patrouilles circulent et tirent sans sommation sur les Algériens. Les nouvelles d’un massacre à grande échelle se propagent dans les campagnes environnantes de Sétif. Dès le 9 mai des villageois descendent pour venger leurs frères victimes de la répression. Ils sont pourtant armés de façon dérisoire : armes de récupération, et surtout fusils de chasse, gourdins, couteaux. L’armée réagit alors avec les grands moyens. Les douars sont bombardés pendant plusieurs jours et les populations refluent alors vers les crêtes. A Guelma, le scénario de la manifestation se déroule différemment. Le défilé commence en effet en fin d’après-midi à 17 heures dans l’ignorance des événements de Sétif. Arrivé en centre- ville avec drapeau et banderoles, le cortège est stoppé net par le préfet Achiary. Soutenu par De Gaulle en personne, il interdit toute manifestation. En effet, la stratégie de De Gaulle après la compromission du régime de Vichy consiste à conserver la grandeur de la France face aux autres puissances occidentales. La conservation de l’empire colonial est donc primordiale ; ce qui explique que toutes les velléités nationalistes doivent être impitoyablement réprimées. Le cortège est donc arrêté par le sous-préfet qui demande aux militants du PPA de se retirer. La police tire et tue un manifestant. Des affrontements éclatent mais à 18 heures, la manifestation est terminée. Les troupes se dispersent. Mais dans la soirée les arrestations commencent. La Police perquisitionne et arrête. Mais ce sont surtout les milices européennes avec la bénédiction des autorités qui prennent les choses en main. Le sous-préfet prend toutefois la tête de la répression et assume sans remords l’assassinat de 9 militants exécutés sans jugement ni procès. Les assassinats par les milices européennes sont massifs. 250 hommes armés patrouillent et arrêtent. Les civils armés mènent la répression et contrôlent la ville. Les autorités ferment les yeux sur les exécutions sommaires. Le rapport Tubert abonde dans ce sens et affirme : « Des groupes de colons armés s’arrogeaient le droit du juger et de fusiller. » Toutefois l’armée n’est pas en reste. Dès les premiers jours 40 000 hommes sont réquisitionnés pour mener la répression dans la région. Le 11 mai des bombes sont lancées sur des attroupements de population. « Deux jours durant, l’aviation a bombardé les rassemblements indigènes sur les routes et à proximité des villages. (…) L’aviation enlève toute cohésion aux rassemblements hostiles attaqués. » Les jours suivants, le général Duval donne l’ordre de bombarder massivement les campagnes environnantes de Guelma. Le 17 mai la région de Sétif subit également les assauts de l’aviation. Le nombre de victimes de ces bombardements est impossible à chiffrer.

Bilan du massacre

Le nombre de victimes algériennes reste encore aujourd’hui impossible à établir mais on peut l’évaluer à des dizaines de milliers de morts. De nombreux corps n’ont pu être enterrés. Des corps ont été jetés dans les puits et dans les gorges de Kherrata. Des milices soucieuses d’effacer les traces de leurs crimes, ont fait disparaître des cadavres en les trempant dans la chaux. La population rurale a été saignée à blanc suite notamment aux bombardements dans les douars. La barbarie qui s’est déployée lors des manifestations du 8 mai 1945 à Sétif et à Guelma marque un tournant dans l’histoire de la lutte nationaliste. Le fossé entre Algériens et Européens ne sera plus jamais comblé. Dans l’immédiat la répression s’abat encore un plus sur la direction du mouvement nationaliste. De profondes divergences se font jour au sein des AML. Les modérés emmenés par Ferhat Abbas rendent les militants du PPA responsables des débordements. Pour les militants du PPA, le colonialisme a montré son vrai visage. Le temps de la « Révolution par la loi » est révolue et doit faire place à la « Révolution par les armes ». L’unité du mouvement nationaliste est désormais brisée. Le constat est amer pour les Algériens. Humiliation, haine et répression, ils ont l’impression d’avoir régresser d’un siècle d’autant plus que l’unité brisée du mouvement nationaliste éloigne l’espoir d’une Algérie indépendante. Toute l’Algérie subit le mépris et les humiliations. Pour de nombreux militants nationalistes comme Lakhaddar Bentobbal, futur cadre du FLN, le 8 mai 1945 symbolise la prise de conscience que l’engagement dans la lutte armée reste la seule planche de salut. Krim Belcacem, fondateur parmi les « 6 historiques du FLN » décide de monter au maquis après les événements du 8 mai.

Conclusion

Alors que les historiens ont clairement établi les faits concernant l’histoire de la colonisation française en Algérie, les crimes coloniaux continuent à être occultés dans le discours officiel. La mémoire des enfants issus de l’immigration maghrébine n’a pas le droit de cité au sein de la République française. Les crimes du régime de Vichy ont pourtant été officiellement reconnus. A l’heure où l’on célèbre l’année de l’Algérie en France la République se doit de faire face à l’histoire de la colonisation.

Bibliographie sommaire sur les événements du 8 mai 1945

Redouane Aïnad Tabet, Le 8 mai 1945 en Algérie, OPU, Alger, 1987. Robert Aron, Les origines de la guerre d’Algérie, Fayard, Paris, 1962 Boucif Mekhaled, Chronique d’un massacre : 8 mai 1945, Sétif-Guelma-Kherrata, Syros, Paris, 1995 Mohammed Harbi, Aux origines du FLN, populisme révolutionnaire en Algérie, Christian Bourgeois, Paris, 1975 -Le FLN, mirage ou réalités. Des origines à la prise du pouvoir, Jeune afrique, Paris, 1975 Mahfoud Kaddache, Il y a trente ans le 8 mai 1945, Le Centenaire, Paris, 1975 Annie Rey-Goldzeiguer, Aux origines de la guerre d’Algérie 1940-1945 : de Mers El-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois, La Découverte, Paris, 2001

Sonia Ziani