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OGM au sénat : les sénateurs de tous bords sont vraiment des incapables

Publie le samedi 25 mars 2006 par Open-Publishing
1 commentaire

Honte aux communistes, socialistes, verts qui n’étaient pas là pendant que se jouait le destin de l’agriculture biologique face à la menace OGM.

Voici le témoignage d’un chercheur qui se bat contre les OGM. A quoi cela sert donc de voter :

SÉNAT : LE DÉBAT SUR L’AUTORISATION DES OGM
À pleurer ...
UN TÉMOIGNAGE

jeudi 23 mars 2006

Témoignage de Christian Velot, chercheur et enseignant en biologie moléculaire à l’Université Paris-sud , venu plusieurs fois en Mayenne animé des conférences sur les OGM et qui témoigne en faveur des faucheurs volontaires dans les procès.

Je faisais partie hier de la délégation de militants anti-OGM qui est allée au Sénat écouter les « débats » sur le projet de loi.

Je crois que je n’aurais pas dû. Alors que j’avais passé une bonne journée militante qui, comme à chaque fois, regonfle les batteries et redonne plein d’espoir, à commencer par un débat à 10H30 le matin sur i-télé aux côtés de Noël Mamaère et face aux VRP de la transgenèse généralisée que sont Houdebine et Ledéaut, je suis rentré chez moi complètement abattu, désabusé, avec un étrange mélange de sentiment de révolte et d’envie de pleurer.

Aujourd’hui, je ne suis toujours pas remis et je n’ai que le clavier de mon ordinateur comme remède car j’éprouve un immense besoin de faire partager le triste spectacle auquel j’ai assisté hier dans l’Hémicycle de la rue de Vaugirard.

Premier coup derrière les oreilles : le nombre de sièges vides. Sur 331 sénateurs, seulement 49 étaient présents en ouverture de séance, et il n’en restait plus que 35 après une demi-heure ! Je me dis alors qu’il doit au moins y avoir tous ceux qui sont (ou qui prétendent être) concernés par le sujet, et notamment qui sont censés défendre nos positions. On a bien cherché (c’était facile, ils n’étaient pas nombreux) : pas de Dominique Voynet, qui était pourtant venue le matin même faire de belles déclarations lors de la conférence de Presse ! Aucune présence non plus de Jean-Luc Mélenchon, proche de José Bové depuis la campagne contre le TCE, et pour lequel il est sans doute moins payant de venir faire son boulot au Sénat que se pavaner debout sur un banc du trottoir du boulevard Arago pour être certain de bien être remarqué pendant le passage de la manif anti-CPE de samedi dernier. Je l’ai d’autant plus amère qu’aux dernières sénatoriales (2004), j’ai fait partie, avec mon ami Raymond Leduc de la Confédération Paysanne, du comité de soutien de Jean-Luc Mélenchon (candidat en Essonne avec Bernard Véra et Claire-Lise Campion)...

Au delà de cet absentéisme pitoyable, reste le déroulement des « débats » : a pleurer (ou hurler mais on ne pouvait pas) ! Un brouhaha incroyable ! Personne ou presque n’écoute l’intervenant qui fait (ou plutôt qui lit) son discours. Chacun parle dans son coin avec ses voisins ou y va de ses petites activités personnelles. J’ai dix fois moins de bruit dans un amphithéâtre de 200 étudiants d’une moyenne d’âge de 20 ans, et sans que j’ai besoin d’exercer la moindre autorité. L’intervenant pourrait s’adresser à la porte de ses chiottes, ça ferait le même effet.

Du balcon où nous étions situés, nous avions une vue plongeante sur les pupitres des sénateurs du groupe UMP. Pas un seul n’avait le projet de loi sous les yeux ! Raffarin et ses potes ont passé leur temps de présence (environ 30 minutes) à causer entre eux et se marrer, certains tournant carrément le dos à l’intervenant. D’autres remplissaient des dossiers, regardaient leur agenda. Deux sénatrices au fond de l’hémicycle (et donc juste en dessous de nous), aprè avoir regardé ensemble un album photo, s’échangeaient leur permis de conduire, leur pièce d’identité, sans doute pour mieux constater sur leur face de rat les dégâts provoqués au cours du temps par les crèmes à l’ADN végétal de chez Dior. Un autre montrait à son voisin des photos d’une maison imprimées en couleur sur du papier A4, probablement la résidence secondaire qu’il vient de s’acheter avec les 120 000 euros annuels qu’il perçoit pour venir se gratter les couilles au Sénat, une autre encore réorganisait ses papiers et ses billets de 20 euros dans son portefeuille... Et le plus drôle (enfin, façon de parler), c’est qu’à la fin d’une intervention, et uniquement s’il s’agissait bien sûr d’un intervenant de leur groupe, ils applausissaient comme des automates.

En ce qui concerne les interventions elle-mêmes, les âneries de ceux qui défendaient le texte étaient à la hauteur de leur méconnaissance du dossier. Quand à ceux qui étaient censées intervenir dans notres sens, il est clair que je ne les choisirais pas comme avocats, à moins que je ne souhaite être assuré de faire de la prison à vie : mous du genoux sur le fond, monocordes et sans aucune conviction sur la forme. Eux non plus n’avaient probablement pas lu le projet de loi, ...à moins qu’ils n’aient tout simplement pas vraiment envie de s’y opposer.

Bref, à pleurer vous dis-je ...

Peut-être suis-je trop naïf, ou peut-être ai-je tendance à prendre les choses trop à coeur ? Je ne sais pas. Toujours est-il que n’y tenant plus, au bout d’une heure j’ai décidé de partir, l’âme en peine, avec le profond sentiment d’avoir été brusquement téléporté plus de deux siècles en arrière, et de savoir de moins en moins ce que signifie « démocratie ».

Christian Vélot

Messages

  • Bonjour,

    Le témoignage de C. Vélot est sans doute très largement véridique ... et il y a de quoi s’inquiéter.

    Pour autant, n’oublions pas qu’un débat sur une loi est un marathon de plusieurs jours et que l’absence ponctuelle d’un sénateur ou député (même à l’ouverture) ne signifie pas qu’il ne suit pas le débat ... ainsi qu’en témoigne le document ci-dessous, reçu par ailleurs et qui retranscrit l’intervention de Dominique Voynet (pourtant citée avec insistance par C. Vélot comme absente).

    Et il vaut mieux éviter de juger d’un travail de deux jours et demi au bout d’une heure... Evitons les travers que nous reprochons à nos adversaires. Et évitons de stigmatiser trop vite nos alliés, alors que nous avons fort à faire à combattre nos adversaires !

    Cordialement,

    Jacques Caplat (militant bio et anti-OGM)


    Monsieur le Ministre, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs,

    Comment le nier ?

    Nous ressentons un profond malaise à l’idée de devoir à nouveau nous prêter à ce qui semble, au regard de l’exigence démocratique, une sorte de mascarade.

    1. Parce que le projet de loi que vous nous soumettez aujourd’hui a été élaboré dans le secret des cabinets. Nous ne l’aurions probablement découvert, dans la presse, qu’à l’occasion de son adoption en conseil des ministres si une fuite rocambolesque n’avait permis à Geneviève Perrin Gaillard, députée des Deux-Sèvres, d’en prendre connaissance, au moment même où vous affirmiez, Monsieur le Ministre, que le projet avait « fait l’objet d’une vaste consultation ». Vous le savez mieux que personne, les organisations regroupant des agriculteurs qui ne veulent ni ne peuvent utiliser des OGM – agriculteurs biologiques, apiculteurs… - alors même qu’ils peuvent en être les victimes directes ou indirectes, les gestionnaires d’espaces naturels et les défenseurs de la biodiversité susceptibles d’être la cible involontaire de transgènes non désirés, les associations de consommateurs que rien n’a pu convaincre de l’intérêt de ces techniques, les scientifiques qui, sans être forcément hostiles au principe même des OGM, restent perplexes quant aux modalités même de leur développement actuel, ont été consultés… comme les syndicats de salariés et les organisations étudiantes l’ont été sur le CPE ou l’apprentissage à 14 ans. C’est-à-dire pas du tout.

    2. Parce que le grand débat démocratique promis n’a pas eu lieu ! Certes, et contrairement à ce qu’affirma hier la rumeur, le texte ne sera pas examiné selon la procédure d’urgence. Pourtant, il faut l’avouer, cette rumeur, nous lui avons accordé du crédit tant la procédure d’urgence est utilisée de façon routinière par le gouvernement. Sur la loi sur les obtentions végétales par exemple, qui dormait depuis dix ans sur les bureaux du Sénat et qui entérina en quelques heures la toute puissance des obtenteurs de semence.

    Je regrette, Monsieur le Ministre, que ce débat approfondi n’ait pas eu lieu, non seulement sur le texte lui-même, mais aussi sur le type d’agriculture qu’il sous-tend et encourage.

    Vous ironisez, Monsieur le Rapporteur, sur la façon dont les media rendraient compte du débat sur les OGM, « réduit par les medias à des images de fauchage ». Mais comment en serait-il autrement alors qu’il n’a jamais été possible de débattre sereinement de cette orientation majeure, et probablement irréversible, de l’agriculture en France, en Europe et dans le monde ? Le tribunal d’Orléans n’a-t-il pas en décembre dernier relaxé des faucheurs, invoquant l’article 122-7 du code pénal et l’état de nécessité dans lequel ils se trouvaient ?

    Le débat sera-t-il possible ici ? En écoutant le ministre de la Recherche, j’ai douté un moment. Comment pouvez-vous, Monsieur le ministre, céder à la tentation d’amalgames aussi grossiers ? Les OGM, le génie génétique, les biotechnologies, tout ça c’est la même chose pour vous ? Que croyez-vous prouver en rappelant qu’on utilise depuis plus de vingt ans, en milieu confiné, des levures et cellules génétiquement modifiées pour produire des facteurs de coagulation ou de l’insuline ? Que penseriez-vous d’un scientifique qui justifierait le recours à l’arme nucléaire, ou la dissémination tous azimuts de déchets nucléaires, par le fait bien réel, et que personne ne conteste, qu’on peut tuer des cellules cancéreuses par l’irradiation ciblée, en milieu très protégé, des tissus malades ?

    Monsieur le ministre de la recherche (l’absence des ministres de l’agriculture, de la santé et de l’écologie reste totalement mystérieuse à mes yeux) a également jugé bon de nous faire rêver un peu, invoquant tour à tour l’utilité des OGM pour faire reculer la faim ou pour faire en sorte que les cochons qui empoisonnent la Bretagne excrètent moins de phosphore. Quelle crédulité, Monsieur le Ministre ! Une crédulité inattendue, à vrai dire, chez un homme aussi expérimenté ! En d’autres temps, vous auriez cru aux avions renifleurs. La réalité est tout autre, Monsieur le Ministre : la quasi-totalité des dossiers d’autorisation concerne des plantes rendues résistantes aux herbicides, ou qui se comportent elles même comme des herbicides…

    3. Parce que ce texte ne répond pas réellement aux exigences des directives 98/81/CE et 2001/18/CE. Il faut bien préciser de quoi on parle, Monsieur le Rapporteur. Vous avez tenu à préciser que la directive 2001/18/CE avait été négociée alors que vous n’étiez pas en responsabilité. J’en conviens. Je regrette d’ailleurs beaucoup que vous n’ayiez pas jugé utile de me rencontrer. Parce que j’ai eu à gérer, et à assumer, les conséquences de décisions prises en 96 par le gouvernement d’Alain Juppé, autorisant la commercialisation, mais pas la mise en culture, d’un maïs Bt. Le Conseil d’Etat a confirmé la compétence liée. Parce que j’ai eu en effet à conduire, pendant la présidence française de l’Union européenne au cours de l’été 2000, la procédure de co-décision entre le Conseil et le Parlement européen. J’aurais pu vous expliquer quelles difficultés avait rencontré le Conseil, très réservé sur les OGM, face au Parlement européen, qui ne partageait pas cette prudence. J’aurais pu vous expliquer comment j’ai, au nom du gouvernement, engagé la France, aux côtés de l’Allemagne, du Danemark, de l’Italie, de la Grèce, de la Belgique, dans la voie d’un moratoire européen, qui fit l’objet d’un contentieux devant l’OMC. Comme vous le savez, le panel de l’OMC a donné largement raison aux Européens, reconnaissant notamment : "Si de nouvelles preuves scientifiques apparaissent qui contredisent les faits scientifiques disponibles et qui concernent directement les produits transgéniques en phase d’autorisation, nous pensons qu’il pourrait être justifiable de suspendre toutes les autorisations en cours le temps d’évaluer les nouvelles preuves" . Encore faut-il disposer des informations, même si les recherches ont été conduites dans l’ombre des labos des firmes…

    Je veux le dire ici avec la plus grande netteté : la directive européenne n’a pas pour objet d’encourager l’usage des OGM ; elle ne demande pas aux gouvernements de sacrifier leur agriculture. Elle propose d’encadrer cette pratique, avec une obsession : la transparence, et deux exigences : la santé et l’environnement.

    De quoi s’agit-il ici ?

    Deux questions méritent d’être posées : Pourquoi les OGM en agriculture ? Et pourquoi un projet de loi ?

    Pourquoi les OGM ?
    S’agit-il de répondre aux attentes des consommateurs, qui saliveraient à l’idée de découvrir de nouveaux goûts, de nouvelles textures ?

    Bien sûr que non. Hostiles pour une partie non négligeable d’entre eux. Prudents, à une écrasante majorité. Interloqués, de constater que tant de moyens sont développés pour protéger les intérêts de quelques firmes et leur permettre de revendiquer la propriété commerciale d’éléments du patrimoine de l’humanité.

    Dans un contexte marqué par des controverses passionnées et irrationnelles, ce sont vos propres mots, Monsieur le Ministre, ces citoyens, ces consommateurs sont probablement victimes de la scandaleuse désinformation d’obscurantistes faucheurs ! Soyons sérieux, Monsieur le Ministre. Les ONG disposent de beaucoup moins de moyens que vous, que Limagrain ou Monsanto, que les grandes coopératives agricoles, pour informer et influencer le citoyen.

    S’agit-il de faire reculer la faim ? Non plus. Il faut d’ailleurs souligner que les industriels, qui invoquaient la main sur le cœur le sort des enfants affamés du continent africain, se sont faits plus discrets sur ce terrain. Plus discrets que le ministre qui semble ignorer que ce n’est pas pour des céréales moins gourmandes en eau, ou pour des riz enrichis en vitamines diverses, qu’on dépose des brevets ! Mais pour des maïs ou des sojas résistants aux insecticides ou produisant eux-même des pesticides.

    S’agit-il de limiter l’usage des pesticides, herbicides ou insecticides ? Evidemment pas. Au lieu d’apporter avec doigté et mesure les produits nécessaires à la plante aux différentes étapes de sa croissance, on se propose de la gorger du pesticide maison, vendu « en kit » avec la semence, apporté en une seule fois, idéalement par voie aérienne. C’est super : on cultive des surfaces plus importantes, avec moins de travail humain. Est-ce une si bonne nouvelle pour des pays dont la plus grande partie de la population vit de l’agriculture ? Est-ce un si grand progrès de proposer à des paysans habitués depuis toujours à sélectionner et reproduire leurs semences d’acheter les semences protégées par des

    De renforcer l’agriculture ?
    On manque évidemment de recul pour apprécier l’impact des OGM en Europe. Mais il faut regarder ce qui se passe ailleurs. En Argentine par exemple, où le soja transgénique a été introduit il y a dix ans. On comptait 710 000 actifs dans ce secteur en 1996, ils sont 257 000 aujourd’hui.

    Vous affirmez, Monsieur le ministre, que la transparence doit être assurée, que l’information doit être totale. N’avez-vous pas demandé à la Commission européenne, par une note qui n’avait pas vocation à être rendue publique, que l’article 25 de la directive 2001/18/CE soit interprété d’une façon plus conforme aux intérêts des firmes ? C’est en Allemagne qu’ont été publiées des données démontrant que l’ingestion de maïs MON 863 par des rats, n’était pas exempte de conséquences sur leur santé. Pourquoi ce silence ?

    Prenez des initiatives, Monsieur le Ministre. Ouvrez le débat. De quoi, de qui avez-vous peur ? Pas de José Bové quand même !

    Monsieur le Ministre, Monsieur le Rapporteur,

    Je n’ai pas l’intention de chercher à amender votre projet. Il est faible, parce qu’il n’apporte aucune réponse concrète aux problèmes posés par la cohabitation des cultures et ne mentionne même pas le principe de précaution. Il est dangereux, parce qu’il consacre le droit des firmes face aux besoins des peuples. Il doit être retiré.

    La charte de l’Environnement a été votée en grandes pompes, à Versailles, il y a un an à peine. Je ne résiste pas au plaisir de vous en rappeler les principaux considérants. « Considérant… que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ; que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ; que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ; que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ; que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles… »

    Ce ne sont que des mots. Mais ils nous obligent… et nous conduiront à revenir sur les dispositions que vous nous proposez aujourd’hui. Le plus tôt sera le mieux, Monsieur le Ministre, pour les citoyens et pour la planète.