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MAYOTTE : Naufrage du kwasa : les “sincères”condoléances du Quai d’Orsay

Publie le mardi 1er décembre 2009 par Open-Publishing

Le naufrage d’un kwasakwasa au large de l’île de Mayotte a, encore une fois, endeuillé le pays. C’est un pécheur de Bandrele (Anjouan) qui a repéré les naufragés accrochés à un élément de la barque mercredi 25 novembre. Il a immédiatement alerté les autorités qui n’ont pas lésiné sur les moyens pour retrouver les survivants, puisque même un falcon de l’armée française a été affecté aux opérations de sauvetage.

Selon les premiers témoignages, le kwasa-kwasa embarquait à son bord trente deux personnes parties d’Anjouan, lundi. La petite barque s’est cassée en deux, dès lundi, par les fortes vagues qui sévissaient dans la région. Les onze rescapés qui ont été repêchés, dont deux adolescents et une femme enceinte, et qui se trouvent actuellement à l’hôpital de Mamudzu, sont donc restés deux jours en mer, accrochés à un morceau de la barque.

Avant d’être retrouvés, ils ont assisté à la mort de leurs vingt et un compagnons d’infortune. Une femme, qui a encore les seins tuméfiés, a dû laisser couler son bébé de quatre mois parce qu’elle n’arrivait plus à le tenir. Un survivant raconte aussi qu’il a dû lâcher un adolescent dont les parents avaient déjà coulés car après vingt quatre heures, il n’en pouvait plus. Une adolescente de 13 ans a vu sa mère, qu’elle n’avait pas vu depuis longtemps, se noyer. Les témoignages sont particulièrement intenables…

L’Etat français a réagi par deux communiqués, l’un du ministre de l’Immigration, Eric Besson et l’autre du Quai d’Orsay. Le ministre de l’Intérieur “exprime son émotion” et le Quai d’Orsay “présente ses plus sincères condoléances” au nom de la France.

Une dame depuis son enfance Tandis que le ministère français des Affaires étrangères fait des appels du pied au gouvernement comorien pour relancer le fameux Gthn, Eric Besson affirme “son indignation face aux filières clandestines”, qui font prendre la mer à ces personnes en leur promettant un eldorado, et en leur faisant payer un prix très élevé et courir des risques insensés”.

Mais les associatifs sur l’île de Mayotte n’ont pas la même vision des choses. En effet, beaucoup des personnes mortes vivaient à Mayotte et ont été “reconduites à la frontière”, selon les termes des autorités française, avant même qu’on ait examiné leurs droits. C’est le cas d’une dame qui est à Mayotte depuis son enfance, avec plusieurs enfants nés à Mayotte, qui a été “expulsée” il y a une semaine et qui voulait revenir dans l’île avec une de ses filles née à Mayotte mais qui était à Anjouan près de sa grand-mère. Cette jeune fille de 13 ans est aujourd’hui orpheline de mère.

Flore Adrien, présidente de la Cimade à Mayotte, jointe par Al- Watwan affirme que “beaucoup de gens, comme cette dame, ne devraient pas être reconduits à la frontière mais que la politique du chiffre conduit à des situations aberrantes”.

Le chiffre à n’ importe quel prix Elle ajoute : “Quand on a toute sa famille à Mayotte, on fait tout pour revenir, même en prenant un kwasa”. Même son de cloche du côté de Médecins du Monde, où la responsable, Marie-Pierre Auger déclarait à nos confrères de Rfi : “C’était des gens pour la plupart qui font des aller et retour, qui ont leur vie à Mayotte et qu’on renvoie. Voilà, donc si on arrête un peu d’expulser les gens sans leur laisser le temps de faire valoir leur droit, peut-être ces drames là, il y en aura moins”.

Le ministre de l’Immigration poursuit pourtant son communiqué en indiquant que ses services ont déjà comptabilisé 17555 reconduites vers les autres îles de l’Union des Comores depuis janvier 2009, un record par rapport à l’année dernière (16040). Il oublie juste d’indiquer que la plupart du temps, ce sont les mêmes personnes qu’on recompte d’une semaine à l’autre et il omet d’indiquer également le chiffre de ceux qui finissent leur vie sur les côtes maoraises.

Depuis mercredi, jour de la découverte des rescapés, il n’y a eu aucune déclaration du gouvernement comorien. Vendredi dernier lors de son discours à l’occasion de l’eïd, le président Sambi a indiqué que “la question de l’île comorienne de Mayotte a été inscrite à l’ordre du jour définitif de l’Onu”.

Mahmoud Ibrahime

Source : Al-watwan N° 1452-53 du 1er décembre 2009 avec http://wongo.skyrock.com/