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MAYOTTE : LES MIGRANTS, LA PREFECTURE ET LA MAFIA

Publie le vendredi 20 novembre 2009 par Open-Publishing

LE NOUVEAU PREFET a au moins une qualité : celle d’être franc du collier. Dès son arrivée dans l’île fin août, il avait prévenu les enseignants grévistes, sans sourciller et par voie de presse, que leurs revendications étaient illégitimes ( !). Pour le dialogue social, on repassera…

PLUS RECEMMENT, dans une interview accordée au site d’information Malango (www.malango-actualite.com), il a récidivé en affirmant le plus simplement du monde que les interceptions de kwassa devaient permettre « d’accroître le coût de passage qui était de 100 euros il n’y a pas si longtemps, et qui est de 300 euros actuellement ». Une somme rondelette qui représente, à la grande joie du préfet, « plusieurs mois de salaire pour un Anjouanais », Tant pis si ses informations sont fausses – cela fait belle lurette que le passage entre Anjouan et Mayotte coûte plus de 100 euros, même à 40 dans une barque – et on ne peut plus bancales – le prix du passage variant selon les saisons, le nombre de passagers, les desiderata du propriétaire, etc… Visiblement, un préfet n’est pas là pour dire la vérité, si ce n’est celle que le gouvernement voudrait imposer. Et Hubert Derache d’en remettre une couche, au cas où le lecteur n’aurait pas tout compris : « Notre but est que le prix devienne trop élevé, décourageant ainsi les candidats aux traversées ».

NOUS Y VOILA ! Cette nouvelle stratégie marque une rupture avec le discours du prédécesseur de Derache, Denis Robin, qui ne cessait d’affirmer qu’au-delà de la répression, la coopération devait jouer un rôle essentiel dans le règlement de la question des migrations dans l’archipel. Désormais, le but affiché est de compliquer la tâche des migrants en augmentant le coût de la traversée.

D’ABORD, elle renforcera les réseaux auxquels la préfecture fait semblant de s’attaquer. Tout le monde le sait au sein des instances dirigeantes : Les flux ne s’arrêteront jamais entre les îles, du moins pas tant que l’écart du niveau de vie matériel n’aura pas été réduit. L’augmentation du coût de traversée n’y fera rien. Les Comoriens, mais aussi quelques Africains du continent et quelques Malgaches, raqueront, encore et toujours, pour venir à Mayotte. L’exemple des Chinois venus de la campagne sans le sou et payant des sommes folles venir en Europe, via des emprunts improbables, le démontre chaque jour : la question du coût du « voyage » n’arrête pas le rêve d’une vie meilleure. Cette stratégie permettra seulement aux propriétaires des barques de s’enrichir plus vite encore. Merci qui ?...

LA DEUXIEME conséquence est visible depuis plusieurs années – depuis que l’Etat s’est doté à Mayotte de radars, de vedettes et d’un hélicoptère – et n’en sera qu’intensifiée. Face à la traque des autorités en mer, les passeurs prennent de plus en plus de risques, et la traversée devient de plus en plus dangereuse. Il y a dix ans, une traversée durait 4 à 5 heures. Aujourd’hui, c’est le double, les barques utilisent des routes nouvelles et plus lointaines pour échapper aux patrouilles, les conséquences sont connues : des naufrages en pagaille.

LA VOLONTE AFFICHEE par le ministre de la Défense, Hervé Morin, lors de sa visite à Mayotte, d’impliquer l’armée dans la traque aux kwassa révèle la dérive des autorités, qui sont désormais clairement engagées dans une guerre aux migrants. Or dans toute guerre, les civils sont les premières victimes. Et les mafias les premières bénéficiaires.

Source : upanga n°12 – 3 novembre 2009

Voir aussi : http://wongo.skyrock.com