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Marie Trintignant rapatriée, Cantat en détention provisoire

Publie le jeudi 31 juillet 2003 par Open-Publishing

Un avion transportant l’actrice, plongée dans un coma profond, a quitté la Lituanie jeudi après-midi. Le chanteur a comparu le matin devant un tribunal de Vilnius, qui a décidé de son maintien en détention

Bertrand Cantat, leader du groupe rock Noir Désir, a comparu jeudi devant la troisième cour de justice de Vilnius (Lituanie), une comparution à l’issue de laquelle lui a été notifiée sa mise en détention provisoire jusqu’au 14 août. Il devait ensuite être transféré à la prison de Lukiskiu.

« Une folie. » L’air hagard, vêtu d’un jean et d’une veste grise, Bertrand Cantat s’est exprimé devant la famille de Marie Trintignant, dans le coma depuis la nuit de samedi à dimanche à la suite d’une violente altercation avec le chanteur. « Je réfute le terme de crime, a déclaré Cantat après le réquisitoire du procureur. C’est un accident après lutte, une folie. Mais ce n’est pas un crime. » L’avocat lituanien de la rock star a de même refusé d’employer ce mot et évoqué « un conflit humain », un « accident », « une tragédie ».

Nadine Trintignant, mère de la comédienne, s’est ensuite exprimée : « J’essaye de ne pas avoir de haine en moi car la haine est destructrice. Je l’éprouve malgré tout, quand je vois mon enfant dans son coma profond, après des coups portés d’une violence extrême. » Elle insiste : « Des coups, pas un seul, plusieurs. »
Selon la correspondante de l’AFP, Cantat pleure à cet instant dans son box. « Il est essentiel que les enfants de Marie sachent que la personne qui a tué leur mère est en prison », reprend Nadine Trintignant, qui évoque « des précédents » de violence sur des femmes de la part du chanteur qu’on « aurait dû soigner ».

Celui-ci reprend la parole. « J’ai entendu ce qu’a dit la maman de Marie, je comprends sa position. Je sais le dérisoire des paroles que je vais dire, mais je leur demande pardon, à Nadine, à Roman, à ma famille aussi (...) Je n’ai rien à faire en Lituanie. Je veux bien être arrêté en France et payer tout ce que je peux payer. » Il a ensuite été emmené à l’écart, où la notification de sa détention lui a été faite.

Le juge Dimitri Korsakovas, pour qui le chanteur a « commis un crime grave, qu’il reconnaît en partie », a justifié la détention provisoire, susceptible d’appel, par les besoins de l’enquête. Une enquête qui doit « être bouclée en Lituanie parce que le crime a été commis sur notre sol et des citoyens lituaniens figurent parmi les témoins », selon le chef de la police de Vilnius. Une information judiciaire a également ouverte en France, mardi, sous le double motif de « coups volontaires » et « non assistance à personne en danger » (lire aussi Cantat face à la justice).

Rapatriement. Un avion Falcon médicalisé transportant l’actrice a quitté jeudi à 18h15 locales (bien 15h15 GMT) l’aéroport de Vilnius, à destination de la France. Pour l’accompagner, Nadine Trintignant et des médecins français des services d’urgence du SAMU se trouvent à bord. Les autres membres de la famille devaient quitter la Lituanie à bord de vols réguliers, a indiqué l’un d’entre eux.

« La famille souhaite que, si elle doit mourir (...), ce soit en France », avait déclaré sur LCI Me Georges Kiejman, avocat de la famille Trintignant. « Elle est maintenue en vie artificiellement », a expliqué à l’agence Reuters Iavaras Raisudis, du cabinet juridique lituanien SPES, qui représente également la famille Trintignant. « Les médecins peuvent tout arrêter si la famille le décide mais une telle décision n’a pour l’instant pas été prise. »

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Cantat face à la justice
La famille de la comédienne porte plainte contre le chanteur.

Bertrand Cantat, chanteur du groupe Noir désir, cache son visage lors de son arrivée à l’hôtel de police de Vilnius, où il a été interrogé pour la deuxième fois sur les circonstances de sa dispute avec Marie Trintignant. Il n’y a plus d’espoir de sauver l’actrice, toujours plongée dans un profond coma dans un hôpital de la capitale lituanienne.
© REUTERS

Les parents de Marie Trintignant, Nadine et Jean-Louis, ainsi que son frère Vincent ont exprimé hier auprès de leur avocat, Georges Kiejman, leur intention de déposer, sans doute aujourd’hui, une plainte avec constitution de partie civile, au nom d’eux trois. Le motif de la plainte dépendra de l’état de santé de l’actrice, âgée de 41 ans, atteinte d’une hémorragie cérébrale et dans un coma profond depuis trois jours après une violente dispute avec son compagnon Bertrand Cantat, 39 ans, le chanteur de Noir Désir.

En cas de décès, la procédure pourrait se placer sur le terrain des « coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Ce qui, du point de vue de la famille Trintignant, écarte l’hypothèse d’un accident. En tout cas, l’enquête est toujours en cours à l’encontre du chanteur soupçonné d’avoir frappé la comédienne dans la nuit de samedi à dimanche, dans la chambre qu’ils occupaient dans un hôtel de Vilnius, en Lituanie, où elle tournait un film.

Hier, le ministre de la Justice, Dominique Perben, a indiqué que Paris allait sans doute adresser une commission rogatoire internationale à la Lituanie, ce qui permettra à la justice française d’être associée à la procédure lituanienne. Une juge d’instruction de Bobigny, Nathalie Turquey, sera saisie de l’affaire. La nouvelle plainte va autoriser la mère de l’actrice, son père et son frère à suivre le dossier de « très près » ­ ce qui est leur souhait, selon Georges Kiej man ­ et à avoir accès à tous les actes de la procédure. Cette constitution de partie civile fait suite à la plainte simple pour « coups volontaires » et « non-assistance à personne en danger » déposée à l’encontre du chanteur, qui avait permis au parquet de Paris d’ouvrir, mardi, une information judiciaire.

Bertrand Cantat, d’abord hospitalisé dans un service de toxicologie ­ il aurait ingurgité alcool et médicaments pendant la nuit des faits ­ a été placé mardi en garde à vue pour 48 heures. Deux avocats lituaniens, désignés par son avocat parisien, Olivier Metzner, assurent sa défense sur place. Hier, le chanteur était toujours entendu et a accepté de participer, dans l’après-midi, à une très brève reconstitution. Jusqu’à maintenant, les Lituaniens n’ont pas l’intention de lâcher l’affaire, selon le chef de la police de la ville, Juozas Kandzezauskas, qui a affirmé : « L’enquête devrait être bouclée en Lituanie parce que le crime a été commis sur notre sol et des citoyens lituaniens figurent parmi les témoins. »

Selon une source proche du dossier, le parquet de Vilnius a indiqué que le chanteur est soupçonné d’avoir infligé à son amie « des blessures graves », crime passible de dix ans de prison selon le code pénal lituanien. Le visage de Marie Trintignant, toujours hospitalisée à Vilnius, porterait, selon un proche du dossier, des ecchymoses qui ne seraient pas dues à une simple chute. Information confirmée par Me Kiejman : « Son visage était trop tuméfié. »

Ambiance. Le chef de la police assurait que le tribunal n’a encore pris aucune décision concernant le maintien en détention de Bertrand Cantat. « Le juge est en train d’analyser les preuves, et il prendra une décision plutôt demain », a poursuivi hier Juozas Kandzezauskas, en précisant que le frère de l’actrice, Vincent Trintignant, a été entendu dans la matinée comme témoin. Non pas des faits qui se sont déroulés à huis clos, mais de l’ambiance orageuse entre le chanteur et la comédienne qui les aurait précédés. Contrairement à ce qui a été dit, l’un des fils de la comédienne, présent sur place, Roman Kolinka, n’aurait été témoin d’aucune scène de violence entre sa mère et le musicien cette nuit-là.

Plus aucun espoir. Hospitalisée dimanche au petit matin, Marie Trintignant a subi deux opérations, dont la seconde a été qualifiée « de la dernière chance » par le neurochirurgien français Stéphane Delajoux, qui l’a pratiquée. « Au point de vue neurologique, il n’y a plus d’espoir, a-t-il déclaré hier sur Europe 1. On peut la soulager mais ça n’est pas nécessaire. Elle est dans un état où il n’y a aucune souffrance, ni morale ni physique. » Les actes médicaux, radios et scanners, ne pourront désormais servir que de pièces à conviction.

Par Libération.fr
jeudi 31 juillet 2003