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POUR MIEUX CONNAITRE LA REUNION : LE MALOYA

Publie le mercredi 5 avril 2006 par Open-Publishing
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Le maloya au rythme envoûtant qui met en transe les corps et les esprits, plonge ses racines dans les interstices de l’époque de l’esclavage. son origine est entourée de mystère.

Les traces écrites ou iconographiques qui permettaient de remonter sûrement le temps sont rares. On peut considérer qu’il est l’un des avatars d’une forme ancienne du séga primitif, née de la fusion d’expressions musicales, vocales, instrumentales et dansées des esclaves africains et malgaches, reprises par les engagés indiens et plus tard par les descendants de colons, marquée du sceau de la créolisation.

L’origine du mot lui-même n’est pas attestée avec certitude.

Les danses et les chants de ces hommes et de ces femmes arrachés de la terre de leurs ancêtres d’Afrique, de Madagascar et de l’Inde pour partager la condition d’esclaves ou d’engagés, ou descendants de colons pauvres "petits blancs", ont eu sans doute, avant tout, une fonction cathartique et d’un caractère sacré. Après avoir subi la rude épreuve de la tâche à la gaulette dans les menées de canne à sucre, au cœur du soleil et parfois sous la pluie, les corps en transe sublimaient l’angoisse et se guérissaient de la rupture. De la tombée de la nuit à l’aube du jour au rythme du rouler* et kayanm*, on dansait et on chantait, en secret, le pays des ancêtres, les origines et traditions perdues ; on rendait hommage à ses morts, on dialoguait avec ses esprits et ses dieux.

Le maloya complétait ou se confondait alors avec le kabaré avatar du kabary malgache, le sèrvis malgas ou la fèt bef, le sèrvis kaf, les rites sacrés des offrandes aux ancêtres qui libéraient les corps et les esprits.

Dans les années 1970, quelques groupes ravivèrent la flamme de ce maloya que ses héritiers traditionnels, lo rwa kaf, Grammoun Lélé, Firmin Viry, Ramouche et beaucoup d’autres, faisaient couver tel un brasier sous la cendre.

Le Parti Communiste Réunionnais fit, à cette époque, sortir de l’ombre un genre condamné à se cacher pour échapper au balayage de la culture créole entrepris par quelques départementalistes.

Ils aidèrent Firmin Viry à enregistrer deux disques.

Dans les réunions politiques, les textes traditionnels illustrant bien souvent le quotidien et porteurs d’une magie qu’il fallait garder secrète, ponctuèrent les textes militants.

Bondié, mon zoli bondié
Domann mon somin galizé partou " (Lo rwa kaf)

"Bobobolom si ma djin djé manman.

Si ma lélo !" (Gramoun Lélé)

Après 1981 et la reconnaissance officielle de la fête du vingt décembre, des artistes rebelles vont mettre en scène un maloya qui jusqu’alors marronnait, intriguait, voire inquiétait l’imaginaire, suscitait la curiosité et parfois même était sous surveillance. Patrick Persée, Gaston Hoareau, Danyèl Waro, Ziskakan et Gilbert Pounia, Bastèr et Thierry Gauliris, son leader aux Dread locks, Cimendef et son chef indépendantiste Sinimalé, Zarboutan, Roséda, Ti Fock, Ousa nousava, Ravan, Jacqueline Farreyrol et Kaloupilé comme beaucoup d’autres vont faire vibrer la musique et les cœurs.

Signe de la révolte, le maloya va devenir le symbole fort d’une identité réunionnaise qui sortait enfin de sa chrysalide pour s’épanouir au grand jour.

Le festif et le revendicatif vont cohabiter. Deux tendances toutes deux imprégnées de la magie poétique des mots et des sons vont s’affirmer : l’une représentée par les groupes familiaux (Firmin Viry, Ramouche, Le Rwa kaf, Grammoun Lélé...) qui privilégient la tradition orale porteuse de la culture au quotidien ; l’autre avec des groupes associatifs (Ziskakan, Baster) servis par des auteurs (Gilbert Pounia, J-C Carpanin Marimoutou, Patrice Threuthard, Axel Gauvin, Alain Armand, Thierry Gauliris...) qui cisèlent l’écriture de leurs textes.

Les uns et les autres puisent dans le trésor de la langue créole en faisant revivre des archaïsmes, en empruntant aux langues-sources, ou encore en créant des néologismes.

Des groupes tels que Caroussel, Baster, Ziskakan, Zoun vont faire évoluer le genre et le doter de l’énergie électro-acoustique. Les infrasons du rouler vont résonner de plus en plus loin.

Dès 1987, le seggae (séga/reggae) voit le jour, puis le maloggae (maloya/reggae) que Na Essayé, issu de l’expérience "CES musique", va promouvoir.

L’intégration à la musique traditionnelle de rythmes et d’instruments nouveaux (guitare, violon, saxophone, tabla, djembé et autres) aboutit à la création du maloya-électrique, du maloya-rock, du maloya-jazz, du maloya-techno. Leurs précurseurs sont Caroussel dont certains membres ont rejoint Ti Fock, Filip Barret, Ziskakan, Baster... et les continuateurs Patrick Persée, Alain Mastane, Raskaf, Gadyanm, Maoul...

Patrick Persée
Les artistes et les groupes, notamment Ziskakan, Danyel Waro, Baster, Grammoun Lélé, Lo Rwa Kaf, Ti Fock... sortent de leur île et faire vibrer les foules du Québec, du Brésil et du Japon en passant par l’Europe sans oublier les îles sœurs de l’Océan Indien.

Ainsi le maloya sera passé de l’espace privé à l’espace publique, du sacré au profane, de l’expression mélancolique de la dure condition de l’esclave à l’affirmation festive et forte de l’identité réunionnaise, de la cérémonie conviviale au grand spectacle, de la clandestinité au grand jour, de la case à la scène internationale.

Va-t-il perdre de son authenticité en voulant se vendre et se fondre dans la World music ? Pour l’instant, les artistes qui le servent, musiciens et poètes poursuivent une remarquable quête esthétique qui lui donne ses lettres de noblesse.

Messages

  • Merci a Claude de Toulouse pour la reconnaissance du Maloya la Reunion, merci de n’avoir pas oublier tous ceux qui ont oeuvré pour la sauvegarde du Maloya, comme ses "vié gramounes" "Personnes âgées" qui ont malheureusement disparues. Merci encore, à travers ces textes ces artistes revivent. Une chanteuse et danseuse de Maloya, qui doit venir très prochainement à Toulouse.