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POURQUOI LES MARINS VOTERONT NANN

Publie le mercredi 20 avril 2005 par Open-Publishing
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de Jean-Paul Declercq ancien capitaine, marine marchande, syndicaliste , conseiller municipal Verts à Guérande

J’ai eu l’occasion de m’exprimer lorsque les marées noires de l’ERIKA, puis du PRESTIGE, se sont répandues sur nos côtes.

J’ai dit et redit que ces marées noires sont la conséquence du "toujours moins cher". C’est-à-dire d’une volonté politique, clairement affirmée en Europe, selon laquelle le transport doit coûter le moins cher possible, pour faciliter la concurrence "non-faussée".

J’ai connu une époque où une loi française imposait aux pétroliers d’importer 60% du brut sous pavillon français, pour raison d’indépendance nationale. En conséquence, les navires Total ou Shell étaient en bon état, car participant de la publicité dela marque. Mais bien sûr, cela "faussait" la concurrence.

Cette loi a donc été abrogée, et les tankers sont passés sous pavillon de complaisance. Je peux donnerune date pour la période charnière. 8 janvier 1979. Explosion du pétrolier Bételgeuse dans le port de Bantry Bay. 51 morts. Il devait être vendu et dépavillonné. Des témoins ont indiqué qu’il était entretenu au minimum en attendant.

J’ai connu une époque où, par mesure de justice pour les Etats du Sud, et faciliter le développement de leur flotte de commerce, le principe du 40/40/20 avait été adopté sur les lignes régulières. Ce principe de partage du marché du transport entre 40% pour le pays importateur, 40% pour le pays exportateur, 20% pour les outsiders, avait commencé à être appliqué. Mais c’était contraire à la liberté de concurrence. Terminé. Il n’y a plus de flotte des pays du sud. Plus de flotte des pays du Nord nous plus d’ailleurs. C’est-à-dire que tous les navires ou presque sont sous pavillon de complaisance, avec des pays du sud qui louent l’utilisation de leur pavillon à des armateurs-financiers du Nord. C’est mieux. C’est la concurrence non-faussée. Et tant pis pour les dégâts collatéraux.

J’ai connu l’époque où les Etats (et pas seulement les héritiers de Colbert) considéraient nécessaire pour leur indépendance nationale d’avoir des navires pour couvrir leurs importations et exportations. En foi de quoi ils subventionnaient les armateurs d’une manière ou d’une autre, en particulier, en France, par l’aide à la construction des navires. Mais il est apparu que ces aides "faussaient" la concurrence. Elles ont donc été interdites. En conséquence de quoi les armateurs ont commencé par faire construire leurs navires là où c’est moins cher (la Corée par exemple, Etat qui, soit dit en passant, ne se gène pas pour aider ses chantiers navals), ce qui a eu comme premier résultat de faire disparaître nos chantiers navals, à l’exception des Chantiers de l’Atlantique, qui construisent des paquebots de luxe. Mais comme tous les armateurs ont fait le choix du constructeur le moins cher, cela n’a pas été suffisant pour faire face à la concurrence.

Certains ont donc passé leurs navires sous pavillon de complaisance. D’autres Etats Européens ont détourné le principe de "concurrence non faussée" en créant des registres bis avec des règles hors du commun : Impôts sur les bénéfices supprimés au profit d’une taxe unitaire, suppression des impôts directs pour les marins (au profit des armateurs qui les paient moins cher), possibilité d’embarquer des marins offshore sous-payés, effectifs en dessous des conditions nécessaires pour assurer la sécurité en toutes conditions.

Ces choix n’ont pas été considérés comme contraire aux traités par la Commission. La France vient de suivre cette voie en créant le RIF (registre international français), pavillon de complaisance français qui remplace le registre TAAF.

Le principe de la "concurrence non faussée", c’est donc, dans le transport maritime, la disparition des chantiers navals, la disparition de la flotte française, et son remplacement par une flotte de navires battant pavillon français, mais hors-la-loi commune, puisque la loi applicable aux marins sera celle du pays où est établie la société de main-d’ouvre qui va fournir ces marins, et qui sera officiellement l’employeur.

Maintenant, cela n’étonnera personne si je vous dit que les marins à qui j’ai posé la question m’ont tous dit qu’ils voteront NON. Il est vrai qu’ils ne sont plus beaucoup. Mais ils sont nombreux, ceux qui ont été obligés de mettre sac à terre, comme les anciens des chantiers, et tous ceux à qui on veut faire croire que la société de marché, c’est l’idéal et l’avenir des peuples.

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